Le véhicule à hydrogène est très peu mis en avant face à l'électrique, alors que ses qualités sont réelles, bien que méconnues. La France, en retard dans le domaine, commence pourtant à s'y mettre avec quelques bus équipés de pile à combustible prévus pour 2019, loin derrière l'Allemagne. En Californie l'emballement pour les véhicules équipés de cette technologie est en croissance permanente, comme au Japon où l'hydrogène permet aussi d'alimenter les domiciles en électricité.
Saviez-vous que Paris est équipée de plusieurs stations de ravitaillement pour véhicules à hydrogène et qu'une compagnie de taxis nommée Hype possède un parc de véhicules équipés de piles à combustible ?
Les "taxis bleu"de l'entreprise Hype sont en activité depuis 2015 et ont leur station provisoire de ravitaillement à hydrogène place de l'Alma, construite en partenariat avec Air Liquide. Si l'entreprise possède une flotte de 100 taxis à hydrogène actuellement, elle compte l'agrandir très rapidement. Mais quelle est cette technologie propre et très performante dont la compagnie de taxis fait la promotion sur son site ?
Hype est la première flotte de taxis hydrogène au monde. Elle a été lancée le 7 décembre 2015 pendant la COP 21, par la Société du Taxi Electrique Parisien ("STEP"), avec 5 premiers véhicules.
Aujourd'hui, la flotte compte 100 véhicules, vise 200 véhicules fin 2018 et 600 avant fin 2020.
Ces taxis hydrogène disposent d’une autonomie de plus de 500 km et se rechargent en 3 à 5 minutes, le tout n'émettant ni polluants locaux (NOx, ..), ni CO2, ni bruit, seulement … de l’eau !
Un véhicule électrique alimenté par une "pile à combustible"
Pour bien comprendre comment fonctionnent les véhicules à hydrogène, le plus simple est de regarder un schéma qui explique les différents éléments constitutifs de ce type de véhicule et leurs fonctions respectives :
Pour résumer : un véhicule comme la "Mirai" de Toyota est donc une voiture avec un moteur électrique entraîné par une pile à combustible, pile qui génère de l'électricité en utilisant l'hydrogène contenu dans un réservoir (on crée de l'électricité en faisant réagir l'hydrogène (molécule H) avec l'oxygène de l'air (molécule O), le tout aidé par une batterie fonctionnant sur les mêmes principes que les véhicules hybride (recharge de la batterie en roulant, sur les freinages et décélérations).
Ce véhicule ne demande donc aucune recharge électrique externe, ne produit aucun bruit et rejette… de l'eau. La puissance et l'autonomie d'une telle voiture sont très différentes des véhicules électriques classiques (ormis les véhicules Tesla sur la puissance) puisqu'il est possible de parcourir près de 600 km avec un plein, et d'aller jusqu'à 170 km/h pour une puissance de plus de 150 ch. Le plein d'un véhicule à hydrogène se fait entre 3 et 5 minutes, contre 20 minutes en recharge rapide ou 1 heure en charge pleine pour une voiture électrique. Niveau tarif et consommation, un plein d'hydrogène pour une Mirai tourne actuellement aux alentours de 50€, l'équivalent d'un plein en diesel pour un modèle équivalent de véhicule.
Une transition vers l'hydrogène… pour le transport collectif et les marchandises ?
Les caractéristiques des véhicules personnels équipés de pile à hydrogène ont l'intérêt de permettre de mieux comprendre le fonctionnement de cette technologie mais ne doivent pas camoufler une réalité déplaisante — encore plus criante qu'avec le véhicule électrique : ces véhicules personnels sont très chers et en aucune manière accessibles au grand public. Une Mirai coûte plus de 78 000€ à l'heure actuelle, soit plus de 4 années de salaire minimum français, un prix plus élevé mais proche des modèles concurrents de Hyundai avec sa Nexo(66 000€), ou la Clarity Fuel Cell de Honda (58 000€).
