Fil d'Ariane
C'est une crise d'incarnation également. Le parti est resté orphelin de Nicolas Sarkozy en qui il a longtemps vu une "valeur refuge", faute de mieux. Mais les déboires judiciaires de l'ancien président et le fiasco de la campagne de François Fillon en 2017 ont privé le parti de figures et de perspectives.
La liste des cinq candidats ressemble donc à un patchwork assez improbable. Quatre d'entre eux ont des chances réelles de représenter LR dans la dernière ligne droite.
Doyen de la compétition, donné parmi les favoris, Michel Barnier, 70 ans, joue la carte du sérieux et de la fidélité au parti Les Républicains pour convaincre, avec une sobriété dans le style que certains aimeraient plus pugnace.
"Je suis prêt" à être un président "qui rassure et qui agit", aime à répéter l'ancien négociateur européen pour le Brexit, qui garde de cette expérience une vigilance aiguë face à la "colère sociale" qui couve. Le candidat que "personne n'a vu venir" a peu à peu gagné des galons de favori, sa fidélité au parti pouvant lui attirer les votes des adhérents de longue date.
Incarnation d'une droite sociale, européenne, celui qui se décrit comme "patriote et européen" prône "autorité, dialogue et confiance".
Sa sobriété assumée, debout derrière un pupitre en réunion publique, ses exemples parfois datés, lui ont valu des critiques après les débats télévisés, face à des candidats plus remuants.
"Je connais mon âge, l'important est de garder la même capacité d'enthousiasme et d'indignation", assure l'ancien ministre (Agriculture et Affaires étrangères) de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, qui assure n'avoir "aucune fébrilité", même s'il s'efforce d'apparaître plus percutant.
Sa longue carrière politique, entamée en 1973, lui a valu un temps l'appellation de "Joe Biden à la française".
Seule femme en lice pour l'investiture chez Les Républicains, Valérie Pécresse, 54 ans, est une "bosseuse" méthodique et attachée aux valeurs républicaines, qui espère décrocher l'investiture avec une ligne libérale sur l'économie et ferme sur le régalien.
"Dame de faire" auto-proclamée, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy (Enseignement supérieur et Budget) revendique le programme "le plus audacieux" et l'assure: "Je suis totalement, entièrement, viscéralement déterminée".
Une détermination que l'ancienne députée des Yvelines a pu expliquer depuis juillet au cours de 80 réunions publiques, expliquant ici son projet de six réacteurs EPR, combattant là son image francilienne, avec un fil rouge: "restaurer la fierté française".
Accusant Emmanuel Macron d'avoir "cramé la caisse", la présidente fraîchement réélue de l'Ile-de-France mise sur son expérience à la région et défend un projet très ferme sur le régalien où elle s'est adjointe les services de Patrick Stefanini, l'ancien directeur de campagne de François Fillon.
Sur l'immigration elle veut durcir le droit à la nationalité et aux allocations, et sur la sécurité cette ex-bébé Chirac, longtemps affublée d'une image sage, n'exclut pas de "faire intervenir l'armée" dans les "zones de non-droit".
Son programme d'ordre, qu'elle a à cœur d'aborder sous tous ses facettes en meeting, prévoit aussi de supprimer 200.000 postes de fonctionnaires et d'augmenter "de 10% les salaires nets" sous 3.000 euros.
Mais cette habituée du tableau d'honneur (bac à 16 ans, HEC, ENA...), chantre des valeurs républicaines, met aussi l'accent sur l'éducation.
Jugée "bosseuse" et "méthodique", la présidente de Libres ! avait quitté LR en 2019, avant de reprendre sa carte en octobre. Mais elle a toujours, au nom de la loyauté, accepté de jouer la règle du départage.
Parti le premier dans la course à la présidentielle, crédité d'une légère avance dans les sondages, Xavier Bertrand, 56 ans, défend avec pugnacité son projet de droite sociale quoique ferme sur le régalien, pour convaincre une famille politique qu'il vient tout juste de réintégrer.
Avec son slogan "pour la France, la droite qui gagne", l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy (Travail et Santé) défend son triptyque "autorité, territoires, travail" pour convaincre "ceux qui travaillent et qui n'y arrivent pas", avec pour mesure phare une prime portant à au moins 1.500 euros nets les salaires des employés à temps plein.
