Fil d'Ariane
Depuis le 17 décembre, date des élections légisatives serbes, les manifestations de plus en plus violentes se multiplient dans le pays. Le parti présidentiel pro-russe est accusé de fraude par l'opposition. Explications.
Les supporters de l'opposition serbe agitent le drapeau du pays lors d'une manifestation devant le bâtiment de la commission éléctorale à Belgrade, le 24 décembre 2023.
De violentes manifestations ont lieu en Serbie depuis le 17 décembre dernier, date à laquelle le parti présidentiel serbe, le SNS, mené par Aleksandar Vucic, a remporté les élections législatives avec 46,72% de voix. Une victoire qui devrait permettre à ce parti de droite nationaliste d’obtenir plus de la moitié des 250 sièges du Parlement.
Si le résultat des dernières élections est aussi contesté en Serbie, c’est pour dénoncer la fraude dont est accusé le camp présidentiel. Des observateurs internationaux, notamment l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ont dénoncé des "irrégularités" dans le scrutin, comme "l'achat de voix" et "le bourrage des urnes".
Depuis les élections, les manifestations sont le théâtre de violences de plus en plus importantes. Ce dimanche 24 décembre, les manifestants ont attaqué la mairie de Belgrade, réclamant la révision des listes électorales. Des membres de la principale liste d’opposition, Serbie sans violence, ont entamé une grève de la faim avec pour but d'annuler les résultats, dénonçant des élections frauduleuses.
De son côté, le parti présidentiel a affirmé avoir des preuves que ces accusations avaient été "fomentées à l’étranger".
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a d’ailleurs de son côté déclaré lors de l’un de ses points presses quotidiens "Les tentatives de forces tierces, y compris depuis l'étranger, de provoquer de tels troubles à Belgrade sont évidentes".
Une lecture de ces manifestations, "typiquement russe ou biélorusse", selon Carole Grimaud, analyste géopolitique et spécialiste de la Russie et des espaces post-soviétiques, qui précise que ce soupçon de "manipulation étrangère dans les manifestation", est une habitude entretenue par ces deux Etats.
Le président serbe, Aleksandar Vucic, au pouvoir depuis près de dix ans, aspire à faire entrer son pays dans l’Union Européenne, tout en entretenant de bons rapports avec la Russie et la Chine.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, il n’a pas appliqué de sanctions contre Moscou et continue d’importer du gaz russe. Selon Carole Grimaud, il s’agit de l'illustration d’une proximité historique entre les deux pays, "la position politique suivie par Vucic depuis l’invasion russe a été ambiguë, d’un coté la Serbie souhaite toujours intégrer l’Union Européenne, la demande a été faite il y a plus de 20 ans. Mais d’un autre coté elle est toujours dépendante du gaz russe. Vucic a donc pris la décision de ne pas suivre les sanctions décidées par l’Union Européenne ou les Etats-Unis, c’est un choix délibéré dont il s’explique en disant que la Serbie est dépendante du gaz russe et n’avait pas d’autre choix que de ne pas appliquer ces sanctions. Il a toutefois condamné l’agression", ajoute-t-elle.
La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a également comparé ces manifestations à celles du Maïdan qui s’étaient déroulées du mois de novembre 2013 au mois de février 2014, à Kiev. Durant trois mois, les ukrainiens avaient avaient manifesté pour revendiquer un désir d’Europe, de démocratie et d’indépendance nationale. Selon l’analyste géopolitique, le Maïdan avait été perçu par Moscou comme "un coup d’état manipulé par les Occidentaux pour renverser un pouvoir légitime".
En février 2014, ces manifestations avaient abouti au départ du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, et à l’arrivée au pouvoir de pro-Occidentaux en Ukraine. Selon Carole Grimaud, la comparaison est simpliste. "Le Maïdan est typiquement ukrainien et lié à l’histoire de l’Ukraine et à ses relations avec la Russie. Aujourd’hui, les manifestants serbes qui réclament de nouvelles élections ne sont pas nécessairement anti-russes et anti-Kremelin. Ce que réclament les Serbes c’est un pouvoir moins autoritaire que ne l’est celui de Vucic, ainsi qu’un rapprochement avec l’Union Européenne sans pour autant couper toutes les relations avec la Russie".