En Italie, Matteo Salvini se pose en martyr de la justice

Ce vendredi 7 septembre 2018, le parquet de Palerme a confirmé une enquête contre Matteo Salvini pour séquestration de 140 migrants. Le ministre italien de l'Intérieur a décidé de contre-attaquer.
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Poursuivi par plusieurs enquêtes, le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, a décidé de répliquer.
AP Photo/Luca Bruno
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Ce vendredi 7 septembre 2018, le ministre italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, a fait appel à ses électeurs "complices", suite à la confirmation d'une enquête contre lui pour séquestration de dizaines de migrants empêchés de débarquer pendant plus de 10 jours.

Salvini paye sa volonté de vouloir faire un exemple avec les migrants

Il est environ 9h00 ce vendredi 7 septembre, lorsque Matteo Salvini, chef de file de l'extrême droite italienne et vice-président du conseil des ministres, débute un direct vidéo sur ses réseaux sociaux. Il entre vite dans le vif du sujet, ouvre puis lit un courrier reçu par une juridiction de Palerme. Une enquête est ouverte, contre lui, pour séquestration avec circonstances aggravantes de 140 migrants.

 
Une histoire qui remonte à la nuit du 15 au 16 août. Ce soir là, Matteo Salvini prend la décision, pour montrer qu’il sera intransigeant avec les migrants, d'empêcher le débarquement de 140 d’entre eux, secourus par le navire Diciotti. Une décision politique forte qui provoque des remous dans toute l'Europe et qui ne reste pas sans conséquences. Dix jours plus tard, un procureur d'Agrigente, en Sicile, décide d’ouvrir une enquête contre Matteo Salvini, puis transfère la procédure à une juridiction de Palerme habilitée à poursuivre les membres de l'exécutif. Celle-ci accepte de retenir le chef de séquestration avec circonstances aggravantes et notifie le ministre italien de l'Intérieur.
 

La justice pointée du doigt

"Un organe de l'Etat enquête sur un autre organe de l'Etat. Avec la toute petite différence que vous avez élu cet organe de l'Etat", s’insurge Matteo Salvini dans la vidéo. "Les autres n'ont été élus par personne et ne répondent (de leurs actions) devant personne" précise-t-il.

"C'est vous qui avez demandé à ce ministre de contrôler les frontières, de contrôler les ports, de limiter les débarquements, de limiter les départs, d'expulser les clandestins. C'est vous qui me l'avez demandé, et je vous considère comme mes amis, comme mes soutiens et comme mes complices", a-t-il ajouté.

Un propos qui a entraîné la création du hashtag #complicediSalvini, rapidement arrivé dans les premières places des tendances sur Twitter.
Avec cette prise de position, Matteo Salvini met explicitement en cause la justice —  comme a pu le faire  Marine Le Pen en France — et lui prête une action politique.

Une opinion que beaucoup de ses partisans italiens ont diffusé sur les réseaux sociaux. Des sympathisants des mouvements d’extrême droite européens apportent, eux aussi, leur soutien au ministre de l'Intérieur italien. Certains responsables du RN (Rassemblement National, ex Front National) en France, se sont même prêtés au jeu.
 

 

Ces accusations de Matteo Salvini sonnent comme un air de déjà-vu. Les soutiens du vice-Premier ministre italien n’ont pas manqué de rappeler que “Silvio Berlusconi est tombé à cause des juges”. Ce dernier, pourtant en froid avec Matteo Salvini, n’a d’ailleurs pas manqué l’occasion de le soutenir parce qu'il “s’en prend aux juges”. Comme un parfum de revanche…

Cette contre-attaque de Matteo Salvini est loin de faire l'unanimité et divise jusqu'au sein du gouvernement d'union avec les antisystème du Mouvement 5 étoiles (M5S). Luigi Di Maio, chef de file du M5S et vice-Premier ministre, a déclaré avoir appelé Matteo Salvini vendredi soir pour lui exprimer son désaccord : "Je lui ai dit qu'il ne fallait pas attaquer les magistrats, parce que ce sont les mêmes magistrats qui arrêtent les corrompus, les mafieux et les passeurs", a-t-il précisé, tout en répétant que la décision d'interdire le débarquement des migrants était néanmoins partagée par l'ensemble du gouvernement.
 

Le "martyr" Salvini, plus populaire que jamais

Une affaire de plus en l’espace de quelques jours pour Matteo Salvini. La justice italienne a autorisé, jeudi 6 septembre, le placement sous séquestre de 49 millions d'euros de la Ligue, parti dont il est le responsable. Une fraude qui remonte à 2008-2010, quand le vice-Premier ministre n’était pas encore à la tête du parti… Et pourtant, là encore, il se pose en victime de la justice : “S'ils veulent nous enlever tout, qu'ils nous enlèvent tout, nous, de notre côté on fera de la politique tranquillement, puisque nous avons les Italiens à nos côtés", a-t-il précisé.

Dans d’autres pays, on pourrait s’attendre à voir un membre du pouvoir fragilisé par autant d’affaires. Pourtant, c’est le contraire que l’on observe avec Matteo Salvini. Il continue à gagner en popularité auprès des italiens, mais aussi hors des frontières transalpines. Sur les réseaux sociaux également, il ne cesse de voir sa cote et son nombre d’abonnés et de sympathisants grimper.
Unes presse italienne
Matteo Salvini occupe les Unes des journaux italiens et sa popularité ne cesse de grimper.
Un paradoxe que le “Capitano” exploite à merveille selon le politologue Ilvo Diamanti. Ce dernier affirme même dans le Repubblica que cet “anti-pape” est aussi populaire que le souverain pontife, tout en étant, à l’inverse, “anti-éthique”.
Un dilemme qui fracture la société italienne autant que le pouvoir qui fait face à un chômage proche de 12% et ce, à l'aune de présenter des réformes qui risquent de secouer, encore un peu plus, le pays.