En Suisse, à quoi sert le président de la Confédération ?

Pour la deuxième fois, le socialiste Alain Berset va occuper dès le 1er janvier les fonctions de président de la Confédération suisse. Il restera un an à ce poste essentiellement honorifique. 
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Alain Berset lors d'une réunion des ministres de la santé en Italie, le 25 février 2020.
© AP Photo/Gregorio Borgia
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Il y a dix ans, en novembre 2012, un député suisse s’étonne. Fathi Derder, élu du groupe libéral-radical au Parlement, réclame un éclairage. “Le rôle du président de la Confédération, demande-t-il, semble varier selon les conseillers fédéraux. Tantôt orienté vers l'extérieur - et les affaires étrangères - tantôt vers l'intérieur (…) Le rôle et la mission du président de la Confédération méritent une définition objective, moins dépendante des goûts du conseiller fédéral élu”.  

Sa question, adressée solennellement au Conseil fédéral, donne lieu quelques mois plus tard à une réponse argumentée se concluant ainsi : “Le Conseil fédéral estime qu'il n'y a pas lieu de revoir ni de redéfinir les tâches et les compétences du président de la Confédération”.

Dix ans sont passés, Fathi Derder a quitté la vie politique et est retourné à sa carrière journalistique. Quant au président de la Confédération, s’il change de visage ce 1er janvier comme chaque 1er janvier, sa fonction et ses attributions restent une curiosité au sein des démocraties occidentales, et notamment aux yeux des Français si attachés à l’incarnation de leurs institutions. 

En ce début d’année, c’est donc le socialiste Alain Berset qui va prendre cette présidence. Ou plutôt la reprendre, car il l’avait déjà occupée au cours de l’année 2018. A 50 ans, Alain Berset est Conseiller fédéral depuis fin 2011.  

Le conseil fédéral suisse 2022
Le Conseil fédéral suisse en 2022. Au premier plan, le président sortant Ignazio Cassis. Le président Alain Berset qui prend ses fonctions le 1er janvier 2023 est le second en partant de la gauche.
© Chancellerie fédérale suisse

Que va lui apporter cette nouvelle fonction ?

A vrai dire, pas grand-chose, si ce n’est une mission essentiellement protocolaire.
En tant que président, il ne préside pas la Suisse à proprement parler même si son titre est officiellement “président de la Confédération suisse”.
Il prend la tête du Conseil fédéral, un groupe de sept conseillers qui, au nom d’un système baptisé “formule magique”, est chargé de conduire les affaires fédérales. Mais ne croyez pas qu’Alain Berset devient le patron de ce Conseil : bien que président, il reste l’égal des autres conseillers, primus inter pares, premier d’entre les pairs.
Il aura pour tâche de diriger les séances du Conseil et, lors de votes, son bulletin compte double en cas d’égalité.

Le site de l’administration suisse détaille ainsi le reste des missions dévolues au président : “Le président de la Confédération assume durant son année de fonction certains devoirs de représentation. C'est traditionnellement lui qui tient les discours télévisés et radiophoniques pour la nouvelle année et la fête nationale du 1er août. Il accueille en outre le corps diplomatique – les envoyés étrangers en Suisse – à l’occasion de la réception du Nouvel An au Palais fédéral. Depuis les années 90, la règle veut que le président de la Confédération entreprenne des voyages officiels à l'étranger. Il soigne aussi tout particulièrement les relations avec les cantons.” 

La Suisse, pays de "la formule magique

Depuis 1959, la Suisse est gouvernée par un collège de sept conseillers selon une formule dite “2+2+2+1” supposée refléter les rapports de force entre les quatre principaux partis politiques au Parlement.

Les membres de ce “gouvernement” sont élus par l'Assemblée fédérale, composée des 200 députés élus à la proportionnelle et des 46 conseillers aux Etats (sénateurs) représentant les 26 cantons. Le Conseil fédéral fonctionne sur le principe de la collégialité et du consensus. Toutes ses décisions engagent les sept membres qui doivent ostensiblement montrer leur solidarité.  

Les ministres se répartissent entre eux les portefeuilles. Dans l'Etat fédéral helvétique, seules certaines compétences telles que les affaires étrangères, la défense nationale, les douanes ou la monnaie sont du ressort du gouvernement, les 26 cantons et les communes conservant d'importantes prérogatives. 

Cette répartition des rôles entre forces politiques “n’est mentionnée dans aucune loi contraignante, et aucun parti n’a l’obligation de la respecter”, explique le quotidien suisse Le Temps dans un article limpide et gratuit.

Outre son rôle de président, le Conseiller qui occupe le poste garde ses fonctions initiales au sein du Conseil. En clair, Alain Berset -qui était vice-président au cours de l'année qui s'achève- reste en charge de l'Intérieur qui comprend en particulier la santé.

Le président de 2022, Ignazio Cassis, conserve pour sa part le poste de chef de la diplomatie suisse qu'il occupe depuis son entrée au Conseil fédéral en 2017 et qu'il a conservé pendant son année de présidence.

Jonas Furrer, premier président de la Confédération suisse
Jonas Furrer, né en 1805, devient en 1848 le premier président de la Confédération suisse. Il occupera le poste à quatre reprises.
© Licence CC

Ce poste de président existe depuis le 21 novembre 1848 et l'adoption de la "Constitution fédérale de la Suisse" qui a vu aussi la naissance du Conseil.  
Le premier président, Jonas Furrer, appartenait au Parti radical-démocratique (PRD) qui dominera la vie politique suisse pendant des décennies. Il faut d'ailleurs attendre 1895 pour qu'un président ne soit pas issu de ses rangs. 

Plus d'un siècle plus tard, autre "révolution" : en 1999, une femme devient pour la première fois présidente de la Confédération suisse, la socialiste Ruth Dreifuss. Quatre autres femmes occuperont ensuite le poste : Micheline Calmy-Rey (2007 et 2011), Doris Leuthard (2010 et 2017), Eveline Widmer-Schlumpf (2012) puis Simonetta Sommaruga (2015 et 2020). 

► Le site du Conseil fédéral suisse est ici.