Les kiranas, un pilier de la société en danger Elles sont entre 5 et 50 millions, selon les sources. Tenues par des familles, elles font vivre des centaines de millions de personnes. Les kiranas sont ces échoppes traditionnelles qui fleurissent à tous les coins de rue dans les villes indiennes, et où s'empilent du sol au plafond flacons, boîtes de conserves et sachets de toutes sortes. Aujourd'hui, leur existence est menacée. Aux termes du projet de réforme, les grandes enseignes étrangères, comme Wal-Mart, Carrefour ou Tesco, jusqu’alors cantonnées à la vente en gros, pourraient acquérir 51% des sociétés de distribution de détail indiennes. « Pour beaucoup, c’est la mort de la petite boutique du coin de la rue et de tous deux qui n’ont comme seule ressource que de vendre des bouts de chandelles sur les marchés, » explique Vaiju Naravane, correspondante du quotidien indien
The Hindu à Paris.
En effet, cette réforme va accélérer la concentration des marques de grandes villes comme Hyderabad, Bombay ou Dehli, investies par des classes moyennes relativement aisées. "Le fait est que les laissés-pour-compte du développement, eux, risquent de plonger, insiste le chercheur Max-Jean Zins. De plus en plus de produits seront destinés à satisfaire des besoins qui sont les mêmes que les nôtres, en Occident – fraises ou asperges en toute saison - au détriment des produits de base, qui risquent de devenir plus chers. Avec plus de la moitié de la population qui vit sous le seuil de pauvreté, nous sommes peut-être à la veille de problèmes nutritionnels qui n’existaient plus depuis l’indépendance. »
Un gouvernement face à la crise
L’Inde accuse le contrecoup de la crise mondiale. La baisse des investissements et des exportations affecte sa croissance, passée de 10 % à 6 % en cinq ans, avec une forte inflation. Dans ce contexte morose, le gouvernement justifie son pas en avant vers le libéralisme en faisant valoir la création de 8 millions d'emplois, la perspective d'une réduction des prix alimentaires, la baisse de l'inflation (7,5 % en août) et la réduction du nombre des intermédiaires au profit des agriculteurs. Mais tout le monde n’est pas convaincu, et ce ne sont pas seulement les petits commerçants qui manifestent, mais tous ceux qui vivent de la vente au détail, jusqu'à présent aux mains des Indiens. « Face à la crise, les propriétaires des grands magasins, eux aussi, redoutent les méthodes et les critères d’efficacité des grands groupes étrangers, » explique Vaiju Naravane.