En France, le gouvernement veut revoir les règles de l'immigration

Expulser davantage les étrangers qui représentent une "menace grave", réformer le système d'asile, régulariser certains travailleurs sans-papiers, ou encore instaurer un examen de français pour l'octroi de titres de séjour. Le gouvernement a présenté mercredi 1er février son projet de loi immigration. En voici les principaux axes.

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Le ministre de l'Intérieur, Gerald Darmanin (ici le 1er septembre 2022 à Paris) sera chargé de défendre le projet de loi immigration.
© Mohammed Badra / POOL via AP
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Expulsions: priorité aux délinquants

Il s'agit du principal volet du projet de loi consulté par l'AFP, vers lequel convergent la moitié de ses vingt-sept articles : faciliter les expulsions, en premier lieu celles des étrangers déjà condamnés "pour des crimes ou délits punis de dix ans ou plus d'emprisonnement".

Le gouvernement veut "réduire le champ des protections contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque l'étranger a commis des faits constituant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat".
"Il ne peut plus y avoir (...) de protection pour les étrangers ayant commis des actes de délinquance grave", y compris ceux étant arrivés avant l'âge de 13 ans en France, a résumé mercredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à l'issue du Conseil des ministres où le texte a été présenté. 

Alors que le taux d'exécution des OQTF, objet de polémiques récurrentes, se situait sous les 10% en 2021, le gouvernement veut simplifier le contentieux des étrangers en réduisant de douze à quatre les recours possibles contre les expulsions.

La "part des ressortissants étrangers dans la délinquance représente (...) plus du double de leur représentation dans la population", a mis en avant le gouvernement. L'exécutif n'a en revanche pas retenu une mesure un temps évoquée, prévoyant de délivrer une OQTF aux demandeurs d'asile dès le rejet de leur dossier en première instance. 

Réformer le système d'asile

Toujours dans l'objectif d'expulser plus efficacement, mais aussi pour accélérer les procédures, une réforme "structurelle" de l'asile est prévue.

L'Etat veut généraliser le recours au juge unique à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui statue essentiellement de façon collégiale.

Le texte prévoit aussi la création de chambres territoriales du droit d'asile, alors que la CNDA est actuellement basée dans la seule région parisienne.

Des espaces "France Asile" doivent être créés, regroupant des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et des préfectures. L'objectif: raccourcir de "plusieurs semaines" les procédures.

Régulariser les travailleurs sans-papiers

Mesure-phare garantissant l'"équilibre" du texte selon le gouvernement, l'exécutif veut permettre aux travailleurs sans-papiers présents sur le territoire depuis trois ans d'obtenir un titre de séjour "métiers en tension", valide un an. Pour cela, l'employé devra prouver qu'il a été employé "durant au moins huit mois" sur les deux dernières années dans un des métiers en pénurie de main d'oeuvre, dont la liste, obsolète, doit être actualisée.  Le travailleur qui en bénéficie pourra solliciter une carte de séjour pluriannuelle s'il est employé en CDI et s'il justifie d'une maîtrise élémentaire du français, a complété le ministre du Travail Olivier Dussopt. 

Sur les modalités de cette mesure, qui cristallise l'opposition de la droite, Gérald Darmanin s'est redit ouvert aux propositions d'aménagements, notamment à l'idée de "quotas" pour en limiter la portée. Les demandes de régularisations liées à ce titre pourront en tout cas être déposées directement par l'employé, alors que la procédure actuelle le place en situation de "dépendance" vis-à-vis de l'employeur. 

Le texte prévoit par ailleurs la création d'une carte de séjour pluriannuelle "talent – professions médicales et de la pharmacie", destinée aux praticiens diplômés hors Union européenne officiant "dans un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médicosocial".

Ce titre, d'une durée maximale de quatre ans, concerne les médecins, les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens.

Le gouvernement veut également permettre aux demandeurs d'asile de travailler dès leur arrivée en France lorsqu'il est "fortement probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France", les exonérant ainsi d'un délai de carence de six mois. La liste des pays concernés doit être fixée par décret.

Intégration: niveau minimal de français requis 

L'exécutif veut conditionner la première délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la maîtrise d'un "niveau minimal de français", là où une simple participation à une formation linguistique est aujourd'hui requise. 

"Nous allons instaurer un examen de français obligatoire pour tous les titres de séjour long, 270.000 personnes sont concernées par an", a souligné Gérald Darmanin.

Des associations de défense des étrangers ont partagé mercredi leurs "inquiétudes" concernant ce texte qui va surtout accentuer le "détricotage des droits" des exilés, sous la pression selon elles du "chantage" de la droite.