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Enfants autochtones, les oubliés du Canada

Ainsi en a décidé le tribunal des Droits de la personne au Canada : en ne leur offrant pas le même accès aux services sociaux qu'aux autres enfants du pays, le gouvernement fédéral se rend coupable de discrimination raciale envers les enfants autochtones.  Une première judiciaire


C'est la fin d'une longue bataille, qui aura duré 9 ans.

Le Tribunal canadien des droits de la personne a dénoncé mardi 26 janvier cette nouvelle « discrimination » envers les enfants des Premières Nations et ordonné à Ottawa de prendre ses responsabilités.

Pendant toutes ces années, le gouvernement conservateur de Stefen Harper a tenté d'éviter d'avoir à affronter un jugement. Il aura donc fallu attendre le changement politique opéré avec l'élection de Justin Trudeau pour que cette décision tombe enfin.

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Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations.
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Elle fait suite à une plainte déposée en février 2007 par la directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, Cindy Blackstock, appuyée par l'Assemblée des Premières Nations, contre le gouvernement canadien devant la Commission canadienne des droits de la personne.

La plainte alléguait que les services sociaux offerts par le gouvernement fédéral aux enfants des réserves autochtones étaient inférieurs à ceux qui étaient offerts aux autres enfants par les gouvernements provinciaux.

Une question d'argent et de négligence

Un chiffre: Ottawa a dépensé jusqu’à 34 % de moins pour les soins aux enfants autochtones les plus vulnérables, dont des handicapés, comparativement aux enfants du reste du Canada.

Mais selon le Tribunal, il s’agit non seulement d’une question d’argent, mais de négligence pure et simple.  Ottawa a ainsi retiré de leur famille — et même de leur communauté — des milliers d’enfants plutôt que de leur fournir des soins de base comme un fauteuil roulant ou des médicaments, comme cela est le cas pour les enfants du reste du pays.

Selon Statistique Canada, 48 % des 30 000 enfants qui sont en famille d’accueil au Canada sont des autochtones. Mais ceux-ci représentent à peine 4 % de la population canadienne.

"Génocide culturel"


Ce jugement s'ajoute à un dossier qui pèse déjà très lourd dans l'histoire canadienne. Le 2 juin 2015, après 7 années d'audience, la Commission vérité et réconciliation avait conclu que le Canada s’était livré à un « génocide culturel » en forçant des dizaines de milliers d’enfants à aller étudier dans des pensionnats religieux où ils ont subi toutes sortes d’abus.

Pensionnatquebec
Pensionnat indien de Qu'Appelle
©Wikipedia
Le gouvernement et l'Eglise avaient créé ces institutions afin d'évangéliser les populations amérindiennes. Les conditions de vie y étaient très difficiles et plusieurs pensionnaires en conservent encore aujourd'hui des séquelles importantes.

« Un État qui détruit ou s'approprie ce qui permet à un groupe d'exister, ses institutions, son territoire, sa langue et sa culture, sa vie spirituelle ou sa religion et ses familles, commet un génocide culturel. Le Canada a fait tout ça dans sa relation avec les peuples autochtones. . »  Rapport de la Commission de vérité et réconciliation
Les premiers pensionnats furent créés en 1820. Les Autochtones étaient considérés comme des personnes que l’on devait civiliser par l’éducation qu’ils n’avaient jamais eue. Entre la fin du 19e siècle et 1996, plus de 150 000 enfants autochtones ont été arrachés à leur famille et placés dans des pensionnats, pour la plupart sous l'égide de différentes communautés religieuses. Le dernier a fermé ses portes en 1996.

Au sujet des dédommagements :
- Le gouvernement fédéral et les congrégations religieuses ont tenté de trouver un terrain d'entente pour déterminer quelle part de responsabilité incombe à chacun.
- Ne voulant plus attendre, Ottawa a décidé en 2001 unilatéralement de payer 70 % des ententes conclues hors cours.
- Le gouvernement propose donc aux autochtones de réclamer les 30 % restant auprès des églises, sans savoir si elles accepteront.

Source/ Les Jeunes Autochtones du Québec

Une pratique discriminatoire


La décision du Tribunal des droits de la personne rendue publique mardi 26 janvier 2016 sur la discrimination à l'accès aux services sociaux stipule que le gouvernement « doit cesser cette pratique discriminatoire et prendre des mesures afin de corriger et prévenir la situation ».

Ce à quoi se sont engagés le nouveau premier ministre Justin trudeau et son gouvernement. 

Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Perry Bellegarde, a salué la décision du Tribunal des droits de la personne. « Aujourd'hui les enfants gagnent. Aujourd'hui la priorité leur est accordée », s'est-il réjoui.

Bellegarde
Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), Perry Bellegarde.
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« Nous ne pouvons attendre plus longtemps pour éliminer l'écart et je suis impatient de constater de quelle façon le gouvernement fédéral, dans son prochain budget, soutiendra la sécurité, l'équité et l'impartialité vis-à-vis des enfants et des familles des Premières Nations », a-t-il poursuivi . 

Autre réaction, celle du chef du Congrès des peuples autochtones, Dwight Dorey. Selon lui, il s'agit d'une « décision historique », qui aura « des conséquences directes sur la santé et le bien-être de nos enfants et [qui] ouvre la voie pour les générations futures ».