Les Équatoriens se rendent ce dimanche aux urnes pour élire leur président. Après sept ans au pouvoir, et malgré un nombre important d’indécis, Rafael Correa part favori, fort d’un bilan économique satisfaisant. Mais tout n’est pas rose dans le pays de l’éternel printemps.
Le président équatorien Rafel Correa se présente pour la troisième fois à l'élection présidentielle
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Proche d’Hugo Chavez et d’Evo Morales, Rafael Correa a mis en place des mesures très proches du socialisme du siècle XXI prôné par son homologue vénézuélien : renégociation des contrats pétroliers et de la dette extérieure, exploitation des ressources minérales et impulsion de programmes sociaux. Résultat ? Une croissance record pendant les mandats du président. En 2012, le Produit intérieur brut du pays a connu une hausse de 4,8%. Et si les prévisions sont moins brillantes pour 2013 (+3%), reste que beaucoup de pays européens rêvent d’une pareille croissance.
Retour au bercail...
Extraction de pétrole à Lago Agrio dans le nord-est du pays.
Ce contexte économique favorable a contribué à inverser - en partie - le flux migratoire : au lieu de rester à l’étranger, de nombreux émigrants sont revenus. En 2008, alors que la crise des subprimes vient de frapper et que l’économie espagnole est déjà en berne (la bulle immobilière y a éclaté deux ans auparavant), Rafael Correa signe avec l’Espagne un accord pour inciter ses ressortissants à rentrer, et ainsi contribuer à l’essor du pays. Surtout que les Équatoriens sont les premiers à être touchés par le chômage. Au départ, les primes de retour volontaire versées par l’Etat ibérique et les aides proposées par l’Equateur ne sont pas assez alléchantes. Les Équatoriens - une des plus importantes communautés d’étrangers en Espagne – tenteront leur chance dans d’autres pays européens plutôt que de rentrer. Les pouvoirs publics équatoriens avoueront à demi-mot l’échec. Mais quatre ans plus tard, les efforts du gouvernement sud-américain semblent payer. Une enquête parue en 2012, montre qu’environ 70% des 400 000 Équatoriens en Espagne expriment le souhait de rentrer. Les difficultés économiques y sont bien sûr pour quelque chose.
“J’ai tout de suite trouvé du travail”
Sebastian Suarez, 26 ans, a fait en France une maîtrise de développement des énergies renouvelables. Mais la circulaire Guéant l’a empêché d’avoir une première expérience professionnelle dans l’Hexagone et a accéléré ses projets de retourner en 2011 à Quito, la capitale équatorienne. "J’ai eu beaucoup de chance, raconte-t-il, les énergies renouvelables sont en train de prendre leur envol en Équateur et je travaille justement pour Deloitte (un des plus grands cabinets d’audit au monde NDLR) dans le secteur du développement durable. Je fais partie des pionniers du secteur dans mon pays. Je suis très content de pouvoir vivre du métier pour lequel j’ai fait des études." Et d’ajouter : "Il est vrai que le progrès économique de l'Equateur à des impacts positifs sur mon travail qui commence à se faire une petite place dans le monde de l’entreprise ici. Je n’ai pas eu du mal à trouver du travail, je ne ressens pas la crise qui frappe les Etats-Unis ou l’Europe."
Contrer la fuite des cerveaux
La ministre équatorienne de l’Industrie a dit vouloir attirer ceux qui seraient intéressés par des programmes agricoles et de création de PME, et surtout les profils les plus qualifiés, notamment ingénieurs et scientifiques, dans le but de développer la recherche. Au-delà de ces programmes, les jeunes plus favorisés ayant fait leurs études à l’étranger commencent à emprunter le même chemin que leurs compatriotes résidant en Espagne : les Bac+5 y ont toutes leurs chances. La morosité dans les pays où ils ont étudié et les lois migratoires prohibitives ne sont que deux raisons de plus de plier bagages.
Un taux de chômage élevé
Les chiffres du chômage viennent pourtant contredire Sebastian : 5% de la population est sans emploi et 40% des Équatoriens sont sous-employés, selon les chiffres officiels. "Le pays a connu un énorme développement depuis que Correa est au pouvoir. Même si beaucoup reste à faire", dit Valeria Arguello qui a décroché , en 2009, une maîtrise en Sciences politiques et relations internationales à l’IEP de Toulouse. Une fois revenue en Équateur, elle n’a pas eu à chercher longtemps un emploi. Le ministère des Affaires étrangères l’attendait les bras ouverts. L’objectif de Valeria : développer les relations de l’Equateur avec les autres pays. Depuis que les gouvernements de gauche sont au pouvoir en Amérique du Sud, les accords et les échanges entre ces pays se sont multipliés de façon exponentielle. La jeune femme de 27 ans dresse, pourtant, un bilan mitigé des politiques d’éducation et santé du président Correa bien que les pouvoirs publics aient beaucoup investi dans ces secteurs. Nadia Vazquez est beaucoup plus sévère. Elle estime que les autorités font tout pour entraver le développement des entreprises privées : “Le gouvernement finance énormément de programmes et comme il a besoin de fonds, les taxes sont très élevées. Ce qui n’encourage pas la création d’entreprises qui préfèrent s’installer au Pérou." Nadia sait de quoi elle parle. La jeune femme de 26 ans a fait des études de Responsabilité sociale d’entreprise. Celle-ci aimerait créer dans son pays un cabinet de conseil pour aider les sociétés à améliorer les relations sociales avec leurs employés. Mais elle sait que loin du secteur public, point de salut. Elle craint que cette situation ne joue contre le boom économique dont se vante Rafael Correa. Mais malgré tout le mal qu’elle pense du gouvernement actuel “qui n’attire pas les cerveaux avec ses discours anticapitalistes”, la jeune femme souhaite rester en Équateur .“Je veux apporter ma pierre à l’édifice”, affirme-t-elle. L’analyse de Nadia Vazquez est partagée par de nombreux experts pour qui la bonne santé économique équatorienne ne tient qu’aux prix élevés du pétrole. Si Correa veut tenir la promesse d'octroyer 40 milliards d’euros aux dépenses sociales d’ici 2017, il ne pourra pas compter que sur le prix du brut, estiment-t-ils. L’Équateur est le plus petit membre de l’OPEP(500 000 barils par jour en 2011). A titre comparatif, le Brésil produit 301 millions barils par jour. Trouver l’équilibre entre le public et le privé tout en gardant la popularité dont il jouit auprès des plus défavorisés. Voilà le principal défi de Rafael Correa s’il est réélu pour un nouveau mandat de quatre ans.