
Fil d'Ariane
136 civils de la minorité alaouites ont été exécutés par les forces de sécurité syrienne, d’après une ONG. Les nouvelles autorités syriennes mènent une vaste opération dans le nord-ouest de la Syrie contre des fidèles de l’ex-président Bachar al-Assad.
Les forces gouvernementales syriennes sont déployées dans un contexte de sécurité accrue à Damas, en Syrie, le vendredi 7 mars 2025.
Une ONG a affirmé que les forces de sécurité syriennes avaient "exécuté" vendredi 136 civils de la minorité alaouite, lors d'une vaste opération dans le nord-ouest de la Syrie contre des combattants fidèles à l'ex-président Bachar al-Assad, les autorités évoquant des "exactions isolées".
Après plusieurs jours d'affrontements dans la région de Lattaquié et Tartous, bastions de la minorité alaouite dont est issu le président déchu dans le nord-ouest du pays, la violence est montée d'un cran quand des fidèles d'Assad ont mené une attaque sanglante contre des forces de sécurité dans la ville côtière de Jablé dans la nuit de jeudi à vendredi 7 mars, selon les autorités.
De la fumée s'élève d'une usine touchée lors d'affrontements entre les forces de sécurité syriennes et des hommes armés fidèles à l'ancien président Bashar Assad dans la banlieue de Lattaquié, en Syrie, le vendredi 7 mars 2025.
Elles ont envoyé, vendredi, des renforts et lancé d'importantes opérations de ratissage dans la région, notamment à Qardaha, berceau du clan Assad.
Les violences, sans précédent depuis la chute de l'ex-président, ont fait au total 231 morts depuis jeudi, selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Un couvre-feu a été décrété jusqu'à samedi dans les régions de Lattaquié et Tartous.
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Le rétablissement de la sécurité dans le pays est le principal défi pour le nouveau pouvoir, issu d'une coalition de groupes rebelles islamistes qui a renversé Bachar al-Assad, le 8 décembre, après plus de 13 ans de guerre civile.
"Les gens restent enfermés chez eux. Tout le monde a peur", a témoigné Ali, un habitant de Jablé, joint par l'AFP depuis Damas.
L'OSDH a affirmé que 136 civils alaouites, dont au moins 13 femmes et cinq enfants avaient été "exécutés" par les forces de sécurité vendredi, certains à leur domicile, dans les régions de Banyas, Lattaquié et Jablé.
L'ONG et des militants ont publié des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d'une maison, des femmes pleurant à proximité.
Dans une autre vidéo, des hommes en tenue militaire ordonnent à trois personnes de ramper en file, avant de leur tirer dessus à bout portant.
Une troisième séquence montre un homme armé tirant à plusieurs reprises à bout portant sur un jeune homme en civil à l’entrée d’un bâtiment, avant de l’abattre. L'AFP n'a pas pu vérifier ces vidéos de manière indépendante.
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De son côté, une source sécuritaire citée par l'agence officielle syrienne Sana a fait état d'"exactions isolées" commises par des "foules (...) non organisées" en représailles à "l'assassinat de plusieurs membres des forces de police et de sécurité par les hommes fidèles à l'ancien régime".
"Nous œuvrons à mettre un terme à ces exactions qui ne représentent pas l'ensemble du peuple syrien,", a ajouté la source du ministère de l'Intérieur.
Aron Lund, du centre de réflexion Century International dit s'inquiéter d'une situation qu'il assimile à une "bombe à retardement".
"Les deux camps ont l'impression d'être pris pour cible, les deux camps ont subi d'horribles exactions de la part de l'autre, et les deux camps sont armés", déclare-t-il à l'AFP.
Jeudi soir, alors que des rassemblements avaient lieu dans plusieurs villes en soutien aux autorités, selon Sana, des messages diffusés par les haut-parleurs des mosquées appelaient au "jihad" (guerre sainte), a indiqué l'OSDH.
Des partisans du gouvernement syrien crient des slogans pour montrer leur solidarité avec les forces de sécurité qui se battent contre des hommes armés fidèles à l'ancien président Bashar Assad, lors d'une manifestation à Damas, en Syrie, le vendredi 7 mars 2025.
L'administration autonome kurde qui contrôle une grande partie du nord-est syrien, a appelé "toutes les forces politiques impliquées à s’engager dans un dialogue national" pour "une solution politique globale".
L'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, s'est dit "profondément alarmé", appelant toutes les parties à "la retenue".
Moscou, où Bachar al-Assad a fui, a appelé les dirigeants syriens à la "désescalade" pour "stopper le bain de sang".
L'Arabie saoudite a dénoncé l'action de "groupes hors-la-loi" contre les forces de sécurité. La Turquie et la Jordanie, frontalières de la Syrie ont également condamné ces violences.
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L'Iran, ancien allié de Bachar al-Assad, a affirmé s'opposer au meurtre de "Syriens innocents".
Les forces syriennes comptent dans leurs rangs de nombreux anciens combattants de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), le groupe islamiste fer de lance de la coalition qui a renversé Assad.
Des images diffusées par Sana ont montré, vendredi, des membres des nouvelles forces de sécurité entrant en pickup dans Banyas et Tartous.
Sur d'autres images, prises par l'AFP à Al-Bab (nord), des combattants en treillis de l'Armée nationale syrienne, une faction pro-turque, se préparent à gagner Lattaquié en renfort aux nouvelles autorités.
Le courant électrique a été coupé dans une grande partie de la province de Lattaquié, ont indiqué les autorités, évoquant des "actes de sabotage".
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Depuis jeudi, 50 membres des forces de sécurité et 45 combattants fidèles à Assad ont été tués dans des combats, selon l'OSDH.
À Jablé, les forces de sécurité ont capturé jeudi Ibrahim Houweïja, ancien chef des services de renseignement de l'armée de l'air, accusé de "centaines d'assassinats" à l'époque d'Hafez al-Assad, père de Bachar al-Assad, selon Sana.