Fil d'Ariane
Le gouvernement italien de la conservatrice Giorgia Meloni, est confronté à un revers de taille sur la question de l’immigration, après l’invalidation de la rétention de migrants en Albanie par la justice.
Des migrants et des responsables de la sécurité marchent dans le port de Shengjin, au nord-ouest de l'Albanie. Mercredi 16 octobre 2024, après avoir débarqué du navire de la marine italienne Libra, transportant le premier groupe de 16 migrants interceptés dans les eaux internationales.
Un tribunal italien a invalidé, vendredi 18 octobre, la rétention dans des centres albanais des premiers demandeurs d'asile que Rome y a transférés cette semaine, un camouflet pour le gouvernement ultra-conservateur de Giorgia Meloni.
Voir Italie : un tribunal invalide la rétention des migrants envoyés en Albanie
La Première ministre a aussitôt réagi : "les Italiens m'ont demandé d'arrêter l'immigration illégale, et je ferai tout ce qui est possible pour tenir parole", a-t-elle promis dans un message posté sur X.
Le gouvernement dirigé par la cheffe du parti d'extrême droite Fratelli d'Italia (FDI) a signé fin 2023 avec Tirana un accord prévoyant la création de deux centres en Albanie, d'où les migrants secourus en Méditerranée pourront effectuer une demande d'asile.
Giorgia Meloni et ses alliés de droite et d'extrême droite ont présenté cet accord comme un modèle pour l'Europe et la dirigeante italienne en a détaillé le contenu jeudi à Bruxelles lors d'une réunion informelle avec la Hongrie, les Pays-Bas, l'Autriche ou encore la Grèce, en présence de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
La décision des juges de la section des affaires migratoires du tribunal de Rome constitue donc un revers cinglant pour l'exécutif italien, qui a fait de la lutte contre l'immigration irrégulière un de ses principaux chevaux de bataille politiques.
Furieux, son parti Fratelli d'Italia l'a jugée "absurde" sur X, fustigeant des "magistrats politisés". "Impossible de rapatrier qui entre illégalement, interdit de rapatrier les clandestins. Ils voudraient abolir les frontières de l'Italie, nous ne le permettrons pas", a ajouté FDI.
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La Ligue, parti anti-immigration du vice-chef du gouvernement Matteo Salvini, a critiqué une décision "inacceptable et grave" et s'en est prise aux magistrats "pro-immigrants", les invitant à "se présenter aux élections".
L'accord entre Rome et Tirana, d'une durée de cinq ans, concerne les hommes adultes interceptés par la marine ou les garde-côtes italiens dans leur zone de recherche et de sauvetage dans les eaux internationales.
La procédure prévoit un premier contrôle sur un navire militaire, avant un transfert dans un centre du nord de l'Albanie, au port de Shengjin, pour une identification, puis vers un second centre, sur une ancienne base militaire à Gjader.
Les seize premiers migrants sont arrivés le 16 octobre en Albanie, mais quatre d'entre eux ont immédiatement été ramenés en Italie, deux affirmant être mineurs et deux autres ayant besoin de soins médicaux.
Le tribunal italien ayant invalidé la rétention des 12 autres demandeurs d'asile, originaires du Bangladesh et d'Égypte, a invoqué un récent arrêt de la Cour européenne de justice sur les pays de provenance considérés "sûrs" par les pays d'accueil.
Rome a récemment étendu la liste des pays d'origine "sûrs", définis comme des États où il n'y a pas de persécution, de torture ou de menace de violence aveugle, à 22 pays. Mais cette liste comprend des pays dont certaines régions ne sont pas jugées "sûres". Or la Cour européenne de justice estime que les États membres de l'UE ne peuvent désigner comme sûrs que des pays entiers, et non des parties de pays.
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Une position jugée inacceptable par Meloni : "Je ne crois pas qu'il soit de la compétence des juges de décider quels pays sont sûrs et lesquels ne le sont pas, c'est une compétence du gouvernement", a-t-elle affirmé le 18 octobre.
Les 12 migrants doivent donc être transférés en Italie, mais le ministre italien de l'Intérieur Matteo Piantedosi a annoncé vendredi que le gouvernement ferait appel.
L'opposition de gauche en Italie, vent debout contre l'externalisation de la politique migratoire, a salué la décision des juges romains.
"Nous l'avions dit, non pas parce qu'on a la boule de cristal mais parce que nous lisons les lois", a ainsi réagi Elly Schlein, la patronne du principal parti d'opposition, le Parti démocrate (PD, centre-gauche). "Maintenant je lance un appel au gouvernement et à Mme Meloni : arrêtez-vous et revenez sur vos pas. Vous devez tout démonter et demander pardon aux Italiens", a-t-elle dit.
"Le spectacle médiatique organisé par le gouvernement Meloni se heurte au droit national et international", s'est aussi félicitée sur X l'ONG Sea-Watch Italy qui secourt des migrants en Méditerranée.