Fil d'Ariane
“Il faut trouver un compromis entre deux grandes idées : d’un côté le besoin de protéger l’environnement et de réguler les activités humaines, et de l’autre, l’idée qu’il y a une certaine liberté dans la haute mer.” Ce 15 août, les États membres de l’ONU reprennent leurs négociations pour tenter d’aboutir à un traité destiné à protéger la haute mer.
La haute mer, c’est quoi ?
Lancé en septembre 2018, le processus de négociation de ce futur traité de protection a été interrompu pendant deux ans à cause du Covid-19. Le rendez-vous du mois de mars 2022 sur le sujet devait être le dernier. Malgré les progrès, les négociateurs ont manqué de temps. C’est pour cette raison qu’ils se réunissent une nouvelle fois jusqu’au 27 août. Selon les observateurs, il est difficile de prédire si cette séance permettra d’aboutir à un accord définitif.
La science a prouvé l’importance de protéger tout entier les systèmes océaniques. À eux seuls, ils fabriquent la moitié de l’oxygène et limitent le réchauffement climatique en absorbant une partie importante du CO2 émis par les activités humaines. Par quels procédés ? Dans 90% des cas, c’est par un processus physique que le CO2 est absorbé par les océans. Le dioxyde de carbone se dissout dans l’eau à partir du moment où la température de celle-ci est inférieure à 20°C. Il est ensuite emporté par les courants marins et emmené vers les fonds, avant de remonter à la surface au bout d’une centaine d’années.
L’autre procédé est biologique. Les phytoplanctons, des espèces aquatiques végétales microscopiques, vont absorber le CO2 pour dégager de l’oxygène par photosynthèse, comme des arbres. En plus de produire de l’oxygène, cela permet de stocker un quart du dioxyde de carbone lié aux énergies fossiles. Cela se passe par la chaîne alimentaire : le phytoplancton est mangé par le zooplancton, qui lui-même est mangé par des baleines ou des oiseaux. Lorsque ces animaux meurent, ils coulent au fond de l’océan et entraînent avec eux tout le carbone qu’ils ont stocké au cours de leur vie.
Les services rendus par l’océan sont en danger, victimes du CO2, des pollutions en tout genre et de la surpêche. Comme l’air se réchauffe, la température de l’océan monte aussi et le CO2 s’y dissout plus difficilement. Paar ailleurs, High Seas Alliance, un réseau regroupant une quarantaine d’ONG, a lancé une pétition signée par plus de 67 000 personnes pour dénoncer les menaces à la préservation des océans. Elle cite notamment “la pêche illégale et non durable, le trafic maritime, la pollution sonore, l’exploitation minière des fonds marins, la pollution plastique et chimique” mais aussi “l’acidification et le réchauffement des eaux”.
Pour ce dernier point, l’acidification de l’océan freine la capacité d'absorption de CO2. Lorsque le CO2 de l’atmosphère se dissout dans l’océan, il provoque une diminution du Ph de celui-ci, le rendant donc plus acide. Au fil du temps, l’activité humaine a fait augmenter les émissions de CO2. Donc les océans ont dû absorber plus de CO2, ce qui a fait augmenter leur acidité.
“Ce traité est majeur parce qu’il va donner un cadre, une boussole, des principes et des règles à l’ensemble de la communauté internationale pour gérer cet espace commun”, explique Julien Rochette, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Il a pour but de réguler les activités nuisibles, comme l’aquaculture, en haute mer. Pour se faire, les États membres de l’ONU souhaitent utiliser la création d'aires maritimes protégées. Si le traité voit le jour, 30% des océans deviendront des zones protégées.
Le dernier projet de texte sur la table comporte de nombreux crochets et diverses options sur plusieurs piliers du traité, comme les conditions de création de ces fameuses aires marines protégées. James Hanson de Greenpeace souhaite que la future Conférence des parties (COP, organe rassemblant les États signataires) doit avoir “le pouvoir de créer ces aires marines sans en référer à d’autres organismes.” Certaines questions de coopération avec les nombreuses organisations régionales, notamment celles gérant la pêche, doivent être réglées.
Parmi les questions sensibles, il y a aussi la répartition des possibles bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques de la haute mer. En effet, industries pharmaceutiques, chimiques ou cosmétiques espèrent découvrir des molécules miraculeuses. Alors que les recherches en mer, très coûteuses, sont l’apanage des plus riches, les pays en développement ne veulent pas passer à côté de retombées potentielles issues de ressources marines qui n’appartiennent à personne.