Les PFAS ou polluants éternels seraient-ils en voie de banissement ? La France a dévoilé son plan d'actions le 17 janvier et soutient un projet européen de restriction de leur fabrication. L'Agence européenne des substances chimiques (ECHA) a publié le 7 février la proposition de cinq pays européens, dont la France, pour bannir ces polluants d'ici 2026.
L'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a publié ce 7 février la proposition de cinq pays européens pour bannir dans l'Union Européenne les polluants dits
"éternels" PFAS, qu'elle évaluera avant de soumettre une recommandation à Bruxelles et aux Vingt-Sept, pour une mise en oeuvre après 2026.
Ces polluants, perfluorés (PFC) et polyfluoroalkylés (PFAS) se trouvent absolument partout dans notre quotidien. Ces molécules, plus de 4700, soupçonnées d'avoir un impact néfaste sur la santé, doivent leur surnom à leur cycle de vie très long.
Voir : Polluants éternels : la pire catastrophe environnementale ?
Dotées de propriétés anti-adhésives, imperméables et résistantes à la chaleur, ces substances sont présentes dans de nombreux objets de la vie courante : produits en téflon, emballages alimentaires, textiles... Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), ces composés
"provoquent une augmentation du taux de cholestérol, peuvent entraîner des cancers, causer des effets sur la fertilité et le développement du fœtus" et
"sont également suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire".
Le pollueur Arkema
En décembre 2022, les militants d'
Extinction rebellion avaient manifesté à Pierre-Bénite, tout près de Lyon, où se trouve le site du chimiste Arkema. Ils dénoncent une
"pollution de l'environnement". L'usine est située dans ce qui est connu en France comme
"la vallée de la chimie", le long du Rhône autour de la ville de Lyon.
Le 18 janvier, la préfecture du Rhône met en garde contre le taux élevé de PFAS retrouvés dans des œufs prélevés dans des poulaillers de particuliers à Oullins et Pierre-Bénite.
"La présence de ces PFAS dans les œufs s'expliquerait par la contamination des sols : en picorant, les poules se contaminent, et contaminent ensuite leurs oeufs", explique la préfecture qui recommande de ne consommer ni les œufs ni les volailles.
Voir : Santé : pour Guillaume Decocq, malmener l'environnement met notre vie en danger
L'ONG Générations futures a publié le 13 janvier une
étude concluant que la présence des PFAS dans les eaux en France est
"probablement sous-estimée". Elle se félicite du soutien de la France à une restriction européenne mais a par ailleurs accueilli froidement le plan gouvernemental.
Des mesures peu contraignantes
"Les mesures proposées restent très floues et ne contraignent toujours pas les industriels à limiter leurs rejets de PFAS", a regretté François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.
Mais ces mesures ne sont que la continuation d'un plan ambitieux de bannissement total des substances plastiques annoncé le 25 avril 2022 par la Commission européenne.
Le plan appelé
"Feuille de route pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques vers un environnement exempt de substances toxiques" est un engagement pour utiliser tout l'arsenal juridique disponible pour bannir tous les retardateurs de flamme, produits chimiques fréquemment liés au cancer, et tous les bisphénols, largement utilisés dans les plastiques et qui perturbent les hormones humaines.
Bannir tous les produits chimiques d'ici 2050
Le plan interdira également toutes les formes de PVC, le plastique le moins recyclable qui contient de grandes quantités d'additifs toxiques, et limitera tous les
"produits chimiques éternels" - PFAS, ainsi qu'environ 2 000 produits chimiques nocifs trouvés dans les couches pour bébés, les sucettes et les produits de puériculture.
Les auteurs du projet estiment qu'au moins 4,4 millions de tonnes de PFAS s'échapperont dans l'environnement au cours des 30 prochaines années si aucune mesure n'est prise.
Deux semaines pour examiner le plan
"Ce serait l'une des plus grandes interdictions de substances chimiques jamais imposées en Europe (...) Elle réduirait à long terme les quantités de PFAS dans l'environnement et rendrait les produits et processus (de production) plus sûrs pour les humains", ont indiqué le 7 février les cinq pays dans une déclaration commune.
En pratique, la proposition prévoit que les entreprises disposent d'un délai, d'un an et demi à 12 ans maximum, pour délaisser les PFAS, selon les usages et la disponibilité de substances alternatives.
Des exemptions sectorielles sont envisagées.
"Dans de nombreux cas, il n'existe pas encore d'alternative, et dans certains cas, il n'y en aura peut-être jamais", soulignent les cinq pays.
La proposition prend acte des difficultés pour certains secteurs (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments), où les règles
"devront être évaluées plus précisément pour déterminer dans quelle mesure les PFAS peuvent être interdits pour ces applications spécifiques".
L'ECHA entamera sous deux semaines des consultations sur cette proposition qui sera examinée par les commissions scientifiques du régulateur afin d'en évaluer l'impact environnemental mais aussi économique et social.
L'opposition des industriels
Ce plan ne va pas s'appliquer sans peine selon Tatiana Santos de l'ONG European Environmental Bureau (
EEB). Lors de sa sortie en avril dernier, elle estimait que
"l'industrie pétrochimique va s'y opposer férocement ( ...) Les retardateurs de flamme et bisphénols sont largement utilisés, il faut du courage politique pour les interdire. Presque tous les produits manufacturés dans les magasins et nos foyers seront touchés".
Le 26 octobre 2022, la Commission dévoilait son plan
"zéro pollution" pour 2050. Une feuille de route ambitieuse dont l'application réelle par les États est remise en doute par les ONG environnementales. En effet, les propositions, très concrètes, doivent être négociées entre le Parlement européen et les États membres dont certains sont très hostiles à tout durcissement réglementaire.
Une règlementation encore plus stricte
Le plan concerne également les particules fines dans l'air, notamment une surveillance des particules ultrafines.
Il veut également un
"traitement plus efficace et rentable des eaux urbaines résiduraires". Bruxelles veut ajouter aux listes de polluants de l'eau à
"contrôler plus strictement", via des seuils contraignants, 25 substances
"problématiques" pour la nature et la santé humaine.
Parmi ces dernières, on trouve le bisphénol A, les PFAS et plusieurs pesticides, dont le glyphosate, mais aussi certains antiobiotiques.
Lire : Le glyphosate en questions : s’y retrouver dans la controverseLa Commission réussira-t-elle a faire passer ce plan ambiteux ? Le processus sera long. L'ECHA entamera sous deux semaines des consultations sur cette proposition qui sera examinée par les commissions scientifiques du régulateur afin d'en évaluer l'impact environnemental mais aussi économique et social.
L'agence soumettra ensuite une recommandation à la Commission européenne qui élaborera une réglementation soumise in fine à l'approbation des 27 Etats membres de l'UE. Ces derniers pourraient se prononcer courant 2025 pour une éventuelle mise en oeuvre après 2026.