Fil d'Ariane
Le milliardaire et magnat de l'industrie spatiale a déjà été associé par Donald Trump à des conversations avec Volodymyr Zelensky et avec des émissaires iraniens. Face à Poutine, il pourrait bien s'imposer comme la meilleure arme diplomatique.
Elon Musk s'entretient ce 19 novembre 2024 avec le président élu Donald Trump avant le lancement de Space X sur le site de Boca Chica au Texas.
La promesse d’une nouvelle aventure spatiale commune. La puissance du réseau social X mise à contribution pour rétablir l’image de la Russie sur la scène internationale. La possibilité d’un recours massif à Starlink pour connecter l’immensité du territoire russe à Internet.
De tous ces sujets, Elon Musk n’a peut-être pas reparlé avec Donald Trump ce mardi 19 novembre lorsque les deux hommes ont assisté au lancement, puis à la récupération d’une de ses fusées Starship, sur la «Starbase» de Boca Chica, au Texas. Mais alors que le seuil terrible des mille jours de guerre en Ukraine vient d’être franchi, l’éventualité d’une initiative imminente d'Elon Musk auprès de Vladimir Poutine est ouvertement évoquée par les familiers de la transition présidentielle en cours aux Etats-Unis. Voici pourquoi.
Musk connaît Poutine, c’est un atout
Une personne au fait de la situation, qui a parlé sous le couvert de l’anonymat pour évoquer ce sujet sensible, a confirmé à l’AP que M. Musk et M. Poutine ont eu des contacts téléphoniques. La personne n’a pas fourni de détails supplémentaires sur la fréquence des appels, le moment où ils ont eu lieu ou leur contenu». Cette phrase énigmatique de l’agence de presse Associated Press cache une réalité qui pourrait bien revenir sur le devant de la scène avant l’investiture présidentielle du 20 janvier 2025 à Washington: tout comme Donald Trump qui tenta d’y investir dans le passé, Elon Musk a un «plan russe».
Le «Wall Street Journal» y a consacré un article détaillé à la fin octobre. «Musk et Poutine se sont entretenus à plusieurs reprises sur des sujets personnels, commerciaux et géopolitiques affirmait le quotidien financier» Vladimir Poutine aurait même demandé à Elon Musk de ne pas activer son système satellitaire Starlink au-dessus de Taïwan «pour rendre service au président chinois Xi Jinping». Combien d’échanges entre les deux hommes selon le «Wall Street Journal»? Plus de quarante depuis 2013.
Musk est indispensable à l’Ukraine
Contrairement à tous les autres services par satellite, Starlink a déjoué le brouillage russe en pleine offensive
Walter Isaacson, biographe de Elon Musk
L’universitaire Walter Isaacson est le biographe du milliardaire né à Pretoria, en Afrique du Sud, le 28 juin 1971. Et il est formel: lorsque les défenses ukrainiennes étaient sur le point de céder, dans les jours suivants l’assaut russe du 24 février 2022, Elon Musk leur a permis de résister.
«De hauts responsables ukrainiens ont frénétiquement appelé le fondateur de SpaceX à l’aide. Le vice-premier ministre, Mykhailo Fedorov, a même utilisé Twitter (racheté par Musk trois mois plus tard) pour l’exhorter à envoyer à l’Ukraine des terminaux internet Starlink. Deux jours plus tard, 500 terminaux étaient à Kiev…». Comment oublier cette aide décisive?
«Contrairement à tous les autres services par satellite, Starlink a déjoué le brouillage russe en pleine offensive» poursuit Isaacson, dans une tribune publiée par le «Washington Post». En juillet 2024, 15'000 terminaux Starlink fonctionnaient en Ukraine. Il y en aurait maintenant près de 45'000.
Musk n’engagerait pas les Etats-Unis
Deux sénateurs démocrates, Jack Reed (Rhode Island) et Jeanne Shaheen (New Hampshire) ne sont pas de cet avis. Ils viennent de cosigner une lettre, le 15 novembre, exigeant du Département de la justice une enquête sur les contacts entre Elon Musk et Vladimir Poutine, suite aux révélations du «Wall Street Journal».
Formellement toutefois, une rencontre entre le milliardaire et le président russe, surtout si le premier n’est pas porteur d’un message officiel, n’engagerait pas les Etats-Unis. Pour le moment, Elon Musk n’est pas encore en charge du futur Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) qu’il codirigera avec l’entrepreneur Vivek Ramaswany.
Autre carte possible: mettre une telle initiative sous le sceau de la technologie et de l’espace entre les deux puissances qui restent signataires d’un traité de coopération spatial conclu en 1972. Or qu’est venu voir Donald Trump au Texas ce mardi? Le décollage (et l’atterrissage finalement raté, puisque la fusée a été récupérée en mer) de la fusée Spaceship. Ces jours-ci en outre, la NASA et Roscomos sont en contact étroit à propos d’une fuite dans la partie russe de la station spatiale internationale, toujours en orbite.
Musk a déjà parlé avec Zelensky
L’information a été révélée par le site Axios: l’appel téléphonique de Donald Trump avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, au lendemain de son élection le 5 novembre, a comporté une surprise. Elon Musk était également au bout du fil.
«Les nouveaux détails de l’appel soulignent l’influence que Musk pourrait avoir dans la seconde administration Trump, et l’incertitude quant à la manière dont Trump abordera l’Ukraine» notait dans la foulée Axios. Kiev l’a confirmé: «Une source ukrainienne de haut rang a ainsi déclaré à l’Agence France Presse que le milliardaire était physiquement présent avec Donald Trump pendant l’appel, dans la résidence de ce dernier à Mar-a-Lago (Floride). Elon Musk n’était pas en ligne. C’est le «président élu» qui lui a passé le téléphone."
Musk a un plan depuis 2022
Il ne faut pas l’oublier: le magnat américain a fait savoir dès 2022 qu’il avait un plan pour en finir avec cette guerre. Il s’était alors engagé dans un bras de fer avec Volodymyr Zelensky sur le réseau social Twitter (pas encore rebaptisé X) pour avoir suggéré que la Russie conserve la péninsule de Crimée dont elle s’est emparée en 2014, et que l’Ukraine adopte un statut neutre, abandonnant toute velléité de rejoindre l’OTAN.
Parallèlement, Musk n’a jamais dit non à la demande de députés ukrainiens, formulée dès 2017, de construire une usine Tesla dans leur pays. «C’est exactement ce dont notre pays a besoin aujourd’hui: des technologies, du capital humain et financier», avaient écrit ces élus. «Nous vous suggérons d’installer cette usine en Ukraine, qui est un vivier pour les personnes les plus éduquées au monde et où les salaires sont nettement inférieurs à ceux des autres pays européens. » Tesla s’est finalement installé en Allemagne, à proximité de Berlin. Mais pourquoi ne pas raviver ce plan?
Retrouvez les articles de Richard Werly sur Blick au coeur de la campagne américaine :
https://www.blick.ch/fr/monde/elections-americaines/