Élections législatives au Québec : les défis des partis d'opposition

Les Québécois se rendront aux urnes le 3 octobre : ils devront décider s’ils reportent au pouvoir le premier ministre sortant François Legault et ses troupes de la Coalition Avenir Québec. Au terme d’un premier mandat marqué principalement par la gestion de la pandémie, l’enjeu principal de ce scrutin n’est pas de savoir qui va le gagner, puisque la CAQ semble assurée d’une victoire majoritaire, mais quel parti de l’opposition tirera le mieux son épingle du jeu, dans un contexte de brassage solide de l’échiquier politique québécois. Deuxième volet de notre correspondante Catherine François sur les enjeux des ces élections.
Image
Gabriel Nadeau-Dubois
TV5MONDE INFO
Partager8 minutes de lecture

« Qui formera l’opposition officielle, s’interroge Sébastien Bovet, est-ce que le parti un peu plus de gauche, Québec Solidaire, saura devancer le Parti Libéral du Québec qui est traditionnellement le parti du pouvoir ou de l’opposition ces dernières années ? Et à quel point le Parti conservateur s’est enraciné au Québec, est-ce qu’il va réussir à faire élire des députés plus à droite ? »

(Re)lire : Élections législatives au Québec : un scrutin joué d'avance ?

Les partis d’opposition face à des défis 

 
  • Le Parti conservateur du Québec

Le Parti conservateur du Québec est le p’tit nouveau sur la scène politique québécoise : mené par l’ex-animateur d’une radio populiste de Québec, Éric Duhaime, il a fait une percée ces derniers mois dans les sondages, car il a cristallisé le mécontentement populaire contre les mesures sanitaires imposées par la pandémie. Donc un parti qui a dénoncé les campagnes de vaccination, le port du masque, les confinements, sous prétexte que cela brime la liberté des individus. C’est un parti de la droite libertarienne, qui flirte avec l’extrême droite, et dont les partisans sont concentrés dans la région de Québec, la capitale du Québec.


Le parti d’Éric Duhaime, c’est le parti d’une région et le parti d’un seul combat.André Lamoureux, politologue

« En effet, le parti d’Éric Duhaime, c’est le parti d’une région et le parti d’un seul combat, confirme Sébastien Bovet, donc son défi c’est de démontrer qu’il y a plus que l’opposition aux mesures sanitaires et à la vaccination et qu’il est capable de proposer aux Québécois un programme politique différent des autres. Mais jusqu’à maintenant il n’a pas réussi à faire ça. Il a bâti sa montée en popularité sur le mécontentement des gens, mais être mécontent ce n’est pas un projet politique, ça peut vous faire réagir lors d’un sondage, mais est-ce que ça va vous faire voter aussi ? Pour l’instant, on a l’impression qu’il s’enracine surtout dans la grande région de Québec où il a des chances de faire élire des députés, mais au-delà de la grande région de Québec, Montréal et les régions, il pourrait avoir des votes sans nécessairement faire élire des députés .»

Le politologue André Lamoureux, lui, s’interroge sur la popularité du programme de ce parti, qui prône le retrait de l’État québécois des grands programmes sociaux.

 « C’est ce qu’on appelle la droite libertarienne, plus à droite encore que le néo-libéralisme. C’est vraiment axé sur les droits des individus et la privatisation des services, dans la santé, l’éducation, comme par exemple le financement du logement social ou le financement des Centres de la Petite Enfance – le réseau public des crèches québécoises -. Certaines des positions de ce parti ne vont pas plaire à une majorité de Québécois, comme cesser de financer le réseau des CPE. Ce sont des mesures qui peuvent consolider sa base mais qui ne vont pas permettre de l’élargir, d’aller chercher de nouveaux électeurs. »

Bref, avec 13% d’intentions de vote, le Parti conservateur pourrait décrocher deux ou trois sièges concentrés dans la région de Québec, mais aurait-il déjà fait le plein des votes ?

TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...
  • Québec Solidaire 

De l’autre côté de l’échiquier politique québécois se trouve Québec Solidaire, un parti de gauche.

« Il est en montée en effet, avec un jeune leader charismatique Gabriel Nadeau-Dubois – qui s’est fait connaître en tant que leader lors des manifestations étudiantes du printemps érable de 2012 -. Maintenant est-ce que cette popularité ou cette perception favorable de Mr Gabriel Nadeau-Dubois, sera suffisante pour donner des voix à Québec Solidaire, assez pour que les Québécois perçoivent ce parti comme l’alternative à la CAQ ou le parti qui peut s’opposer à la CAQ, cela reste à voir » avance Sébastien Bovet.

Le problème de ce parti est qu’il est bien implanté dans les grandes villes universitaires du Québec avec un électorat jeune. Il doit encore percer dans le Québec plus rural des régions et tant qu’il ne gagnera pas des électeurs dans le reste de la province, il ne pourra pas devenir un jour l’opposition officielle et encore moins former un gouvernement.

