En Californie, une professeure d’université forcée de fuir après une critique de Trump

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Elle avait dit lors d’un cours que l’élection du «tycoon» était «un acte de terrorisme». Filmée en cachette puis dénoncée sur Facebook, elle vit cachée depuis, après de violentes critiques et des menaces de mort. Ses étudiants se déchirent entre soutien et opposition

Olga Cox, professeure associée de psychologie à l’Université Orange Coast College de Costa Mesa, en banlieue de Los Angeles, a dû quitter la Californie après qu’une vidéo où elle prétendait que l’élection de Donald Trump était «un acte de terrorisme» eut été publiée sur Facebook, indique le Coast Report. Secrètement enregistrée par un de ses étudiants, elle a déclenché un raz-de-marée de critiques et menaces, selon l’Orange County Register (OCR).

Le syndicat qui la représente indique que l’enseignante et l’université ont reçu plus de 1000 courriels à ce sujet et que la prof avait fait l’objet d’appels de menaces comme celle-ci: «Tu veux le communisme, vas à Cuba […], essaie de l’amener en Amérique et on te mettra une balle en pleine face», disait l’un d’eux, selon le président du syndicat, Rob Schneiderman.

Un autre message la décrivait comme une «cinglée» et promettait de diffuser son adresse, alors que le blog The State of the Union se déchaîne contre cette professeure de psychologie et de sexologie effectivement née à La Havane, sème la honte sur elle et exige qu’elle livre des excuses: «Shame on OCC Instructor Olga Perez Stable Cox for Anti-Trump Hate – Demand an Apology!» Dans un véritable procès public, il dénonce ses orientations politiques, dit avec quel salaire elle est payée et donne toutes les coordonnées nécessaires – adresse, numéro de téléphone, heures d’ouverture de son bureau – pour faciliter le harcèlement continu qu’il suggère aux internautes.

Sous cette page, quelques courageux anonymes disent «amen» et se déchaînent dans un torrent d’insultes, évoquant notamment un «débris humain». A ce stade, il est sans doute utile de préciser ici que ce sont les Jeunes Républicains de l’établissement qui, le 6 décembre dernier, ont diffusé cette vidéo où Olga Cox non seulement comparait l’élection du magnat de l’immobilier à «un acte de terrorisme» mais critiquait aussi les membres sélectionnés pour le futur gouvernement américain, ainsi que le vice-président élu, Mike Pence.

Depuis, l’affaire de l’Orange Coast College a tourné en règlement de comptes entre populistes triomphants et démocrates dégoûtés depuis le 8 novembre dernier, selon OC Weekly. Des étudiants prétendent que la prof aurait forcé les républicains à se dénoncer devant tout le monde en cours, ce qui est évidemment démenti avec force par l’autre camp. Les dérapages se suivent, et chacun en vient à soupçonner son voisin ou sa voisine d’être un ennemi politique. Sur Twitter, pro- et anti-Cox se livrent à une partie de ping-pong:

«Notre nation est divisée. Nous avons été agressés», dit Olga Cox dans la fameuse vidéo. «Une des choses les plus terrifiantes pour moi et les gens autour de moi, c’est que ceux qui sont à l’origine de cette agression se trouvent parmi nous.» Beaucoup d’étudiants ont jugé ces commentaires offensants, et les Jeunes Républicains ont aussi fait circuler une pétition pour demander le renvoi de l’enseignante.

A contrario, ce lundi, plusieurs centaines d’étudiants et employés de l’université se sont rassemblés sur le campus pour lui apporter leur soutien, portant des panneaux en faveur de la liberté d’expression, comme on peut le constater avec plusieurs vidéos publiées sur Facebook. «Ça n’a rien à voir avec la liberté d’expression», a rétorqué un opposant, Vincent Wetzel, dans l’OCR, assurant que c’était «une bonne enseignante», mais qui «abusait de sa profession». Un vétéran de l’armée américaine, lui, prend moins de gants sur Twitter:

Le syndicat d’enseignants a, de son côté, fait savoir que l’étudiant qui a enregistré Cox en cachette pourrait faire l’objet de poursuites, car cela enfreint le code de conduite des étudiants. Olga Cox devrait reprendre ses cours après les vacances de fin d’année. Des représentants de l’université et du syndicat n’ont pas répondu dans l’immédiat aux demandes de commentaires de l’Agence France-Presse.

Le Los Angeles Times, de son côté, en a aussi fait de gros titres, symptôme du trouble particulièrement violent ressenti sur la côte Ouest après l’élection de Donald Trump. Tous les grands journaux américains en ont parlé, comme le Washington Post, qui ajoute avoir appris au collège qu’Olga Cox était lesbienne, ce qui ne fait qu’aggraver la situation, selon ses détracteurs. Alors que les Mercury News ont interrogé quelques-uns de ses élèves, lesquels prétendent tous que la politique n’a rien à faire à l’université.

> Cet article a été publié le 14 décembre sur le site de notre partenaire Le Temps.