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Élections législatives au Kosovo: vers la fin politique des chefs de l'indépendance ?

Le Kosovo élit ses députés dans un contexte de crise sociale exacerbée et sous la pression de la communauté internationale qui exige un règlement du conflit avec la Serbie, l'un des principaux foyers d'instabilité en Europe. Analyse.
  Laurent Geslin est rédacteur en chef du Courrier des Balkans. Il revient pour TV5Monde sur les enjeux de ces élections législatives qui pourraient mettre fin à la domination des anciens chefs de la guerilla indépendantiste. Explications.
 
laurent geslin
Laurent Geslin est réacteur en chef du Courrier des Balkans.
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TV5MONDE: Les Kosovars élisent leurs députés. Le scrutin pourrait marquer la fin de la domination des anciens chefs de l'indépendance ? Pourquoi ?

Laurent Geslin : L’ancien premier ministre Ramush Haradinaj a convoqué des élections, suite à sa démission, puisque ce dernier a été convoqué par La Haye pour crimes de guerre de l’UCK. Il a été convoqué pour témoigner. Cette démission est aussi la conséquence de profondes divisions liées à l'augmentation des tarifs douaniers sur les produits serbes. Le président Hashim Thaçi y était opposé. L'ancien premier ministre Ramush Haradinaj et le président Hashim Thaçi sont en fait tous les deux liés à l' UÇK ( L'armée de libération du Kosovo, organisation paramilitaire qui a lutté pour l'indépendance du Kosovo dans les années 90, NDLR). Ces deux hommes ont les mêmes positions idéologiques.

Ces questions nationales sont agitées par l'un et par l'autre pour essayer de mobiliser au maximum les électeurs. Cette surenchère nationaliste ne marche plus. Les problématiques sociales lors de ce scrutin sont beaucoup plus présentes et c'est un  phénomène nouveau. Les précédentes élections avaient été marquées par la prééminence des questions nationales, voire nationalises, concernant l’indépendance vis à vis de la Serbie. Le retour de ces questions sociales est en effet un signe qui peut faire dire que le règne sans partage du parti démocratique du Kosovo, le PDK, au pouvoir depuis 1999, va s’achever avec ce scrutin. Le camp des chefs  historiques de l'indépendance est également frappé par la corruption des liens avec des clans mafieux.  L'électorat est gagné par la lassitude. Mais il faut rester extrêmement prudent. Le président Hashim Thaçi a plus d’un tour dans son sac.

kosovo
Hasim Taci, ici en 2007 avec le ministre des affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier, premier ministre puis président du Kosovo domine la vie  politique du Kosovo depuis 2007.
AP/Fritz Reiss

Comment peut-on décrire la situation économique et sociale au Kosovo ?

La situation économique est tout simplement catastrophique. Les taux de chômage atteindraient 30 à 40 pour cent de la population active. Le Kosovo ne produit rien. Quelques mines fonctionnent encore. On a quelques services sur place comme des banques ou de la téléphonie. Mais l'industrie lourde est totalement inexistante, les investissements étrangers sont limités. La corruption est endémique. A tel point que les jeunes qui sont qualifiés et qui ont grandi au Kosovo choisissent l'exil pour faire vivre leurs familles. L'année dernière, en 2018, le Kosovo a reçu 800 millions d'euros de l'étranger par cette diaspora qui est partie en Allemagne, Autriche ou en Suisse et qui renvoie de l'argent pour faire vivre les familles. Ce chiffre de 800 millions correspond à 10 pour cent du PIB (production économique annuelle d'un pays, NDLR) du pays.


L'arrivée d'une nouvelle coalition peut-elle relancer un dialogue politique entre le Kosovo et la Serbie ? 

L'arrivée d'un nouveau gouvernement pourrait éventuellement ouvrir un nouveau dialogue. Mais quels partis pourraient constituer cette coalition ? Quelles directions vont prendre ces partis dans le bras de fer entre politiciens kosovars et politiciens serbes ? D'après les derniers sondages, le parti qui dominerait serait la LDK, la ligue démocratique du Kosovo. C'était le parti d'Ibrahim Rugova (figure pacifiste de la lutte pour l’indépendance, décédé en 2006, NDLR). Ce parti est talonné par le parti souverainiste de gauche Vetëvendosje. Quelle sera la direction prise par cette coalition ? Le leader de Vetëvendosje, Albin Kurti, a plusieurs fois répété que le Kosovo avait vocation à être indépendant et avait vocation à s'unir avec l'Albanie voisine. La question des frontières avec le Kosovo diverge en fonction des partis. Cette question des frontières sera donc fonction du rapport de force dans cette coalition.

Le Kosovo, de la guerre à la marche vers l'indépendance.

1996: début du conflit entre la Serbie et le Kosovo, avec la création de l'Armée de libération du Kosovo, plus connue par son sigle UÇK qui récupère en 1997 un grand stock d'armes venues d'Albanie.

1999: après l'échec de négociations à Rambouillet, l'OTAN procède à une campagne aérienne de bombardement. Les forces serbes se retirent du Kosovo.

2005: l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari reçoit un mandat de l'ONU pour superviser les négociations entre Belgrade et Pristina. À partir du retrait des troupes serbes et de l'arrivée de la KFOR, le Kosovo vit sans véritable statut. Par ailleurs, le nord du Kosovo, composé d'une majorité de Serbes, est de facto contrôlé par la République de Serbie.

2006: Ibrahim Rugova, président de la province kosovare depuis 1992, meurt d'un cancer du poumon, après avoir échappé à un attentat à la bombe l'année précédente. Partisan non-violence, il s'oppose au Parti démocratique du Kosovo (PDK), branche politique de l'UÇK, qui gagne les élections législatives de 2007.

2008: le 17 février, le parlement de la province proclame l'indépendance du Kosovo, souhaitée par le premier ministre Hashim Thaçi, leader du PDK.  Les États-Unis et plusieurs pays européens, dont la France, reconnaissent cette indépendance.

2012: le Kosovo accède à la pleine souveraineté, la tutelle internationale étant officiellement levée.

2018: parmi les 193 États membres des Nations unies, 144 ont reconnu le Kosovo, néanmoins deux membres permanents du conseil de sécurité - la Russie et la Chine - y sont opposés, ce qui est également le cas de cinq pays de l'UE, notamment l'Espagne, en prise avec l'indépendantisme catalan.