Fil d'Ariane
Un coup d'Etat a été perpétré par l'armée en Birmanie ce lundi 1er février. Aung San Suu Kyi, la cheffe du gouvernement civil a été arrêtée, tout comme le président birman. L'armée a aussi proclamé l'état d'urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes du pouvoir. Ce coup d'Etat intervient alors que le Parlement issu des dernières législatives devait entamer sa première session ce lundi. Il a été immédiatement condamné par plusieurs capitales étrangères.
Lors d'une annonce diffusée sur leur chaîne de télévision, NAME, les militaires ont déclaré qu'ils souhaitaient préserver la "stabilité" de l'État, et promis de nouvelles élections "libres et équitables", une fois que l'état d'urgence d'un an sera levé. Ils accusent la commission électorale de ne pas avoir remédié aux "énormes irrégularités" qui ont eu lieu, selon eux, lors des législatives de novembre, remportées massivement par la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi au pouvoir depuis les élections de 2015.
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Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix a été arrêtée tôt dans la matinée ainsi que le président de la République, Win Myint et d'autres responsables du parti, selon Myo Nyunt, porte-parole de la formation. Ils sont détenus à Naypyidaw, la capitale du pays, d'après lui. Alors que les rumeurs de coup d'Etat se renforçaient ces derniers jours, Aung San Suu Kyi avait laissé un message à la population, diffusé ce lundi 1er février par le président de la LND sur les réseaux sociaux, dans lequel elle exhorte les Birmans à "ne pas accepter" ce putsch.
L'armée s'est emparée de l'hôtel de ville de Rangoun, la capitale économique du pays, et l'accès à son aéroport international était bloqué par des militaires, selon des journalistes de l'AFP. Plusieurs camions ont traversé à grande vitesse les rues de Rangoun, des partisans de l'armée agitant à leur bord des drapeaux et chantant des hymnes nationalistes. Les télécommunications, portables et internet, étaient gravement perturbées, a relevé l'ONG spécialisée Netblocks. Par ailleurs, toutes les banques du pays ont été fermées jusqu'à nouvel ordre, selon l'association des banques.
Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la Birmanie prévue de longue date pourrait être avancée en début de semaine en raison des derniers développements, a indiqué à l'AFP un diplomate sous couvert d'anonymat.
La Birmanie est sortie il y a tout juste dix ans d'un régime militaire au pouvoir pendant presque un demi-siècle. Les deux derniers coups d'Etat depuis l'indépendance du pays en 1948, remontent à 1962 et 1988.
Les militaires dénonçaient depuis plusieurs semaines plus d'une dizaine de millions de cas de fraudes lors des législatives de novembre. Ils exigeaient que la commission électorale dirigée par le gouvernement publie la liste des électeurs à des fins de vérification, ce qu'elle n'a pas fait. Les craintes s'étaient encore renforcées quand le chef de l'armée, le général Min Aung Hlaing - sans doute l'homme le plus puissant du pays - avait déclaré que la constitution pouvait être "révoquée" dans certaines circonstances.
Selon un communiqué de l'armée, Min Aung Hlaing concentre désormais les pouvoirs "législatif, administratif et judiciaire", tandis qu'un autre général, Myint Swe, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique.
Le parti d'Aung San Suu Kyi, très critiquée à l'international pour sa gestion de la crise des musulmans rohingyas (des centaines de milliers d'entre eux ont ont fui en 2017 les exactions de l'armée et se sont réfugiés au Bangladesh voisin) mais toujours adulée par une majorité de la population, avait remporté une victoire écrasante en novembre. Il s'agissait des deuxièmes élections générales depuis 2011, année de la dissolution de la junte.
En 2015, la LND avait obtenu une large majorité et avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l'armée qui contrôle trois ministères clés (l’Intérieur, la Défense et les Frontières).
Longtemps exilée en Angleterre, Aung San Suu Kyi, aujourd'hui âgée de 75 ans, est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l'opposition face à la dictature militaire. Elle a passé 15 ans en résidence surveillée avant d'être libérée par l'armée en 2010.
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Nations unies
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, condamne "fermement" l'arrestation par l'armée d'Aung San Suu Kyi et d'autres dirigeants politiques. Avec "la déclaration du transfert de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires aux militaires", "ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques en Birmanie".
Chine
Pékin appelle les acteurs politiques birmans à "régler leurs différends dans le cadre de la Constitution et des lois afin de maintenir la stabilité politique et sociale", selon Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
Etats-Unis
"Les Etats-Unis s'opposent à toute tentative de modification des résultats des récentes élections ou d'entrave à une transition démocratique en Birmanie et vont agir contre les responsables si ces mesures (les arrestations, ndlr) ne sont pas abandonnées", selon un communiqué de la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, appelle l'armée "à libérer tous les responsables du gouvernement ainsi que les dirigeants de la société civile et à respecter la volonté du peuple de Birmanie telle qu'exprimée lors des élections démocratiques du 8 novembre".
Union européenne
Le président du Conseil européen Charles Michel condamne "fermement" le coup d'Etat et réclame sur Twitter "la libération immédiate" des personnes arrêtées, appelant à respecter le résultat des élections. "Le peuple du Myanmar veut la démocratie. L'UE est avec lui", selon le chef de la diplomatie européenne Josep Borrel.
France
Paris appelle à ce que "le résultat du vote des Birmans soit respecté" et "discute avec ses partenaires dans le cadre des instances internationales", selon le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Suède
La ministre suédoise des Affaires étrangères Ann Linde condamne sur Twitter le coup d'Etat, appelle l'armée à "respecter l'Etat de droit" ainsi que le résultat des élections et réclame la libération "immédiatement et sans conditions" de tous les dirigeants civils arrêtés.
Danemark
Le ministre des Affaires étrangères Jeppe Kofod condamne fermement le coup d'Etat, demande "à toutes les parties de respecter les résultats des élections démocratiques" et réclame la libération de "tous les dirigeants civils et responsables gouvernementaux", ajoutant sur Twitter: "l'armée sous contrôle civile est un principe démocratique clef".
Norvège
"Nous condamnons les développements d'aujourd'hui en Birmanie", tweete la ministre norvégienne des Affaires étrangères, Ine Eriksen Søreide. "Nous demandons aux dirigeants militaires d'adhérer aux normes démocratiques et de respecter le résultat des élections. Les responsables politiques démocratiquement élus doivent être libérés".
Royaume-Uni
Le Premier ministre britannique Boris Johnson condamne le coup d’État et réclame la libération des "dirigeants civils arrêtés" dont Aung San Suu Kyi, ajoutant sur Twitter: "le vote de la population doit être respecté".
Canada
L'armée birmane "a rédigé la Constitution de cette manière pour qu'ils puissent le faire", tweete Bob Rae, l'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies. "La Constitution de 2008 a été spécifiquement conçue pour garantir que le pouvoir militaire soit profondément ancré et protégé".
Australie
"Nous appelons l'armée à respecter l'État de droit, à résoudre les différends par des mécanismes légaux et à libérer immédiatement tous les dirigeants (politiques) issus de la société civile et les autres personnes détenues illégalement", déclare la ministre australienne des Affaires étrangères Marise Payne.
Japon
Le ministère des Affaires étrangères demande la libération de Aung San Suu Kyi et exhorte "l'armée nationale à rétablir rapidement le système politique démocratique".
Inde
"L'Etat de droit et le processus démocratique doivent être respectés", selon le ministère des Affaires étrangères qui fait part de sa "profonde inquiétude".
Singapour
Le ministère des Affaires étrangères exprime sa "sérieuse inquiétude", espérant que toutes les parties feront "preuve de retenue".