Élections législatives au Québec : offensif, Legault cible Nadeau-Dubois mais ignore Anglade

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Débat éléctions Québec

François Legault avait de toute évidence choisi Gabriel Nadeau-Dubois comme adversaire principal jeudi soir.

Radio Canada
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La joute oratoire de jeudi soir a donné lieu à un débat musclé mais discipliné sur le plateau de Patrice Roy de Radio-Canada. Compte rendu de Joëlle Girard, Jérôme Labbé et Jean-François Thériault pour Radio-Canada.

François Legault avait promis des sourires, mais il n'y en a pas eu beaucoup. Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) et premier ministre sortant a sorti ses griffes jeudi soir en s'en prenant d'abord et avant tout au co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'ambiance sur le plateau de Radio-Canada était bien différente de celle qui a régné sur celui de la TVA la semaine dernière. Si les échanges ont été tout aussi musclés, les chefs ont été beaucoup plus disciplinés, ce qui a permis de mieux comprendre les positions des aspirants premiers ministres.

Le premier thème de la soirée, l’environnement, a notamment donné l’occasion à MM. Legault et Nadeau-Dubois de débattre, par exemple, de la nécessité de construire de nouveaux barrages hydroélectriques ou d’imposer de nouvelles taxes et de nouveaux impôts pour financer la transition écologique.

"Je trouve ça très honorable, le plan de Québec solidaire", a reconnu le chef de la CAQ. "Mais vous vivez au pays des merveilles", a-t-il lancé à son adversaire avant d'ajouter que les cibles environnementales de QS sont "irréalistes et que les taxes que propose ce parti sont susceptibles de faire mal aux citoyens".

"Vous devriez ranger les décorations d’Halloween, arrêtez de faire peur aux gens", a rétorqué Gabriel Nadeau-Dubois. Selon lui, au cours des dernières semaines, la CAQ a répandu de fausses informations en ce qui a trait à la plateforme de QS.

Après une trêve de seulement quelques minutes, le débat a repris entre les deux hommes, toujours sur le thème de l'environnement, lorsque M. Legault a reproché à son adversaire de vouloir imposer une taxe sur les véhicules polluants.

Le chef de la CAQ a souligné que les familles de trois enfants et plus qui seront exemptées ne représentent que 15 % des familles et que le parti de M. Nadeau-Dubois demeure muet sur les régions qui seront dispensées de ladite taxe.

"Vous avez accusé M. Duhaime de tirer sur la chaloupe en parlant des mesures sanitaires la semaine dernière", a répondu le porte-parole de QS. "Or, c’est exactement ça que vous faites avec la lutte contre les changements climatiques", a-t-il ajouté.

Duhaime, un agitateur, selon François Legault

La pandémie de COVID-19 qui a marqué les deux dernières années du mandat de François Legault a également donné lieu à un échange particulièrement corsé avec le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ), Éric Duhaime, que le premier ministre sortant a dépeint comme un « agitateur ».

Le chef de la CAQ s’est tourné vers l'ex-animateur de radio lorsqu’il a été question de santé pour lui reprocher d’avoir contesté à grands cris les mesures sanitaires de son gouvernement.

"M. Duhaime, pendant deux ans, a joué le rôle d’un agitateur qui a profité de la souffrance des gens au Québec", a déclaré M. Legault. "Franchement c’est irresponsable, la façon dont a agi M. Duhaime. Je veux que les Québécois le sachent".

M. Duhaime, qui a à son tour accusé le premier ministre sortant d'avoir été irresponsable avec les enfants du Québec, s'est dit étonné après le débat que M. Legault ait décidé de l'attaquer sur la crise sanitaire alors qu'il était question de santé mentale à ce moment-là du débat.

Le chef de la CAQ , lui, a insisté sur le fait que le chef conservateur s'est disqualifié durant la pandémie. "Il n'a pas été solidaire avec les aînés du Québec", a-t-il répété en mêlée de presse après le débat.

Sujet inévitable cette année : le troisième lien a donné lieu à un affrontement bruyant entre François Legault et Eric Duhaime, le premier assurant qu'une étude est en cours, le second lui demandant des détails qui, malgré la combativité du chef conservateur, n'ont jamais été révélés.

Sujet inévitable cette année : le trosième lien a donné lieu à un affrontement bruyant entre François Legault et Éric Duhaime, le premier assurant qu'une étude est en cours, le second lui demandant des détails qui, malgré la combativité du chef conservateur, n'ont jamais été révélés.

Le troisième lien entre Québec et Lévis ou tunnel Québec-Lévis est un projet de tunnel routier visant à relier les rives du fleuve Saint-Laurent entre les villes de Québec et Lévis.

