De Rosa Luxemburg au nouveau Berlin, en passant par Franco
Les eaux du Landwehrkanal sont habituellement calmes, en particulier sous le célèbre zoo de Berlin. On y croise des joggueurs, des familles attablées dans un café qui le surplombe, ou des bateaux de touristes. Rarement le promeneur marque l'arrêt sous ce pont qui enjambe cette sorte de bras mort de la Spree. Pourtant c'est exactement là que le corps de Rosa Luxemburg fut jeté, après avoir été martyrisée et fusillée, le 15 janvier 1919.
Le corps de cette figure lumineuse de la Révolution allemande de 1919 fut repêché, rendu à ses compagnons, puis inhumé par une foule silencieuse. Depuis, chaque année au mois de janvier, des admirateurs lui rendent hommage dans le cimetière central de Friedrichsfelde. Sauf que ce n'est peut-être pas Rosa qui repose dans cette tombe.
Un corps de femme vient d’être retrouvé à l’Institut médico-légal de l’hôpital de la Charité, sans tête, ni pieds, ni mains. Mais selon son directeur, il présente des similitudes stupéfiantes avec ce que l’on sait de Rosa : ce cadavre est celui d’une femme entre 40 et 50 ans (elle en avait 47 à sa mort), souffrant d’arthrose, d’une malformation de la hanche, aux jambes de longueurs inégales (toutes caractéristiques connues pour elle). Il reste désormais la preuve par l’ADN. Une petite-nièce s’est fait connaître depuis Israël. Si ce n’est elle, qui donc occupe sa sépulture ?
Pour rejoindre la Spree toute proche, depuis le Lanwehrkanal, il faut traverser l’un des magnifiques parcs arborés, fiertés de Berlin-Ouest, qu’un long travelling de Wim Wenders a balayé dans « Les ailes du désir ». Ces étendues de pelouses boisées sont rarement occupées en semaine, mais investies le dimanche par la communauté turque.
Les promeneurs de la semaine et du dimanche lèvent-ils seulement la tête vers l’imposant bâtiment où l’Espagne a installé son ambassade ? C’est pourtant l’une des rares traces immobilières du IIIème Reich – elle fut bâtie par Franco, qui, comme Mussolini, voulait s’offrir une splendide demeure, dans le plus pur style fasciste, marque d’hommage à son ami Hitler.
Mais que dira-t-on dans cent ans, de ce gratte-ciel-ci, symbole de la capitale allemande réunifiée ? Les rives tranquilles de la Spree, le fleuve sinueux de Berlin, étaient habituellement bordées de quartiers cossus, de jardins ouvriers reconvertis en résidences secondaires pour bobos, de pistes cyclables. Le gouvernement, à peine rapatrié de Bonn les a investies pour ses bureaux et y loger ses fonctionnaires. Voici le ministère de l’Intérieur de la République fédérale, installé dans une flamboyance de verre et d’acier.
Prochaine étape, le 16 octobre 2009, Sur l'anneau de la s-bahn, terminus à l'Ouest et à l'Est
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