La France, pour l'heure, mise visiblement uniquement sur les transports en commun urbains à hydrogène : la ville de Pau et celle d'Auxerre mettent en circulation cette année leurs premiers bus à hydrogène, 8 pour Pau et 5 pour Auxerre, avec à chaque fois une unité de production alimentée majoritairement à l'éolien et des stations de ravitaillement.
Produire de l'hydrogène près des stations de ravitaillement n'est pas seulement une stratégie pour éviter le transport du carburant. En réalité ces usines produsient un carburant le plus "vert" possible d'où l'alimentation des usines par des parcs d'éoliennes. Il faut savoir que fabriquer de l'hydrogène de façon classique est très peu écologique,
puisque utilisant le "vaporeformage" de gaz naturel. Cette technique, ancienne, libère de grandes quantités de gaz à effet de serre : la fabrication d'1 kg d'hydrogène en vaporeformage produit… 10 kg de CO
2 ! La solution est donc la fabrication d'hydrogène à partir de l'électrolyse de l'eau dans des usines alimentées au maximum par des énergies renouvelables, une technologie nommée "Power to gaz". Cette technologie permet aussi d'alimenter les réseaux de gaz naturels (l'hydrogène liquide), comme c'est le cas en Allemagne.
L'hydrogène : future énergie universelle ?
Le Japon mise sur 800.000 véhicules à hydrogène d’ici à 2030 et se donne les moyens d'y parvenir : un consortium nommé JHYM (des constructeurs de véhicules et des industries de l'énergie) a décidé de financer plus de 80 stations service à hydrogène d'ici à 2021, aidé de la Banque du développement du Japon et du gouvernement japonais. Mais la pile à combustible à hydrogène n'est pas réservée aux véhicules, elle peut être aussi une source d'électricité et de chauffage des domiciles : près de 100.000 foyers japonais sont équipés de mini-unités de production de ce type. La catastrophe de Fukushima étant passée par là, le gouvernement incite au maximum à la production d'électricité sans énergie nucléaire. Des modèles équivalents devraient arriver en Europe sous peu…
Le groupe français Air Liquide va construire en 2019 une très grosse usine de production d'hydrogène liquide en Californie qui doit permettre d'alimenter 35 000 véhicules à hydrogène, dont des poids lourds. Celle-ci doit fournir pas loin de 30 tonnes d'hydrogène par jour au réseau de stations-service californien, un Etat américain où la "mobilité hydrogène" est en pleine expansion avec une cinquantaine de stations service actives et 3000 Mirai en circulation.
Bus, engins de chantier, poids-lourds, bateaux, avions, production d'électricité domestique, gaz naturel : l'hydrogène se décline sur de nombreux pans et semble être pour certains une réponse appropriée à la transition énergétique tant vantée et encore si peu mis en actes. La France, si elle commence tout juste à développer des transports en commun avec cette énergie ne pourrait-elle pas se distinguer avec cette approche en développant des réseaux de transports collectifs à hydrogène dans les zones rurales ? Ces territoires où les populations — de plus en plus vieillissantes — ont un grand besoin de se déplacer et le font par force souvent avec des moteurs diesel, seraient tout à fait adaptés à cette nouvelle approche énergétique.
L'Allemagne a quant à elle fait son choix et il sera visiblement celui de la pile à combustible : 40 autocars à hydrogène viennent d'être commandés pour les villes de Cologne et Wuppertal, la plus grosse commande d'Europe. Mais chez nos voisins d'Outre-Rhin, la problématique des déplacements automobiles dans les zones rurales ne se pose pas comme en France : l’Allemagne a rouvert 600 km de petites lignes et 300 gare depuis 20 ans, alors que près de 300 km de rail sont actuellement en cours de remise en service. La transition énergétique, pour réussir, ne passe donc pas exclusivement par la technologie des moteurs des véhicules, elle est avant tout une politique des transports et des territoires : l'exemple allemand le démontre parfaitement…