Fil d'Ariane
Emmanuel Macron a promis "de ne rien lâcher" pour promouvoir l'agriculture française et plaidé pour une Politique agricole commune (PAC) "réinventée" samedi au salon de l'Agriculture, où il a été accueilli avec bienveillance, même s'il a dû répondre à l'inquiétude de nombreux agriculteurs.
L'Europe agricole aujourd'hui est menacée de l'extérieurEmmanuel Macron au salon de l'Agriculture, le 23 février 2019
Arrivé peu avant 9H00 dans la plus grande ferme de France, le chef de l'Etat a appelé les Européens à s'unir derrière leur agriculture, en soulignant que "sans la PAC, les consommateurs européens ne bénéficieraient pas d'une alimentation accessible et de qualité".
Dans un discours de près d'une heure, le président s'est présenté comme "un patriote" bien décidé à "ne rien lâcher" pour défendre l'agriculture française, proclamant : "Je crois dans la force du modèle français".
"L'Europe agricole aujourd'hui est menacée de l'extérieur", face aux grandes puissances comme la Russie, la Chine ou les Etats-Unis, mais aussi de "de l'intérieur", a-t-il estimé, plaidant pour "réinventer" la PAC afin d'assurer "la souveraineté alimentaire, environnementale et industrielle" du continent européen, alors que les négociations pour élaborer la future PAC viennent de commencer et que le scrutin des européennes se rapproche (du 23 au 26 mai).
Surtout, "une part significative de la PAC" devra "être consacrée à l'environnement", a affirmé M. Macron, en préconisant de rémunérer les "services environnementaux" rendus par les agriculteurs.
Il a aussi rappelé son engagement à interdire d'ici trois ans l'usage du glyphosate, puissant désherbant controversé pour son caractère potentiellement "cancérogène". Selon lui, le vignoble français, peut devenir le premier vignoble au monde "sans glyphosate".
"On va attendre les actes, mais il semble avoir compris la problématique agricole", a réagi auprès de l'AFP Samuel Vandaele, du syndicat des Jeunes Agriculteurs.
"Il a été remarquable sur l'économique, la compétitivité, on voit que c'est un sujet sur lequel il est en totale maîtrise", a renchéri Richard Girardot, président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).
Notre lait, pour 2018, est payé 320 euros la tonne. Nous avons des coûts de revient à 396 euros. Le prix du lait aujourd'hui est au même niveau qu'il y a 30 ans.Un éleveur laitier des Côtes d'Armor
Emmanuel Macron, accueilli et applaudi à son arrivée dans les pavillons du salon par une délégation de militants de La République en Marche, a ensuite entamé sa déambulation, interrompue à de multiples reprises par des questions d'agriculteurs ou de badauds.
Un éleveur laitier des Côtes d'Armor, Stéphane Incrédule, a notamment pointé la faible rémunération des éleveurs laitiers. "Je ne lâche rien", lui a répondu le chef de l'Etat, qui a rappelé l'existence de la nouvelle loi alimentation pour équilibrer les marges.
"Notre lait, pour 2018, est payé 320 euros la tonne. Nous avons des coûts de revient à 396 euros. Le prix du lait aujourd'hui est au même niveau qu'il y a 30 ans", a ensuite déploré l'éleveur auprès de l'AFP.
Car si les agriculteurs français attendent beaucoup de la PAC, ils ont aussi des demandes immédiates: vendre leurs produits à des prix qui leur permettent de vivre, investir pour avoir des exploitations plus écolo, et ne plus être sans cesse critiqués, ce qu'ils nomment l'"agri-bashing".
"Je n'ignore rien des difficultés du quotidien", des agriculteurs "néanmoins je constate avec vous que parce qu'il y a eu une mobilisation collective (...) les choses sont en train de s'améliorer", a déjà affirmé Emmanuel Macron dans son discours.
La veille, le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume avait déploré "qu'il y ait encore un agriculteur qui se suicide tous les deux jours".
Un drame de la ruralité qui a motivé Patrick Maurin, élu local de Marmande (Lot-et-Garonne) à prendre son bâton de pélerin, et à marcher 250 km du Touquet, villégiature des Macron, jusqu'à Paris, où il est arrivé vendredi. Son souhait: remettre samedi au chef de l'Etat un cahier de "doléances" disant la détresse morale du monde agricole.
Si 85% des Français ont une bonne opinion des agriculteurs, selon un sondage Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et le Figaro, l'agriculture a du mal à faire rêver les jeunes et les demandeurs d'emploi, alors que la profession manque de bras et qu'"un tiers des professionnels" cesseront leur activité d'ici 2022, selon Xavier Heinzlé, des Jeunes agriculteurs.
"C'est très difficile pour mon mari" notamment pour recruter "des jeunes pour la traite", s'est inquiété samedi une femme d'éleveur devant Emmanuel Macron, en s'excusant de l'absence de son mari occupé par la traite. "Les gens ne se rendent pas compte mais on n'a pas de répit dans l'exploitation", a répondu le président, compatissant.
Le chef de l'Etat a aussi dû répondre sur d'autres sujets disparates concernant aussi bien les retraites des handicapés que la régularisation du permis de conduire d'un immigré tunisien ou encore la suppression de l'église d'un village.
Le président n'échappera peut-être pas à des moments plus tendus. Eric Drouet, l'une des figures des "gilets jaunes" a confié à des journalistes de l'AFP croisés dans les allées du Salon, être venu pour "l'approcher" et "voir ce que notre président a à dire". Et une autre figure, Benjamin Cauchy, a aussi annoncé sa présence, au jour de l'acte 15 du mouvement.
Selon les organisateurs, le même dispositif de sécurité que d'habitude est prévu, adaptable en cas d'irruption de "gilets jaunes".
Le salon, qui dure neuf jours, attend entre 650.000 et 700.000 visiteurs.