En visite en France, le président chinois signe de gros contrats
En visite officielle en France jusqu'au samedi 6 novembre, le président chinois Hu Jintao a signé de juteux contrats avec de grandes firmes françaises (Areva, Airbus, Alcatel-Lucent) d'un montant total de 14 milliards d'euros. Pourquoi, après la brouille de 2008, la Chine décide t-elle de se rapprocher de la France ? Quel est son intérêt ? Explications de François Godement, directeur de la stratégie à Asia Centre.
« La Chine mène une campagne de diplomatie économique »
Entretien avec François Godement, Directeur de la Stratégie à l’Asia Centre à Paris
François Godement de l’Asia Centre.
Quels sont les intérêts de la Chine à se rapprocher de la France ? La Chine mène une campagne de diplomatie économique, de façon préventive. Il suffit de lire l’interview accordée par le président chinois à la presse française pour voir que l’obsession, la priorité numéro un de la Chine est de garder le marché européen ouvert. Ce que Hu Jintao appelle les relations « gagnant/gagnant ». Les exportations sont vitales pour la croissance chinoise et elles trouvent leur premier débouché extérieur en Europe. La Chine a conscience qu’il commence à y avoir une certaine coordination des politiques européennes, qui se reflète à Bruxelles. Donc cette campagne, elle la mène auprès de la France aujourd’hui mais elle l’a fait auprès d’autres pays européens. Elle veut démontrer qu’elle peut apporter une contribution positive, et qu’on ne doit pas seulement se référer au déficit commercial. Ces dernières années, la Chine n'avait-elle pas donné la priorité aux investissements en Afrique et aux Etats-Unis ? C’est vrai qu’elle a investi beaucoup plus en Afrique pour l’accès aux ressources naturelles. Et sur le plan financier, la Chine a investi sur la dette publique américaine. Simplement parce que cette dette existait. La situation de l’Europe est différente. Elle a toujours été un énorme marché pour les Chinois. Mais elle avait une balance des comptes extérieurs qui était à l’équilibre. Donc l’Europe n’offrait pas à la Chine la possibilité d’investissements financiers en dette publique. La nouveauté est que les pays d’Europe du Sud offrent aujourd’hui cette possibilité puisqu’ils ont des déséquilibres importants. Conséquence : la Chine investit pour diversifier ses actifs, par rapport à ses investissements aux Etats-Unis, et parce que la bonne santé de l’économie européenne est importante pour ses exportateurs. Par ailleurs, il faut noter que la Chine monte en gamme dans ses activités économiques en Europe. Naguère elle fournissait des produits très bon marché, souvent comme sous-traitant. Aujourd’hui, elle avance ses grandes entreprises et ses capacités à travailler sur les infrastructures européennes : les ports, les aéroports, les autoroutes et bientôt les voies ferrées dans les pays du sud. Peut-on parler d’une réelle réconciliation France/Chine ou est-ce un simple partage d’intérêts réciproques bien compris ? Je pense qu’il y a un accord pour éviter les sujets qui fâchent. On le perçoit du côté français où l’on a fait profil bas sur l’attribution du prix Nobel à un dissident chinois. Du côté chinois, on met l’accent sur l’avenir et on oublie le rôle historique de la France, la reconnaissance de 1964 notamment. Des deux côtés, on choisit le pragmatisme. Nicolas Sarkozy espère décrocher le soutien de la Chine pour le prochain G20 qu’il présidera. Peut-il compter dessus ? Ce n’est pas gagné. Il était indispensable pour le futur président du G20 d’avoir une relation de travail avec les dirigeants chinois. Mais ces dirigeants n’accordent pas facilement leur confiance. Ils ne se départissent pas de leur capacité de décider par eux-mêmes. Ils restent toujours sur la réserve en matière d’engagements internationaux et de volonté de réforme. Cette visite de trois jours est donc simplement l’ouverture d’un processus afin que Nicolas Sarkozy ne parte pas au G20 avec un handicap.