Fil d'Ariane
La situation se détériore en Biélorussie après la réélection contestée du président Alexandre Loukachenko dimanche 9 août. Malgré la répression qui a déjà fait deux morts selon les données officielles biélorusses, la contestation populaire se poursuit tandis que le tissu loyaliste commence à se déchirer. Vendredi 14 août, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se réunissent pour évoquer la situation.
Ni les milliers d’arrestations, qui se chiffrent à 6.700 (d’après les données officielles du ministère de l’Intérieur biélorusse), ni la réduction voire la suspension d'Internet, ni la largeur des rues et boulevards qui compromet l’érection de barricades, ni la brutalité des forces de l’ordre n’ont pour l’instant raison de la détermination d’une partie de la population biélorusse.
Depuis le dimanche 9 août, et la réélection avec 80% des voix, sur laquelle pèsent des soupçons de fraudes, du président Alexandre Loukachenko, une partie des citoyens de cette ancienne république soviétique de 10 millions d’habitants, ruent dans les brancards contre ce qu’ils estiment être un simulacre de scrutin.
Dès le lendemain du scrutin, des « échantillons » de preuves (résultats des bureaux de vote par exemple), pour reprendre les mots d’Anna Colin Lebedev, directrice du master « Management du risque » à l’université Paris Nanterre, experte dans l’évolution politique et sociale des pays d’ex-URSS, ont afflué sur les réseaux sociaux via les médias d’opposition comme Nexta, les chercheurs et les sources indépendantes, citoyens en premier lieu.
A mesure que cette mobilisation sans précédent durant l’ère Loukachenko se poursuit, et compte tenu de l’étendue de celle-ci, qui s’opère non seulement à Minsk, la capitale, mais également à travers pléthore de villes dans le pays, de nouvelles évidences viennent quotidiennement corroborer cette éventualité.
Natalia*, étudiante biélorusse en France, s’est portée bénévole à l’occasion du vote pour les expatriés, organisé dimanche 9 août à l’ambassade de Biélorussie à Paris. Pour elle, le trucage s’avère grossier. « A la sortie de l’ambassade, nous demandions aux personnes qui sortaient de l’isoloir, de voter une seconde fois de manière tout à fait anonyme, de sorte à ce que nous puissions faire un décompte des voix indépendant de celui de l’ambassade. Résultat, sur 210 votants, 97 % se sont prononcés en faveur de Svetlana Tsikhanovskaïa et 0,5 % pour Alexandre Loukachenko. L’ambassade a dénombré 540 votants dont 230 en faveur de Loukachenko et 193 pour Tsikhanovskaïa… »
Pourtant, l’autoritaire chef de l’Etat, qui affiche l’une des plus importantes longévités au pouvoir (26 ans) parmi ses homologues encore en poste (voir graphique), semble déterminer à mater la contestation par la force. Ces derniers jours, il a publiquement qualifié ses propres administrés mécontents de « moutons téléguidés par des puissances étrangères » ou encore de « chômeurs au passé criminel ».
Belarusian police beating and arresting people in their workplaces#ЛукашенкоУходи #LukashenkoGoAway#Belarus pic.twitter.com/BdYhCeW7hr
— NEXTA (@nexta_tv) August 12, 2020
Horrific scenes as beaten young European democracy campaigners are humiliated on TV in #Belarus. Time for EU foreign ministers to act & agree Magnitsky sanctions against #Lukashenko & his thugs. #FreeBelarus https://t.co/giqYYuHq7g
— Guy Verhofstadt (@guyverhofstadt) August 13, 2020Pour Katia Kanapliova, ancienne coordinatrice de l’équipe de volontaires de Victor Babaryko, ancien banquier qui a vu sa candidature pour l’élection présidentielle rejetée, la répression ne fait qu’attiser les braises. « Cela ne nous décourage pas et ne nous fait pas peur. Au contraire, les Biélorusses se fâchent et des manifestations encore plus grandes se profilent. »
Elle pointe du doigt les autorités et les OMON (forces spéciales biélorusses) qui auraient entamé une chasse aux sorcières contre les membres « du quartier général uni » (qui rassemble les militants du trio de femmes opposé à M. Loukachenko : Veronika Tsepkalo, Svetlana Tsikhanovskaïa et Maria Kolesnikova), sous prétexte qu’ils seraient à l’origine du mouvement de protestation.
« Les troubles dans le pays ont perdu de leur caractère massif », a pourtant affirmé, mercredi toujours, le ministère de l’Intérieur en précisant toutefois « que le niveau d’agressivité à l’égard des forces de l’ordre reste élevé. » Il fait état de 103 policiers blessés dont 28 hospitalisés.
Aucune précision sur les victimes côté manifestants alors que ces derniers affrontent les coups de matraque et les tirs en caoutchouc ou à balles réelles - à l’instar d’un incident à Brest (près de la frontière polonaise) -.
La force symbolique de ces images est immense pour la Biélorussie. Belaz, c'est l'un des joyaux industriels du pays, l'un des bébés de Loukachenko et l'un des endroits où on a toujours voté pour lui. Ici, les ouvriers se mettent en grève et sortent des ateliers. https://t.co/PFhLhWDEQ9
— Benoît Vitkine (@benvtk) August 13, 2020