Le PLQ n’a pas fait la démonstration qu’il a une proposition innovante et donc il est à la recherche de se personnalité.André Lamoureux, politologue

  • Le Parti Libéral du Québec

Le parti qui forme le gouvernement ou l’opposition officielle depuis les années 60 est le Parti Libéral du Québec. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ, ce parti connaît de grandes difficultés. Il est crédité de moins de 20% des intentions de vote.

« Le problème du PLQ, c’est un problème de personnalité : ça veut dire quoi être libéral en 2022 au Québec ? s’interroge Sébastien Bovet. On sait que c’est un parti fédéraliste, mais ce débat qui a marqué les 40-50 dernières années du Québec n’est plus d’actualité, donc comment le PLQ qui a fait son pain et son beurre de ce débat est-il capable de se renouveler, se donner une nouvelle identité, proposer quelque chose d’autres aux québécois ? Il n’a pas fait la démonstration qu’il a une proposition innovante et donc il est à la recherche de se personnalité. »

Selon l’analyste de Radio-Canada, la nouvelle cheffe libérale, Dominique Anglade, a du mal à se connecter à la population et à présenter les valeurs, le message de son parti.

« Ce qui nous fait dire que le Parti Libéral est plutôt en mode de sauver les meubles, sauver les députés et des circonscriptions, plutôt qu’en mode conquête et élargir son nombre de députés » croit Sébastien Bovet.


Il y a tellement de partis politiques sur la scène politique québécoise que la place au soleil du PQ est très dure à faire, il est dans l’ombre de partis en montée comme Québec Solidaire ou le Parti Conservateur.André Lamoureux, politologue

  • Le Parti Québécois

Mais les difficultés du Parti libéral du Québec ne sont rien à côté de celles du Parti Québécois, qui pourrait bien jouer son avenir à ces élections. Crédité de 10% d’intentions de vote dans les sondages, le parti historique de René Lévesque vit une lente descente aux enfers depuis qu’il a perdu le pouvoir en avril 2014. Succession de chefs après Pauline Marois – qui fut la première femme Première ministre du Québec -, érosion lente mais inéluctable des membres, baisse de la ferveur souverainiste au sein de la population québécoise : le Parti Québécois est devenu l’ombre de lui-même, ce qui fait craindre le pire pour ce scrutin.

« Combien de députés va-t-il avoir le soir du 3 octobre ? se demande Sébastien Bovet. Ce ne sera pas facile. Est-ce que ce parti, ce grand parti pour l’histoire du Québec, vit ses dernières années ? Il y a toujours un ressort au Parti Québécois, on l’annonce comme mort et il réussit à renaître de ses cendres, mais là on est dans une situation où il y a tellement de partis politiques sur la scène politique québécoise que la place au soleil du PQ est très dure à faire, il est dans l’ombre de partis en montée comme Québec Solidaire ou le Parti Conservateur.»

André Lamoureux ne peut s’empêcher de se désoler : « Le Parti Québécois était un parti de masse, il avait 300 000 membres et dans l’histoire du Canada, il n’y a aucun parti qui a eu 300 000 membres. Et aujourd’hui il est dans une situation de crise totale ».

Le politologue constate que la Coalition Avenir Québec a tiré la couverture sous les pieds du Parti Québécois dans de nombreux domaines : « La CAQ a repris tous les dossiers des aspirations nationales à son compte, la laïcité, le contrôle de l’immigration, la protection de la langue française. Le PQ doit se repositionner, prendre en charge avec force les aspirations auxquelles les Québécois sont très attachés » croit-il.

Sébastien Bovet estime que le nouveau chef péquiste, Paul Saint-Pierre Plamondon, a tout un défi à relever au cours des prochaines semaines : « Sans dire que le PQ joue sa survie, il est aux soins intensifs et ça va être difficile de se relancer dans cette campagne électorale, ça ne veut pas dire qu’il va mourir, mais ça va être une campagne électorale difficile à priori pour ce grand parti ».

Un grand parti, oui, car c’est sous sa gouverne que les lois qui ont le plus fait avancer socialement le Québec ont été adoptées : « On lui doit les grands programmes sociaux, l’assurance médicament, l’assurance automobile, la loi sur la santé et la sécurité au travail, la loi 101 qui protège la langue française, l’équité salariale dans les années 90, le réseau des Centre de la Petite Enfance ( réseau public de crèches ) qui est vanté à travers toute l’Amérique et même en Europe » énumère André Lamoureux.

C’est donc parti pour cinq semaines électorales, au cours desquelles les cinq partis vont, comme toujours, s’en donner à cœur joie dans la valse des promesses électorales pour tenter de séduire le maximum d’électeurs.