Un "cru exceptionnel" pour le Front national. C’est ainsi que la présidente du parti, Marine Le Pen, a d'emblée qualifié les résultats du premier tour des élections municipales dans l'Hexagone, alors que certains n’étaient, à ce moment-là, pas encore définitifs. C’est le premier enseignement de ce scrutin : les estimations montrent une forte progression du FN, bien plus importante que celle qui avait été anticipée par les observateurs. A Hénin-Beaumont, le fief électoral de Marine Le Pen, dans le nord de la France, Steeve Briois, le secrétaire général du FN, remporte la mairie au premier tour, avec 50,26% des voix. C’est un symbole fort pour le parti populiste. Dans plusieurs villes, les candidats frontistes ou ceux soutenu par le FN sous la bannière du Rassemblement Bleu Marine arrivent en tête du premier tour. C’est le cas à Béziers, où Robert Ménard, ancien dirigeant de Reporters sans frontières, obtient 44,7% des voix ; à Forbach, en Moselle, où Florian Philippot remporte 35,75% des voix ; à Fréjus, dans le Var, où David Rachline approche les 40,2% ; à Perpignan, où Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen, cumule 34,4% des voix ; ainsi qu’à Avignon, où Philippe Lottiaux devance la candidate socialiste avec 29,8% des voix. Dans d’autres communes, le candidat du Front occupe la seconde place, comme Hervé de Lépinau, à Carpentras, qui remporte 34% des voix, derrière le maire socialiste sortant. Dans plusieurs villes où il n’était que marginal, comme à Reims, Brest ou Avignon, le parti populiste enregistre aussi une forte progression. Dans de très nombreuses villes, on s’achemine ainsi vers des triangulaires. Pour Marine Le Pen, qui fustige dans chacun de ses discours la politique menée par ceux qu’elle appelle "l’UMPS", ces résultats marquent la "fin de la bipolarisation de la vie politique" française.
A gauche, la réaction a immédiatement fusé. "Nous ferons tout pour éviter que le FN remporte des municipalités", a lancé la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, appelant au front républicain contre le FN et lançant un appel aux électeurs pour qu’ils se mobilisent au second tour. Plusieurs ministres, dont Stéphane Le Foll, un très proche du président de la République François Hollande, ont fait de même. Selon les premières estimations, l’UMP progresserait aussi à l’issue du premier tour. Jean-François Copé, le président du parti, est réélu à Meaux, de même que le chef de groupe à l’Assemblée, Christian Jacob, à Provins, en Seine-et-Marne. La droite a ainsi remporté son premier pari de sanctionner le pouvoir en place. Les révélations sur les affaires touchant Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy ne semblent pas avoir démobilisé les électeurs de la droite traditionnelle, mais peut-être en ont-elles détourné une partie vers le FN. Tout en appelant ses électeurs à sanctionner sévèrement le pouvoir socialiste, l’UMP n’osait pas tabler sur une "vague bleue". Selon l’objectif affiché par Jean-François Copé, le patron du parti, l’UMP espérait redevenir majoritaire dans les villes de plus de 9000 habitants, en gagnant une quarantaine de municipalités. Actuellement, 55% d’entre elles sont à gauche. Dans les nombreuses villes où le candidat FN se maintiendra au second tour, la question de la stratégie de l’UMP va se poser ; elle sera délicate à gérer et source potentielle de fortes tensions au sein du parti.
Enfin, dernier enseignement du scrutin, le pouvoir socialiste en place est clairement sanctionné. Mais la majorité espère pouvoir reprendre un peu de vigueur en se rassemblant au second tour. Selon les premières estimations de l’Ifop-SAS pour i > Télé et du CSA pour BFM TV, la participation s’élèverait à 65%. C’est un peu moins qu’en 2008 : le taux de participation s’était alors établi à 66,5%. A titre de comparaison, dans les années 1970 et 1980, la participation dépassait les 70%, flirtant parfois avec les 80%. De manière générale, elle s’effrite de scrutin en scrutin. Mais pour celui-là, les premiers chiffres n’ont pas montré un désintérêt aussi fort que certains le redoutaient. En période de fort mécontentement, les institutions locales inspirent encore confiance. Le maire reste l’élu préféré des Français et le Conseil municipal représente l’institution envers laquelle les Français manifestent le plus haut niveau de confiance (62%), selon le dernier baromètre du Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po.