Fil d'Ariane
Si l'on sait que la fonte des glaciers de montagnes et des calottes polaires conjuguée à l"expansion thermique de l’eau fait monter le niveau des océans, l'évolution est plus rapide qu'attendue. C'est ce que dévoile un nouveau projet de rapport de l'ONU dans le cadre de la prochaine session du GIEC.
Rédigé par des scientifiques experts des océans, le document de 900 pages, qui devrait être présenté officiellement à Monaco le 25 septembre, a pu être obtenu par l’AFP ce jeudi, qui en a dévoilé les principales conclusions en exclusivité.
En somme, les calottes du Groenland et de l'Antarctique ont perdu plus de 400 milliards de tonnes de masse par an dans la décennie précédant 2015. Ce qui correspondrait à une hausse du niveau de la mer de près de 1,2 millimètre chaque année.
Mais les glaciers des montagnes ont eux aussi perdu près de 280 milliards de tonnes de glace annuellement à la même période, augmentant le niveau de la mer de 0,77 mm supplémentaire chaque année.
Soit une hausse globale de 40 cm attendue d'ici à 2100 dans un scénario optimiste de réchauffement climatique. La tendance étant exponentielle de toute façon.
Le scénario optimiste envisagerait un réchauffement global qui ne dépasserait pas 2 °C alors que la trajectoire actuelle se situerait plutôt entre 3 °C à 4 °C de hausse des températures, soit jusqu'à 80 cm d'élévation des océans !
Tout ceci ne serait qu’un début. L’élévation du niveau des mers se poursuivrait au rythme de plusieurs centimètres chaque année (contre quelques millimètres à l’heure actuelle). Ce qui conduirait au déplacement de 280 millions de personnes dans le monde, anticipent les experts.
"Au cours des 100 dernières années, 35% de la hausse du niveau de la mer dans le monde était dûe à la fonte des glaciers", a affirmé à l'AFP Anders Levermann, professeur de climatologie à l'Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique.
Il existe environ 200 000 glaciers sur la Terre et le fait qu'il soient petits en comparaison avec les calottes glaciaires les rend spécialement vulnérables aux températures qui montent. Et de fait, ils disparaissent.
En août 2019, l'Islande avait ainsi commemoré la disparition de son premier glacier par un acte symbolique fort. En inaugurant une plaque à la mémoire de l’Okjökull, elle a voulu alerter contre les conséquences du réchauffement climatique.
Dans l'Himalaya, les glaciers sont des sources d'eau cruciales pour 250 millions d'habitants dans les vallées avoisinantes et alimentent les rivières desquelles dépendent 1,6 milliard de personnes supplémentaires pour la nourriture, l'énergie et les revenus.
Une étude évoquée dans le rapport du GIEC prévient que les glaciers des grandes montagnes asiatiques pourraient perdre plus d'un tiers de leur glace, même si les humains font baisser les émissions de gaz à effet de serre et contiennent le réchauffement climatique à 1,5 Celsius.
Une économie mondiale qui continue pendant des décennies d'être axée sur les combustibles fossiles pourraient provoquer une perte de deux-tiers de glace.
"L'eau potable sera touchée, l'agriculture aussi, soit des millions et des millions de gens", indique Harjeet Singh, de l'ONG ActionAid.
Le résumé du GIEC précise que des zones du centre et de l'ouest de l'Himalaya font déjà face à une baisse palpable de la quantité d'eau pour l'irrigation.
Le texte prévient aussi que dans les régions dotées d'une faible couverture glaciaire, dont l'Europe centrale, l'Asie du Nord et la Scandinavie, les glaciers seront réduits de 80% en 2100 d'après les projections.
Une étude menée cette année par des scientifiques en Suisse a mis en garde contre les émissions incontrôlées qui pourraient provoquer la disparition de plus de 90% des glaciers alpins à la fin du siècle.
D'après le GIEC, la fonte des glaces devrait probablement continuer d'augmenter à court terme avant de baisser à la fin du siècle, ce qui se traduira par plus de glissements de terrain, d'avalanches et d'eau polluée.
Le nouveau rapport pointe également la fonte en surface des sols gelés du permafrost, ces sols gelés toute l'année qui recouvrent un quart des terres émergées de l'hémisphère nord notamment en Russie, au Canada et en Alaska.
Leur fonte menace de libérer des virus oubliés et des milliards de tonnes de gaz à effet de serre, au risque notamment d'accélérer encore plus le réchauffement climatique.
Ils renferment quelque 1 700 milliards de tonnes de carbone, soit environ le double du dioxyde de carbone (CO2) déjà présent dans l'atmosphère.
Cette disparition seule du permafrost hypothèque déjà l'objectif, énoncé par l'accord de Paris, de contenir le réchauffement climatique nettement en dessous de 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, voire 1,5°C selon une étude des chercheurs de l'université d'Alaska Fairbanks (États-Unis).
Elle hypothèque aussi le précédent rapport du GIEC qui n'avait pas compté sur un dégel avant... 70 ans.