Le vélo s'est imposé dans les grandes villes du monde à la faveur de la crise sanitaire et de la création de pistes cyclables temporaires. S'il ne représente encore qu'une infime part des déplacements, ce moyen de transport présente une série d'atouts qui pourrait l'installer durablement dans le paysage de nos métropoles.
L'arrivée de l'hiver en Europe et en Amérique montrera si la tendance se confirme. Depuis la crise sanitaire liée à la Covid-19, les déplacements en vélo ont explosé dans la plupart des grandes villes du monde.
"Pendant 3 mois, les gens n'avaient pas roulé donc ils avaient très envie de reprendre leur vélo sportif ou urbain, analyse Denis Briscadieu, président du groupe Cyclelab, organisateur du salon Vélo in Paris.
Se sont ajoutés à cela, la peur des transports en commun et la volonté d'indépendance." À Paris, en septembre 2020, les compteurs automatiques installés le long des pistes cyclables ont comptabilisé 1,6 fois plus de vélo qu'à la même période de 2019. Soit une moyenne de 90 passages chaque heure, avec un pic, bien sûr, aux heures de pointe du matin et du soir, et des disparités selon les zones.
S'il commence à séduire les habitants des grandes villes pour se rendre sur leur lieu de travail, c'est parce que le vélo présente de nombreux atouts face à ses "concurrents" que sont la voiture, les transports collectifs ou même la marche à pied.
"Le vélo est la solution pour beaucoup de choses"
"Moi je pense que le vélo est la solution pour beaucoup de choses : la santé, l'environnement, le trafic urbain, l'accès au dernier kilomètre pour les livraisons, s'enthousiasme Denis Briscadieu .
Et si on regarde à 10 ou 20 ans, rentrer à Barcelone, Londres ou Paris avec des véhicules thermiques, ce sera très compliqué. Ça marche à Copenhague, pourquoi pas ici ? Des villes comme Londres ou Portland se sont transformées, Lyon, Paris, Toulouse ou Marseille se transformeront." Le prix est l'un des atouts du vélo. Si elle n'est pas électrique, le coût d'une bicyclette est particulièrement faible, surtout en comparaison à l’automobile qui accapare entre 25 et 40% du budget d'un foyer. La dépense moyenne en France était de 364 euros en 2019 pour un vélo traditionnel, selon l'observatoire de la fédération Union Sport et Cycle. Sa version électrique coûtait 1749 euros en moyenne. À titre de comparaison, les calculs réalisés par l'Automobile Club Association montrent que les Français consacrent entre 4912 euros et 9906 euros par an pour leur voiture personnelle. Ce budget comprend l'achat, le carburant, l'assurance, les frais de réparations, de parking et de péage.
"Efficacité, fiabilité, flexibilité"
Pour Nicolas Louvet, le patron du bureau d'études 6T, spécialisé dans la mobilité,
"le vélo devient un moyen de transport comme un autre parce qu'on se rend compte de sa praticité". Il souligne trois caractéristiques :
"efficacité, fiabilité et flexibilité".
"Efficace car, grâce au vélo, on peut aller de point à point, d'en bas de chez soi à en bas de son travail. Il n'y a pas beaucoup d'autres modes de transport qui permettent ça à part la marche."
"La fiabilité : avec un vélo, comme à pied, on sait à l'avance combien de temps on va mettre pour faire ce déplacement. On n'a pas cette fiabilité-là avec la voiture." "Un raz de marée" sur le vélo électrique
"Flexibilité : ce mode permet d'enchaîner plusieurs déplacements dans la même journée, comme par exemple déposer les enfants à l'école puis aller au travail, puis passer en pressing sur le chemin du retour. Ça c'est possible en voiture mais pas avec les transports en commun", conclut Nicolas Louvet.
Comme 65% des déplacements en ville font moins de 5km, il est facile d'imaginer pouvoir les faire en vélo dit "musculaire". Le vélo électrique, lui, permet de faire grimper encore la distance maximale réalisable à la force des mollets. Et ça tombe bien, car les ventes de l'électrique explosent. "Sur ce segment, c'est un raz-de-marée, constate Denis Briscadieu, qui est aussi le patron des magasins Culture Vélos. C'est la plus belle saison que l'industrie du vélo connaît en France depuis que le vélo existe, je pense".
"Très en retard sur les infrastructures"
Sur le plan politique, les décideurs semblent avoir réalisé à l'occasion du déconfinement qu'une demande existe et pourrait perdurer. Les autorités françaises ont publié cette année un guide des bonnes pratiques à destination des élus. Il recense "sept leviers pour faciliter la circulation des cyclistes pendant le déconfinement", comme par exemple, "modifier le plan de circulation", "modérer la vitesse" ou "mettre en place du stationnement vélo".
Pour Denis Briscadieu, "nous avons gagné en 3 mois énormément de notoriété sur l'usage du vélo. Mais nous sommes encore loin de l'utilisation des Scandinaves, des Bataves, des Germaniques, qui ont énormément d'avance. Nous, nous sommes très en retard sur nos infrastructures cyclables. Eux les ont développées dès les années 70-80. Il n'est jamais trop tard, ça semble se mettre en place aujourd'hui".
Le développement des fameuses "coronapistes" -des pistes cyclables temporaires créées à la faveur de la crise sanitaire du coronavirus- a amené nombre d'usagers inquiets pour leur propre sécurité à tester le déplacement à bicyclette. "La présence de pistes sécurisées est un facteur déterminant dans la décision de prendre son vélo", assure Patrick Guinard, co-administrateur de l’Union sport et cycle, cité par Politis.
Jours de pluie
À Paris, la maire Anne Hidalgo a déjà promis de pérenniser les 60 kilomètres de pistes cyclables créées dans l'urgence depuis le mois de mai.
Petit à petit, les obstacles à l'usage du vélo se lèvent. Le défi de la lutte contre le vol est encore loin d'être relevé même si les municipalités créent désormais des stationnements sécurisés et fermés. La crainte psychologique, aussi, de se retrouver sous une pluie battante à vélo demeure. Là encore, des solutions émergent, comme ce toit repliable appelé Rain Joy et conçu par le Français Eric Frandeboeuf. Selon lui,
"70% des utilisateurs réguliers de vélo renoncent à prendre leur monture les jours de pluie". Sa bulle de protection tout juste inventée se présente comme une solution, reste à en vérifier l'efficacité dans les prochaines semaines.
>> En voir + : Démonstration de la bulle de protection contre la pluie à vélo Rain Joy, par son inventeur Eric Frandeboeuf :
Une donnée vient pourtant doucher l'enthousiasme des élus qui voient dans le vélo un remède efficace contre la pollution atmosphérique. Les nouveaux adeptes du vélo ne sont pas d'anciens conducteurs. Le trafic automobile n'a reculé que de 2,5% à Paris en septembre 2020, par rapport à l'année précédente. Ce que les spécialistes appellent le "report modal" s'est en réalité opéré essentiellement des transports publics vers le vélo.
Par ailleurs, les déplacements à vélo ne représentaient en 2019 que 3% de l'ensemble des déplacements en France. L'engouement actuel aurait fait doubler ou tripler ce chiffre dans certaines métropoles. Une hausse très importante mais il reste que 91% ou 94% des déplacements restent effectués à pied, en voiture ou en transports collectifs.