Combien cette étude coûte? Et qui fait l’étude? a demandé à répétition M. Duhaime, mais en vain.


Le chef de la CAQ n’a pas nommé la firme concernée, ajoutant qu’il ne savait pas exactement combien l’étude allait coûter. Ce que je sais, par contre, c’est qu’une étude va être faite sur un tunnel centre-ville à centre-ville avec quatre voies, a-t-il rétorqué.

Anglade se porte à la défense des femmes

Ignorée pendant une bonne partie du débat par le premier ministre sortant, la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominique Anglade, a pour sa part accusé François Legault d'avoir provoqué un recul pour les femmes en ne leur permettant pas de retourner sur le marché du travail en raison du manque de places dans les CPE.

Piqué au vif par cette remarque, François Legault a rapidement été rappelé à l'ordre par les chefs des trois autres partis, qui ont dû insister pour que le chef de la CAQ laisse sa vis-à-vis terminer.

Quelques instants plus tard, M. Legault a finalement répondu que Mme Anglade aimait à dire que son gouvernement n'avait pas traité les femmes équitablement. "C'est le contraire!" a-t-il insisté, avant de souligner qu'il avait notamment augmenté le salaire des enseignantes, des éducatrices [et] des préposées.

En mêlée de presse, la cheffe libérale a été largement questionnée sur son échange avec François Legault. Sans vouloir trop commenter, elle l'a dépeint comme un homme paternaliste, ce qu'elle avait déjà fait par le passé.

"Je pense que j’ai pris ma place, […] j’ai été très combative", a dit estimer Mme Anglade au terme d’un exercice qui lui a effectivement permis de se démarquer plus aisément que lors du premier débat, notamment sur le thème de la pénurie de main-d’œuvre et du fédéralisme.

Quant au chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, qui a offert jeudi une performance équivalente à celle du premier débat, il a notamment reproché à François Legault d'avoir renié ses convictions souverainistes. "Votre projet, c'est d'éteindre le projet d'indépendance du Québec; le mien, c'est de le relancer".


Le leader péquiste avait un plan en tête : présenter l'option souverainiste comme une solution aux nombreux problèmes auxquels fait face le Québec. Le thème de la santé lui a permis d'étayer certains de ces arguments.

"Il manque six milliards [de dollars] par année en santé au Québec", a-t-il lancé. François Legault, avec son "fédéralisme de gains" dans le Canada, avait promis d'aller les chercher. Justin Trudeau ne se déplace même pas, il ne prend pas la peine, et il répond en 24 heures : "Non."

Poursuivant sur sa lancée, M. St-Pierre Plamondon a dit estimer que "si on décidait nous-mêmes de nos budgets et qu'on prenait nos propres décisions, on ne serait pas pris à quémander [...] des sommes aussi majeures. La seule solution à ça, c'est l'indépendance du Québec", a-t-il ajouté.

Cet argumentaire n'a pas remué la fibre indépendantiste de François Legault, qui l'a balayé du revers de la main. Talonné par le chef péquiste, il a promis de continuer de demander ces sommes à Ottawa. On a pas mal plus de chance d'y arriver que de faire un référendum sur la souveraineté, a-t-il laissé tomber.

Paul St-Pierre Plamondon s'est fait discret jeudi soir, mais il a été particulièrement pugnace sur les questions relatives au français et aux liens qu'entretient le Québec avec le gouvernement fédéral.


Toutefois, François Legault n'en avait pas fini avec la question de l'indépendance. Plus tard dans le débat, la question lui a été posée : voterait-il oui en cas d'un nouveau référendum sur la souveraineté du Québec? Les Québécois n'en veulent pas, de référendum, a répondu le chef caquiste, ce qui a fait réagir Dominique Anglade.

Il n'a pas répondu à la question! s'est-elle exclamée, avant de rappeler qu'elle se considérait comme la seule cheffe ouvertement fédéraliste sur le plateau.

Plus que 10 jours pour convaincre les électeurs

Organisé par un consortium de médias (Radio-Canada, La Presse, Le Devoir, L’actualité, Télé-Québec et CPAC), le débat de jeudi a eu lieu dans la nouvelle Maison de Radio-Canada, à Montréal. La joute, qui a duré deux heures, a été animée par l’animateur Patrice Roy.

La campagne – qui culminera le jour du scrutin, le 3 octobre – reprendra rapidement vendredi matin, la plupart des caravanes devant faire des arrêts en matinée.

C’est aussi vendredi qu’il deviendra possible de glisser son bulletin dans l’urne.