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En Éthiopie, la découverte « exceptionnelle » du crâne complet d’un Australopithèque

Le crâne d’un Australopithèque, vieux de 3,8 millions d’années et « remarquablement complet », vient de livrer ses secrets dasn une étude publiée le 28 août 2019. Il a été découvert en 2016 par l'Éthiopien Yohannes Haile-Selassie et son équipe. Que nous apprend ce fossile sur notre histoire ? Entretien avec Sandrine Prat, paléoanthropologue au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, et chargée de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

TV5MONDE : Que révèle cette découverte ?

Sandrine Prat : À ce jour, seule une cinquantaine de crânes complets, de 4 à 2 millions d'années et appartenant à dix espèces, ont été découverts. C’est la première fois que l’on découvre un crâne complet de l’espèce Australopithecus anamensis.

Cette espèce est la plus ancienne connue du genre Australopithèque. Il s’agit d’une découverte exceptionnelle car elle permet de mieux comprendre nos origines. Jusqu’à présent, on découvrait principalement des fragments de dents ou de squelette.

L’article Un crâne hominidé de 3,8 millions d'années, originaire de Woranso-Mille, en Éthiopie a été publié le 28 août 2019 dans la revue scientifique américaine Nature.

Nous savons, grâce à ce crâne, que les Australopithecus anamensis étaient présents sur Terre entre 4,2 millions d’années et 3,8 millions d’années. Cela permet également de reculer la date d’apparition des Australopithecus afarensis (comme Lucy) de 3,8 millions d’années à 3,9 millions d’années.

Les premières études ont montré que les deux espèces sont des groupes frères. Il n’y a donc pas eu une transformation progressive entre Australopithecus anamensis et Australopithecus afarensis. Au contraire, chacune de ces deux espèces a connu une évolution différente.

Que peut-elle nous apprendre sur l'histoire de l'Homme ?

Avec ce crâne du plus ancien Australopithèque, on va mieux comprendre le lien de parenté entre Australopithecus anamensis et Australopithecus afarensis

L’espèce humaine appartient au genre Homo. Il existe depuis 2,8 millions d’années. Il est donc beaucoup plus récent que les Australopithèques. Certains experts pensent que l’Australopithecus anamensis serait un "bon candidat" pour l’origine du genre Homo, dont nous ne sommes pas encore sûrs.

Grâce aux dents et aux muscles liés à la mastication, cette découverte va également nous renseigner sur le régime alimentaire de l’espèce.

Homo et Australopithèque

Les Australopithèques et les Homo sont deux genres différents, lesquels englobent différentes espèces. L’espèce humaine au sens strict est l’Homo sapiens, Homo étant son genre.

"Dans le langage courant, on confond souvent l’espèce humaine avec le genre humain", souligne Sandrine Prat. Le genre Homo est apparu il y a 2,8 millions d’années alors que l'espèce sapiens il y a 300 000 ans.

Que pensez-vous de cette étude ?

Elle est assez impressionnante. La contemporanéité entre Australopithecus anamensis et Australopithecus afarensis montre le caractère buissonnant de l’évolution humaine. C’est la première fois que l’on montre la coexistence de ces deux espèces. On sait, grâce à ce crâne, qu’elles se sont côtoyées pendant cent mille ans dans le même environnement : des forêts parsemées de rivières. 

Le fait que deux espèces vivent en même temps n’est pas non plus un phénomène nouveau. Les Paranthropes sont un genre qui a vécu en même temps que les Homo bien que leur morphologie soit très différente.  

Enfin, ce fossile met en évidence des caractères visibles à la fois chez les espèces les plus anciennes (entre 6 et 5 millions d’années), et les plus récentes (entre 3 et 2 millions d’années). Cela va nous permettre de relier cet espace morphologique.

D'autres chercheurs vont-ils pouvoir étudier ces fossiles ?

Les fossiles restent dans le pays de découverte. Pour les étudier, le processus classique consiste à effectuer une demande aux chercheurs et à l’organisme qui conserve les fossiles. Pour ce crâne, il faudrait s’adresser au musée national d’Éthiopie et aux responsables des fouilles.

Le fossile est donc accessible mais souvent, les articles publiés par les découvreurs sont suffisamment détaillés pour pouvoir utiliser les données sans avoir besoin de consulter immédiatement les ossements.

Il faut comprendre que l’équipe qui a découvert le fossile a souvent travaillé de nombreuses années pour l’obtenir. Il est normal dans la communauté scientifique qu’elles puissent le conserver assez longtemps pour l’étudier de manière approfondie.