Entretien avec Joav Toker, journaliste et universitaire

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Entretien avec Joav Toker, journaliste et universitaire
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“ Ces militants armés de couteaux, de matraques et d’armes à feux, étaient tous dangereux...“

Joav Toker est correspondant à Paris de le revue israélienne Koteret. Il enseigne les relations internationales et la communication à l’université américaine de Paris ainsi qu’à Sciences Po.

“ Ces militants armés de couteaux, de matraques et d’armes à feux, étaient tous dangereux...“
Quelle est votre analyse sur la gestion par le gouvernement israélien de la crise de la flottille internationale ? Il est de plus en plus clair, qu’il s’agit au moins d’une défaillance, ou d’une série d’erreurs commises par Israël. Je pense notamment aux aspects opérationnels de l’action militaire qui a été menée contre ces navires. L’usage de la force et du feu n’était pas approprié dans ce contexte. Les résultats sont tragiques sur le terrain (neufs personnes tuées pendant l’assaut des commandos israéliens). Les conséquences vont probablement être assez graves sur le front diplomatique, politique et stratégique surtout à long terme. J’ai surtout en tête l’avenir de la fameuse alliance israélo-turque qui manifestement aujourd’hui traverse la période la plus pessimiste et la plus difficile de son histoire. Y aurait-il eu une autre manière de dénouer cette crise que par l’assaut militaire en eaux internationales ? Certainement, il y avait des options plus astucieuses, plus malignes et plus intelligentes que cette intervention militaire. Une des options était de laisser les bateaux arriver jusqu’à Gaza, de les laisser accoster et de décharger les cargaisons. Et le gouvernement israélien pouvait ensuite résoudre ce problème de manière douce, sans changer grand-chose concernant les autres procédures qui permettent de gérer indirectement la vie dans la bande de Gaza. C’était une option délibérée parmi tant d’autres.
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Des manifestants brûlent un drapeau israélien à Manille le 2 juin 2010 - AFP
L’opération militaire était-elle disproportionnée face à l’arrivée de ces convois humanitaires ? C’est difficile à dire, parce que les soldats manifestement sont descendus sur le Marmara (ndlr : l’un des navires de la flottille) avec les instructions précises de ne pas user de leurs armes sauf en cas de danger direct qui menacerait leur vie. Et effectivement, les quelques premiers instants de cet assaut indiquent qu’ils ont été surpris par la violence des militants pro-palestiniens à bord du bateau. Ces militants armés de couteaux, de matraques et d’armes à feux, étaient tous dangereux, ce qui explique l’usage des armes à feu par les commandos israéliens. Il y a des images qui soutiennent cette thèse. Y aura-t-il des conséquences pour Israël ? C’est une secousse importante pour Israël, mais je ne suis pas sûr qu’elle se traduise forcément par des changements politiques majeurs, au sein du gouvernement de Benyamin Netanyahu. Je crois cependant que cette opération va secouer la hiérarchie militaire. Il faut plutôt voir les réactions dans la population. L’opinion israélienne a l’impression d’être prise dans un piège qui lui était tendu depuis quelques jours. Un grand sentiment de déception règne au sein de la population. La communauté internationale va–t-elle prendre de réelles sanctions contre Israël ? Je ne crois pas qu’à moyen ou long terme, cette action, avec la grande émotion qu’elle suscite à travers le monde, se soldera par des actes politiques concrets extrêmes. Cette opération dramatique va s’ajouter à une longue liste de contestations et de pressions qui pèsent sur Israël, à un moment où les Israéliens se demandent quelles sont les vraies intentions de l’allié traditionnel, à savoir les États-Unis envers leurs pays.
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Des activistes pro-palestiniens expulsés par Israël dans un bus les menant en Jordanie le 2 juin 2010 - AFP
Le blocus de Gaza est-il justifié ? Le blocus de Gaza est justifié non seulement par Israël, mais par la quasi-totalité de la communauté internationale. Ce n’est pas une initiative israélienne à laquelle adhèrent les grandes chancelleries du monde, c’est plutôt le résultat d’un consensus en Occident et même au-delà. La communauté internationale a considéré que la façon dont le Hamas a obtenu le pouvoir, c'est-à-dire, par la force et la violence était à sanctionner. Tout le débat se reporte sur les populations civiles qui vivent cette situation difficile où elles subissent le contrôle d’un groupe que la communauté internationale critique et ne veut pas légitimer. Il faut également prendre en compte les ruses intermédiaires : celle par exemple des convois humanitaires qui sont détournés pour construire des abris pour les roquettes. Ce sont des conditions de vie tout à fait insupportables. Propos recueillis par Christelle Magnout 2 juin 2010

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