En Equateur, la gauche créé la surprise et pousse la présidentielle vers un second tour

L’Equateur devrait retourner aux urnes pour un second tour de l’élection présidentielle, après le match serré entre le président sortant Daniel Noboa et sa rivale de gauche Luisa Gonzalez, dimanche 9 février. Tous les deux promettent de mettre un terme aux violences du narcotrafic qui sévissent dans le pays. 

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Luisa Gonzalez

Luisa Gonzalez, candidate à la présidence pour le Mouvement de la révolution citoyenne, salue après avoir voté lors de l'élection présidentielle à Canuto, en Équateur, le dimanche 9 février 2025. 

AP Photo/Jairo Mendoza
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Le président sortant Daniel Noboa et sa rivale de gauche Luisa Gonzalez se livrent un match serré à l'issue de la présidentielle en Equateur, dimanche 9 février, laissant augurer d'un second tour dans ce pays polarisé et frappé par la violence du narcotrafic.

Au fil du dépouillement des bulletins de vote, l'écart entre les deux favoris de cette élection comptant 16 candidats s'est réduit, créant la surprise.

Vers 23 heures heure locale (04 heures GMT lundi), sur près de 72% de suffrages dépouillés, M. Noboa récoltait 44,66% des voix contre 43,91% pour sa principale rivale Mme Gonzalez.

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C'est une "grande victoire, nous avons gagné (...) nous sommes presque à égalité technique", a salué devant des partisans extatiques à Quito Luisa Gonzalez, avocate de 47 ans et dauphine de l'ancien président socialiste Rafael Correa (2007-2017).

"Si la tendance se maintient (...) nous retournerons aux urnes le 13 avril prochain" pour un second tour, a déclaré Diana Atamaint, présidente du Conseil national électoral (CNE).

La journée "s'est déroulée dans une absolue normalité", avec une participation de 83,38%, sur les 14 millions d'Equatoriens appelés aux urnes, avait-elle indiqué plus tôt.

Daniel Noboa, qui aspirait à gagner en un seul tour, ne s'est pas encore prononcé.

Le président Daniel Noboa

Le président Daniel Noboa, candidat à sa réélection, brandit son bulletin de vote avant de participer à l'élection présidentielle à Olon, en Équateur, le dimanche 9 février 2025. 

AP Photo/Cesar Munoz

Dans la capitale Quito entourée de volcans, à 2.850 mètres au-dessus du niveau de la mer, tout comme dans la ville portuaire de Guayaquil, les feux d'artifice et les klaxons accompagnaient le décompte. 

"Je suis venue soutenir le président parce que nous voulons qu'il nous soutienne dans le changement de notre pays", a déclaré à l'AFP Myriam Medrano, une secrétaire de 52 ans dans un hôtel de Quito où une conférence de presse du pouvoir est prévue. 

Les Equatoriens espèrent que le prochain gouvernement pourra redresser un pays en crise économique, divisé et submergé par les violences liées au narcotrafic.

Une lutte féroce fait rage entre une myriade de groupes criminels se disputant le contrôle des voies lucratives qui relient, via des ports équatoriens, les plantations de coca de Colombie et du Pérou à l'Europe ou aux États-Unis.

Des soldats gardent un bureau de vote

Des soldats gardent un bureau de vote avant que Luisa Gonzalez, candidate à la présidence pour le Mouvement de la révolution citoyenne, ne dépose son bulletin de vote lors de l'élection présidentielle à Canuto, en Équateur, dimanche 9 février 2025. 

AP Photo/Jairo Mendoza

"C'est la pire crise depuis notre retour à la démocratie" il y a presque un demi-siècle, juge l'analyste politique local Leonardo Laso.

"La situation dans le pays est très critique, beaucoup d'insécurité, peu de travail, beaucoup de gens qui partent", a déclaré Luis Briones, ingénieur de 56 ans.

"Consolider son triomphe"

À 37 ans, Daniel Noboa, fils d'un milliardaire roi de la banane et tenant d'une ligne dure face aux cartels, est l'un des plus jeunes dirigeants du monde.

"L'Equateur a déjà changé et veut continuer à changer, il veut consolider son triomphe", a déclaré cette semaine ce néo-libéral qui se dit de centre-gauche et qui avait créé la surprise en 2023 en se faisant élire, après une campagne marquée par l'assassinat d'un candidat. 

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Le bilan de Daniel Noboa est toutefois assombri par des critiques d'organisations de défense des droits humains sur les dérives de sa politique sécuritaire.

En décembre, la justice a ordonné la détention provisoire de 16 militaires soupçonnés de la disparition forcée de quatre adolescents dont les corps ont été retrouvés calcinés, une affaire qui a choqué le pays.

Des soldats en patrouille

Des soldats en patrouille fouillent un homme dans le quartier de Carapungo à Quito, Équateur, jeudi 18 avril 2024. Les Équatoriens voteront dimanche 21 avril sur un référendum proposé par le président Daniel Noboa, qui vise à réprimer les gangs criminels à l'origine d'une vague de violence croissante. 

AP Photo/Dolores Ochoa, File

Malgré les mesures drastiques et notamment les états d'urgence autorisant les militaires à patrouiller dans les rues, le taux d'homicides est resté élevé, à 38 pour 100.000 habitants en 2024, après un record de 47 en 2023.

En 2018, avant la vague de criminalité liée au narcotrafic qui a poussé des dizaines de milliers d'Equatoriens à fuir leur pays et effrayé investisseurs et touristes, le taux d'homicides était de 6 pour 100.000 habitants.

Concentré sur le financement de la coûteuse guerre contre le narcotrafic, l'État affiche une dette publique atteignant environ 57% du PIB. Le taux de pauvreté dans le pays s'élève à 28%.

Défi

Luisa Gonzalez, ex-députée, espère prendre sa revanche après une première joute électorale remportée par M. Noboa en 2023. 

Le soutien que lui apporte l'ex-président socialiste en exil Rafael Correa, condamné par contumace à huit ans de prison pour corruption, divise les électeurs.

Avocate évangélique, elle aspire à être la première présidente élue d'Equateur avec un programme promettant plus de sécurité, teinté de respect des droits humains.

Luisa Gonzalez

Luisa Gonzalez, candidate à la présidence de Revolucion Ciudadana, avant un débat présidentiel télévisé en vue de l'élection du 9 février, à Quito, Équateur, dimanche 19 janvier 2025. 

AP Photo/Dolores Ochoa

Lors du premier tour, les forces de sécurité étaient largement déployées près des bureaux de vote.

Les frontières sont fermées jusqu'à lundi, tandis qu'environ 100.000 membres des forces publiques surveillaient les élections.

Le jour du scrutin, un policier a été tué et un autre blessé lors d'une "attaque armée" dans la ville portuaire de Guayaquil, selon la police.

"Il y a des rapports de renseignement qui disent qu'il y a des risques et qu'ils veulent me tuer, mais il y a un défi plus grand ici. Il y a le défi de transformer le pays", a déclaré Luisa Gonzalez lors d'un entretien à l'AFP à la veille de l'élection.