Fil d'Ariane
Prévu ce dimanche, le déplacement du Premier ministre français Jean Castex en Algérie a été reporté sans date précise, à la demande d'Alger et à la surprise générale, quelques heures seulement après son annonce déjà tardive.
Les services de Jean Castex ont invoqué le "contexte sanitaire" lié à la Covid-19 qui ne permettait pas, selon eux, d'organiser de façon "satisfaisante" le comité intergouvernemental au cœur de la visite. Alger n'a fait aucun commentaire.
En coulisses, diverses sources ont fait état de l'irritation d'Alger de voir la délégation française réduite à quatre ministres, puis deux, contre une dizaine habituellement pour ce genre d'exercice.
Nombre de points d'interrogation demeurent toutefois sur les vraies raisons de ce report. "Cela fait très longtemps que le format à huit ministres (initialement prévu) avait été exclu", relève-t-on de source gouvernementale française.
Quatre ministres, dont Jean-Yves Le Drian (Affaires étrangères), Bruno Le Maire (Economie), Jean-Michel Blanquer (Education) et Gérald Darmanin (Intérieur), devaient initialement faire le voyage, outre le chef du gouvernement.
"Mais cela fait plusieurs jours qu'il avait été dit que Blanquer, puis Darmanin, ne pouvaient venir car mobilisés sur les sujets sanitaires", ajoute-t-on à Paris.
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Pour nombre d'observateurs, le "réchauffement" des relations mis en avant par Emmanuel Macron et son homologue Abdelmadjid Tebboune, qui s'est traduit par une série de gestes "mémoriels" de l'ancienne puissance coloniale (1830-1962), ne fait pas forcément l'unanimité à Alger.
"Au sein du pouvoir algérien, il y a d'autres tendances qui ne sont pas très enthousiastes, qui disent que la confiance ne règne pas entre Paris et Alger", relève Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherches sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) à Genève dans un entretien accordé à l'Agence France Presse.
Pour Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po Paris, le véritable hommme fort du pays n'est pas le président Tebboune, mal élu en décembre 2019, mais le chef d'état-major Saïd Chengriha et derrière lui "les "décideurs" militaires qui, sous une forme ou une autre, accaparent le pouvoir depuis des décennies".
Or ces généraux, héritiers de l'insurrection qui a conduit à l'indépendance de l'Algérie en 1962, n'approuvent pas la "réconciliation mémorielle" car elle "remettrait en cause la propagande officielle (antifrançaise), fondamentale pour (leur) légitimation", sur fond de relations souvent tumultueuses entre les deux pays, relève le chercheur sur son blog.
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Signe de ce climat qui reste volatil et passionnel, près de 60 ans après la fin de la guerre d'indépendance, le ministre du Travail Hachemi Djaâboub a taxé la France d'"ennemi traditionnel et éternel", au moment même où la visite était annulée.
La France : ennemi traditionnel et éternel
Hachemi Djaâboub, ministre algérien du Travail
Pour un spécialiste de la zone, qui ne s'exprime que sous anonymat, les dirigeants algériens, formés en bon nombre à l'école soviétique, ne connaissent que le "rapport de force".
A travers cette énième poussée de fièvre, ils appliquent une fois de plus "la stratégie de la tension afin de pousser les Français jusqu'à leurs dernières extrémités, les faire céder", notamment sur l'exigence d'excuses pour la colonisation, analyse-t-il pour l'Agence France Presse.
Emmanuel Macron a pourtant multiplié les actes symboliques envers Alger. En juillet 2020, Paris a remis 24 crânes de combattants nationalistes tués au début de la colonisation. Et en mars, le président a reconnu la responsabilité de l'armée française dans la mort du dirigeant nationaliste Ali Boumendjel en 1957.
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Mais le rapport de l'historien Benjamin Stora, sur lequel Emmanuel Macron s'appuie pour sa politique mémorielle, ne préconise ni excuses ni repentance et a été vivement critiqué en Algérie.
Après sa publication, "les Algériens n'ont pas renvoyé l'ascenseur, ils n'ont fait aucun geste", constate-t-on à Paris. Mais pour Hasni Abidi, la véritable raison de la mauvaise humeur des Algériens est peut-être à chercher aussi du côté du Sahara occidental.
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La République en Marche (LREM), le parti d'Emmanuel Macron, a annoncé la création d'un comité de soutien dans l'ancienne colonie espagnole, en majeure partie sous contrôle du Maroc. Une ligne rouge pour Alger qui soutient les indépendandistes sahraouis du Front Polisario.
En outre, un chef militaire du Polisario a été tué mardi 6 avril par un drone marocain, une frappe sans précédent, selon une source sécuritaire indépendantiste, de quoi alimenter le ressentiment algérien alors que Paris soutient le plan d'autonomie marocain au Sahara occidental.
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