Mais ce diplômé en droit, qui défend "l'expérience et le bon sens", se veut aussi ferme sur le régalien, prônant une baisse des titres de séjour pour les étrangers et des "peines minimales obligatoires" pour les agresseurs de policiers et élus. Opposant affiché à l'extrême droite, promettant un mandat unique, le fondateur du think tank La Manufacture défend aussi une "république des territoires" via la décentralisation.
Soucieux de ne pas apparaître en diviseur, il joue le rassemblement, notamment en débat télévisé où, plutôt à l'aise, il se garde bien d'attaquer frontalement ses rivaux.
"Si une troisième fois nous perdons la présidentielle, c'en sera fini des Républicains", met en garde ce natif de la Marne, père de quatre enfants, marié trois fois, qui promet de ne faire qu'un mandat s'il est élu.
"Clairement à droite", Eric Ciotti, 56 ans, défend des idées de "rupture" dans la course à l'investiture LR, intransigeant sur le régalien et libéral sur l'économie, qui l'ont doté d'une dynamique en fin de campagne. "Je veux être le candidat qui coupe le robinet d'eau tiède", répète le député des Alpes-Maritimes, qui ne s'"excuse pas d'être de droite" et défend son programme mêlant "autorité, identité, liberté".
Eric Ciotti, chef du parti Les Républicains.
Avec sa rhétorique de "guerre de civilisation", ce spécialiste des questions migratoires, quoique jamais ministre, aligne des propositions chocs sur le régalien: préférence nationale sur l'emploi et le logement, retour au droit du sang, "Guantanamo à la française" pour les islamistes les plus dangereux...
En matière de sécurité, celui qui veut faire de Laurent Wauquiez son Premier ministre promet des "peines minimales automatiques" pour les agresseurs des forces de l'ordre et prône la perpétuité réelle. Ton posé et accent chantant, il défend en matière économique un projet "inspiré de François Fillon": fin de l'impôt sur les successions, "flat tax" de 15%, suppression de 250.000 postes de fonctionnaires...
Convaincu que "le pays n'a jamais été aussi clairement à droite", très actif sur les réseaux sociaux, il promet de "créer la surprise", même si sa fédération des Alpes-Maritimes n'est plus la plus grosse de France (dépassée par Paris lors de l'afflux d'adhérents de l'automne). En cas de second tour Zemmour-Macron, il choisirait d'ailleurs le polémiste, a-t-il assuré à plusieurs reprises, faisant regimber dans son propre camp.
Petit Poucet dans la course à l'investiture LR, révélé lors des débats télévisés, Philippe Juvin, 57 ans, veut faire entendre une "ligne différente", sortant du seul régalien pour défendre les services publics à l'heure de la crise sanitaire. "J'incarne une droite humaniste, qui prend soin de l'autre, une droite libérale, européenne, et la droite des services publics", affirmait lundi sur Europe 1 le maire de la Garenne-Colombes, en région parisienne.
Chef des urgences de l'hôpital parisien Georges-Pompidou, très médiatisé depuis la crise du Covid, il ne mâche pas ses mots sur les propositions "père Fouettard" de certains de ses rivaux qui veulent baisser le nombre de fonctionnaires: "Il ne faut pas le diminuer" car "un pays prospère c'est un pays qui protège, éduque et soigne", assure-t-il.
Le candidat, un temps engagé en Afghanistan comme médecin militaire et qui se targue d'avoir gardé une activité professionnelle, veut aussi lutter contre les déserts médiaux, où il faut selon lui affecter obligatoirement les jeunes médecins pendant un an.
Dans un scrutin où chacun rivalise de fermeté sur le régalien, l'ex-député européen s'est récemment inquiété que la droite puisse se "miniaturiser" ou se "zemmouriser" en "ne parlant que d'immigration et de sécurité".
S'inquiétant de "l'immigration sociale", il prône un plan de développement de l'Afrique pour freiner l'émigration mais refuse de limiter le nombre d'étudiants étrangers qui font "partie du rayonnement de la France".
En matière économique, ce libéral féru de théâtre avertit que "tant qu’on n'a pas créé de richesses, on ne peut pas en distribuer", et prône la "fin de la taxe sur la taxe" en matière énergétique. Il veut aussi baisser les impôts de production, et "augmenter le travail jusqu’à 65 ans".