En France, la cantatrice sud-africaine Pretty Yende dénonce la brutalité policière dont elle a été victime

La chanteuse lyrique sud-africaine Pretty Yende victime d’un contrôle au faciès ? En tous les cas c’est ce qu’elle dénonce dans un long message sur les réseaux sociaux en décrivant son arrestation par la police des frontières à l'aéroport de Roissy ce 21 juin. Elle affirme avoir été fouillée comme "une criminelle".
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capture d'écran de la page Insta de Pretty Yende
Capture d'écran de la page Instagram de Pretty Yende. D.R.
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"J’étais en état de choc et je ne comprenais pas ce qui m’arrivait". La cantatrice Pretty Yende est revenue sur son compte Instagram sur le contrôle policier dont elle a fait l'objet à l'aéroport.

Partie de Milan (où elle réside) la chanteuse se déplace dans toute l’Europe avec un permis de séjour et de travail délivré par l’état italien. Mais ce lundi 21 juin, alors qu’elle se rend à Paris pour chanter au Théâtre des Champs Elysées, elle est arrêtée par la police des frontières à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. Sur la foi de son passeport sud-africain ne comportant pas de visa, les policiers la placent dans une "salle de maintien" le temps d'examiner sa situation.

Menacée d'être enfermée dans un "hôtel prison"

On lui retire alors son portable, toujours selon son témoignage. On lui demande ensuite de noter sur un papier les numéros de téléphone de ses proches. Elle pourra les appeler depuis un fixe dans la cellule dans laquelle elle se retrouve enfermée. Pretty Yende affirme avoir ensuite été menacée d’être emmenée dans un "hôtel prison".

De la dizaine de policiers présents, très peu lui adressent la parole en anglais.
Quand elle demande un chargeur afin de recharger la batterie de son portable, l’officier de police lui répond d’un ton menaçant "écoute-moi bien, tu n’auras pas ton téléphone." De la pièce où elle se trouve, elle peut entendre les rires d’autres policiers dans le couloir.
 
De son côté, la police des frontières affirme que Pretty Yende n'était pas en règle et qu'elle a quand-même pu sortir une heure et demie plus tard avec un visa de régularisation qui lui a permis d'entrer sur le territoire français selon leur déclaration à l’Agence France-Presse.

Selon leur communiqué, cité par le quotidien Le Parisien, "Pretty Yende a fait l’objet d’un contrôle à son arrivée de Milan vers 15h50. Un contrôle classique qui a lieu régulièrement dans l’intra-Schengen particulièrement en provenance d’Italie où il y a une vigilance particulière. Au moment du contrôle, elle a présenté un passeport sud-africain qui était dépourvu de visa lui permettant de rentrer en France et un document italien qui n’avait pas de validité. Elle affirmait avoir perdu son titre de séjour italien et vouloir entrer en France mais elle ne remplissait pas les conditions".
 
L’espace Schengen désigne un espace de libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne. Ce principe implique le libre franchissement des frontières par tout individu entré sur le territoire d’un des États membres de l’espace Schengen. Font partie de cet espace, 22 des 27 membres de l’Union européenne (UE). La Bulgarie, la Roumanie, Chypre et la Croatie n’y participent pas encore. Quatre états non membres l’ont rejoint : la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein.

L'agent de la chanteuse, Gianluca Macheda, est le premier étonné. "Le paradoxe de toute cette histoire est que Pretty rentrait ce jour même de la préfecture de Milan avec ce papier afin de ne pas avoir de problèmes au sein de l’Union européenne. Elle avait pris un avion très tôt le matin de Paris à Milan, et elle est rentrée dans la journée avec le document renouvelé par la préfecture de Milan. Donc un voyage fait pour être parfaitement en règle car juste après avoir terminé la production de La Somnambule à Paris elle devait se rendre directement à Moscou" nous a-t-il confié en rajoutant que "en mai et juin, elle est rentrée et sortie du territoire français plusieurs fois avec ce même document - le même qu'on lui a contesté ce 21 juin - sans aucun problème."

Libérée grâce à l'intervention du directeur du Théâtre des Champs Elysées

La chanteuse est alors bien emmenée au poste du Terminal 2B puis en salle de maintien. "Une salle où il y a de la lumière et où elle avait son portable au départ. Ensuite après une palpation de sécurité par un officier féminin, son portable est pris car il dispose d’une caméra et il est interdit de filmer. Elle n’a pas été déshabillée".

Mais la chanteuse n’a jamais affirmé avoir été déshabillée. Le malentendu vient certainement d’une mauvaise compréhension de l’anglais, car elle parle d’avoir été "stripped and searched" ce qui veut dire "dépouillée et fouillée".
 

Les brutalités policières sont une réalité pour quelqu’un qui a mon aspect

Pretty Yende, soprano 

La chanteuse a expliqué au quotidien Le Parisien que c’est grâce au directeur du Théâtre des Champs Elysées, Michel Franck, et à son agent Gianluca Macheda, qu’elle a pu sortir libre.

Durant le contrôle aux frontières, elle a préféré faire profil bas : " J'ai décidé d'obéir et de suivre ce que m'ordonnaient de faire les policiers. Je n'ai pas cherché à faire valoir mes droits".

La jeune sud-africaine, née il y a 36 ans dans une petite ville rurale du Transvaal, fait clairement le lien entre ce qui lui est arrivé et la couleur de sa peau. "Les brutalités policières sont une réalité pour quelqu’un qui a mon aspect. Je l’ai toujours lu dans les médias et la plupart de mes frères et mes sœurs finissent pas être torturés et certains cas mortels font la une des journaux" écrit-elle.

Suite aux commentaires que sa mésaventure a provoqués, Pretty Yende s’est même sentie obligée de publier la photo de son titre de séjour italien. Celui-ci daté du 21 juin 2021 est valable jusqu’en septembre 2021.
 


De grandes figures  de l'art lyrique ont tenu à afficher leur soutien. La soprano Angela Gheorghiu, le grand ténor Vittorio Grigolo, la grande soprano russe Anna Netrebko, ont témoigné de leur solidarité et fait part de leur indignation. D'autres artistes ont remercié Pretty Yende d'utiliser sa notoriété pour témoigner car ils vivent souvent ce genre de contrôle au faciès.

Pretty Yende a pu chanter la Somnambule de Bellini, sur la scène du Théâtre des Champs Elysées le lendemain. Une prise de rôle qu’elle a assumée avec brio au dernier moment, remplaçant Nadine Sierra, atteinte par la Covid.