Entretien avec Michel Tabet, cinéaste libanais

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«J’ai voulu dépasser les clichés, pour montrer les pratiques et les réalités culturelles de l'islam chiite»

Michel Tabet est un cinéaste libanais de 33 ans. Né au Liban, il y a grandi. Il est l'auteur de trois documentaires basés sur l'Achoura, une commémoration appartenant à l'islam chiite.

«J’ai voulu dépasser les clichés, pour montrer les pratiques et les réalités culturelles de  l'islam chiite»
Le cinéma peut-il intervenir dans la résolution des conflits ? Cette question est très liée à la thématique du festival. À mon avis, le cinéma n’a pas la capacité d'intervenir dans les conflits. En ce qui me concerne, mes documentaires sont plus des témoins de l’époque dans laquelle nous vivons. Un festival uniquement consacré au cinéma du Proche-Orient, cet événement peut–il avoir un impact dans le processus de paix entamé dans la région ? Je ne pense pas que les cinéastes puissent avoir une influence sur les processus politiques. C’est aux dirigeants d’assumer leurs responsabilités. Cela reste une affaire très politique et non cinématographique. De quoi parlent vos films présentés lors de cette manifestation ? J’ai trois documentaires programmés dans ce festival [Les larmes de Husayn (2006), Quelques Instants avec l'Imam (2007), Majlis féminin (2008) ]. Ils évoquent les rituels chiites dans la région de Nabatiyé au Sud Liban, qui commémorent le martyre de l’imam Hussein. C’est le petit-fils du prophète Mahomet, qui est mort en 680 après Jésus-Christ, à Karbala en Irak.
Entretien avec Michel Tabet, cinéaste libanais
Commémorations de l'Achoura
Vos documentaires montrent la pratique de l’islam chiite avec ses rites très particuliers qu’on lui connaît : frappes, flagellations, pleurs et saignements. Pourquoi ? L’intérêt est double : d’abord parce que je m’intéresse à l’islam, et que ce qui relève de l’énergie collective m’attire beaucoup. Et en deuxième lieu, l’islam fait partie de la réalité du Proche–Orient, et les documentaires produits sur ce thème peuvent aider les différentes communautés à se connaître les unes les autres. Les personnes que j’ai filmées s’expriment sur leurs pratiques culturelles et je pense qu’il était important de les écouter et de savoir ce qu’ils ont à dire et ce qu’ils font. J’ai cherché à dépasser les clichés pour montrer les pratiques et les réalités culturelles de cette branche de l’islam. Vous pensez que d’autres films sur ce thème ne décrivent pas toujours la réalité ? C’est vrai qu’il y a eu plusieurs films sur le Proche-Orient, mais chaque réalisateur apporte son propre regard et sa manière de faire. À mon niveau, j’essaye d’avoir un regard neutre qui permet aux choses de s’exprimer par elles-mêmes. D’autres réalisateurs appliqueraient des commentaires et des critiques, moi je veux donner à voir. Y a-t-il dans vos documentaires un souci de rétablir la dignité de l’islam ? L’islam est une grande religion qui n’a pas besoin de moi pour démontrer sa dignité, je me contente juste de rendre compte d’une réalité rituelle. Dans l’une de vos œuvres, vous mettez en exergue le quotidien d’un imam dans une ville libanaise multiculturelle, et les rapports plutôt harmonieux entre les communautés chrétiennes et musulmanes. C’est une nécessité pour vous de gommer la violence et affrontements intercommunautaires ? Ce qui compte pour moi est de montrer qu’il y a un pluralisme religieux au Liban. Les médias insistent, d’habitude, sur le caractère conflictuel de cette pluralité. Il était important pour moi de montrer qu’il existe aussi des échanges entre les gens et beaucoup de respect entre les personnes. Il était nécessaire de rappeler que le christianisme et l’islam cohabitent, et n’évoluent pas forcément dans un rapport d’affrontement. L’idée était de montrer comment l’imam, cette autorité religieuse respectée, est un recours dans les moments difficiles. Il faut souligner que le documentaire en question se déroule pendant la guerre entre le Hezbollah et l’armée israélienne au Liban, en 2006. Je ne crois pas que les communautés s'opposent dans la région, ce sont des groupes et des idéologies politiques qui s'affrontent
Entretien avec Michel Tabet, cinéaste libanais
Les larmes de Husayn - 2006
Il n’empêche que certaines communautés chrétiennes du Proche-Orient souffrent à cause de leur appartenance religieuse... On dit que la situation des Chrétiens d’Irak et d’Égypte est compliquée, mais je ne connais pas assez la situation pour me prononcer. Tout ce que sais c’est que la présence chrétienne au Liban n’est pas menacée. Les chrétiens font partie intégrante de la société et ils vivent comme ils l’entendent. Y a-t-il une dimension autobiographique dans vos œuvres ? Non… J’avais juste envie d’étudier la diversité religieuse au Liban. J’y ai grandi et la question me tient à cœur. Propos recueillis par Christelle Magnout 10 décembre 2009

“Les larmes de Husayn“

Projeté en présence du réalisateur le samedi 12 décembre 2009 à 20h00, ainsi que “ Quelques instants avec l'imam“ au cinéma Les 3 Luxembourg 67 rue monsieur le prince 75006 Paris

“Les larmes de Husayn“
Ce documentaire de 52 minutes, qui retrace le massacre de l'imam Husayn en 680 après J-C à Kerbalat en Irak. L'œuvre est découpée en plusieurs séquences qui décrivent à chaque fois les étapes douloureuses du martyre du petit-fils du prophète Mohammed.