Elections législatives au Venezuela : Etats-Unis et UE mettent Caracas sous pression

Lors d’une tournée en Amérique du Sud, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a considéré, vendredi, que le président vénézuélien, Nicolas Maduro, a "anéanti" son propre peuple et "doit partir". M. Maduro a riposté, accusant le représentant américain d'être un "va-t-en-guerre".
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Elections législatives au Venezuela : Etats-Unis et UE mettent Caracas sous pression
Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, doit faire face aux pressions venues des Etats-Unis et d'Europe alors que des élections législatives sont prévues le 6 décembre prochain.
Ariana Cubillos (AP)
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Mike Pompeo a débuté sa tournée sud-américaine de quatre jours au Suriname, avant de s’arrêter, vendredi 18 septembre, au Guyana puis au Brésil, deux pays limitrophes du Venezuela. 

Au cours de son passage au Brésil, l’homme politique américain a rencontré le président brésilien, Jair Bolsonaro, et visité un camp de réfugiés vénézuéliens à Boa Vista (nord-ouest). Là-bas, il a mis l'accent sur la situation délicate endurée par les quelque 5 millions de Vénézuéliens ayant fui leur pays.

"Les gens avec qui j'ai parlé ne veulent qu'une chose, c'est rentrer chez eux, dans un Venezuela démocratique, apaisé et souverain, où leurs enfants peuvent travailler", a déclaré le secrétaire d'Etat.

Plus tôt dans la journée, M. Pompeo avait estimé, lors d'une conférence de presse avec le président du Guyana, Irfaan Ali, que "le régime de Maduro a anéanti le peuple du Venezuela" et que "Maduro est un narcotrafiquant sous le coup d'une inculpation. Cela signifie qu'il doit partir".

Avec son homologue brésilien, Ernesto Araujo, ils ont, en outre, réitéré leur soutien à Juan  Guaido. "Il ne s'agit pas seulement de soutenir un jeune et courageux leader, il s'agit aussi de soutenir la Constitution vénézuélienne et ses autorités légitimes", a insisté M. Araujo.
 

Pression économique et diplomatique

Washington, comme près d’une soixantaine d’autres pays, reconnaissent le leader de l'opposition, Juan Guaido, président du Parlement, qui s'est autoproclamé président par intérim début 2019. Ce dernier qualifie Nicolas Maduro d'"usurpateur" et de "dictateur" depuis la présidentielle "frauduleuse" de 2018 qui lui a permis de se maintenir au pouvoir.

Depuis lors, Washington exerce sur le régime vénézuélien une pression économique et diplomatique de plus en plus forte à coups de sanctions pour tenter de l'évincer. En mars dernier par exemple, le ministère américain de la Justice avait ainsi inculpé Nicolas Maduro et plusieurs de ses proches pour "narco-terrorisme". Le mois dernier, les Etats-Unis ont saisi la cargaison de quatre tankers qui transportaient du pétrole iranien à destination du Venezuela.

Nicolas Maduro continue néanmoins de jouir du soutien de l'armée, clef de voûte du système politique vénézuélien, ainsi que de Cuba, de la Russie et de la Chine. Autant d'éléments qui lui ont permis de se maintenir au pouvoir.

Le président du Venezuela ne s'est d’ailleurs pas privé de rétorquer au secrétaire d'Etat américain : "Mike Pompeo mène une tournée va-t-en-guerre contre le Venezuela mais cela se retourne contre lui. Il a échoué dans toutes ses tentatives pour que les gouvernements du continent s'organisent et fassent la guerre au Venezuela", a déclaré M. Maduro à la télévision.

"Nous ne pouvons pas réaliser l’impossible"

Caracas prévoit d'organiser des élections législatives le 6 décembre, scrutin boycotté par une partie de l'opposition.

Le pays avait invité, le 2 septembre, un Groupe international de contact (GIC) à envoyer des observateurs aux législatives. Le GIC est composé de pays européens et latino-américains et regroupe, entre autres, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et l'Argentine, qui vient de le rejoindre. La Bolivie vient en revanche de le quitter.

Jeudi 17 septembre, le GIC a déclaré dans un communiqué commun que "le calendrier électoral actuel ne permet pas le déploiement d'une mission d'observation" et "conclu que les conditions n'étaient pas réunies pour le moment, pour un processus électoral transparent, inclusif, libre et équitable".

La formation a aussi "réitéré sa profonde préoccupation sur la dégradation de la situation humanitaire dans le pays, aggravée par la pandémie de Covid-19".

(Re)voir : Covid-19 au Venezuela : la population manque de tout
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Le ministère brésilien des Affaires étrangères a pour sa part appelé la communauté internationale à ne pas soutenir ces élections, convoquées par "le régime dictatorial" du chef de l’Etat, à l'origine de "possibles crimes contre l'Humanité", citant un récent rapport de l'ONU.

"Le Brésil considère qu'un régime comme celui de Maduro n'a aucune légitimité pour appeler à un processus électoral équitable", a abondé le ministère dans un communiqué.

Le Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a également plaidé pour un report, estimant que les conditions pour l'envoi d'une mission d'observation n'étaient pas réunies.

Une possibilité rejetée par M. Maduro, jeudi 17 septembre, qui estime la chose "impossible" pour des raisons constitutionnelles.

"L'Union européenne a suggéré la possibilité de reporter la date des élections au Venezuela mais c'est impossible car il s'agit d'un mandat constitutionnel, la Constitution prévoit que le 5 janvier 2021 la nouvelle Assemblée nationale entre en session", a-t-il déclaré lors d'une visioconférence en présence de candidats proches du gouvernement.

"Impossible, demandez ce que vous voulez, mais nous ne pouvons pas réaliser l'impossible, nous ne pouvons pas violer la Constitution, c'est un commandement, cela me semble clair", a-t-il encore insisté lors d'une allocution télévisée.

Unité brisée

Pour rappel, le chef de file de l'opposition, Juan Guaido, a pris la tête d'une trentaine de partis qui appellent au boycott de l'élection, estimant que son organisation par le pouvoir chaviste manque de transparence. "Les conditions pour des élections libres n'existent pas au Venezuela", a-t-il répété sur son compte Twitter jeudi.

Une figure de l'opposition, l'ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles, deux fois candidat à la présidentielle, a toutefois brisé cette unité en appelant la population à participer massivement aux législatives.

Le scrutin en vue du renouvellement du Parlement, seul pouvoir actuellement aux mains de l'opposition, a été boycotté par une trentaine de formations politiques, regroupant la majorité de l'opposition, qui le qualifient de "fraude".
 
Elle accuse le président Maduro d'utiliser "le contrôle exercé sur l'ensemble des pouvoir publics" pour en finir "avec la possibilité d'avoir quelque type d'élection libre et concurrentielle".

(Re)voir : Venezuela : le président Maduro expulse l'ambassadrice de l'UE​
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