Erdogan réélu président en Turquie : les réactions internationales

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été réélu dimanche 28 mai lors d'un second tour inédit de l'élection présidentielle. De Vladimir Poutine à Joe Biden en passant par Volodymyr Zelensky ou Emmanuel Macron, plusieurs chefs d'Etat lui ont adressé leurs félicitations. 

Image
Des partisans du président Recep Tayyip Erdogan devant les bureaux du parti AKP à Istanbul, dimanche 28 mai. AP/ Khalil Hamra.

Des partisans du président Recep Tayyip Erdogan devant les bureaux du parti AKP à Istanbul, dimanche 28 mai. AP/ Khalil Hamra.

Partager4 minutes de lecture

Juché sur un bus devant son domicile d'Istanbul, sur la rive asiatique du Bosphore, le chef de l'État turc, 69 ans dont vingt au pouvoir, a pris la parole devant une mer de drapeaux rouges brandis par une foule enthousiaste. 

"Notre nation nous a confié la responsabilité de gouverner le pays pour les cinq prochaines années", a lancé Recep Tayyip Erdogan, au terme d'une élection qui l'a contraint pour la première fois à un second tour.
 

"Nous tiendrons toutes nos promesses faites au peuple", a ajouté le président, affirmant que "chaque élection est une renaissance". "Cette élection a montré que personne ne peut attaquer les acquis de cette nation". 

Erdogan sur un bus face à ses supporters. AP/ Francisco Seco.

AP/ Francisco Seco. 

 

Les soutiens d'Erdogan célèbrent sa victoire

Des rassemblements spontanés se sont formés partout dans les villes où le "Reis" a triomphé, en particulier au coeur de l'Anatolie.

"C'est la bonne personne; j'attends d'Erdogan qu'il continue d'apporter de bonnes choses au pays et d'abord qu'il redresse l'économie", espérait Nisa Sivaslioglu, 17 ans, en se précipitant vers le gigantesque palais présidentiel à Ankara où le nouveau vainqueur était attendu dans la nuit.

De son côté, l'opposant défait Kemal Kiliçdaroglu , a exprimé sa "tristesse" pour l'avenir de la Turquie.

"Je suis profondément triste face aux difficultés qui attendent le pays", a déclaré le candidat malheureux et chef du principal parti de l'opposition turque, depuis le siège de son parti à Ankara, 

Certains dirigeants étrangers ont félicité Erdogan avant même l'annonce officielle des résultats, comme le Premier ministre hongrois d'extrême-droite Viktor Orban, ou l'émir du Qatar Tamim bin Hamad al-Thani. 
Tweet URL
 

Campagne difficile pour l'opposition

Ni le désir de changement et d'ouverture d'une partie de l'électorat, ni l'inflation sévère qui mine la Turquie, ni les restrictions aux libertés et l'hyperprésidentialisation d'un pouvoir qui a envoyé des dizaines de milliers d'opposants derrière les barreaux ou en exil, n'ont donc pesé face au désir de sécurité et de stabilité qui s'était déjà exprimé au premier tour du scrutin.
 
Pas même les conséquences du terrible du séisme de février (au moins 50 000 morts et 3 millions de déplacés) dans onze provinces du sud du pays, qui ont largement reconduit le chef de l’État.
 
 
TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...
 

Le parti du président Erdogan, l'islamo-conservateur AKP, sur lequel il a bâti son accession au pouvoir suprême, a perdu des sièges au Parlement. Il conserve toutefois sa majorité avec ses alliés.

L'opposant Kemal Kiliçdaroglu encaisse quant à lui une défaite de plus, malgré une campagne qui prenait le contrepied de celle du président en promettant le "retour du printemps" face aux invectives.

Considéré par beaucoup, y compris au sein de l'opposition, comme un candidat terne et sans charisme, Kemal Kiliçadaroglu emmenait une coalition de six partis. Il avait fini par imposer sa marque de "demokrat dede", un "papy démocrate", avant un virage nationaliste entre les deux tours.

Mais il n'a pas su imposer l'économie ni la crise dans le débat électoral. 

Visage fatigué, se déplaçant avec lenteur, Recep Tayyip Erdogan, avait voté à la mi-journée dans son quartier d'Usküdar à Istanbul. Une foule enjouée l'y attendait, à laquelle les gardes du corps ont distribué des jouets tandis que le président glissait quelques billets de banque.

Tweet URL


Presque simultanément, tout sourire malgré les pronostics défavorables, Kemal Kiliçdaroglu déposait son bulletin à Ankara. Il avait incité ses concitoyens à voter "pour se débarrasser d'un gouvernement autoritaire".

Le camp Erdogan n'a eu de cesse de qualifier l'opposition emmenée par Kiliçdaroglu de "terroriste" en raison du soutien que lui ont apporté les responsables du parti pro-kurde HDP.

 

Polarisation du vote

Les personnes interrogées par l'AFP dans les files d'attente des bureaux de vote ont témoigné de la polarisation du pays après ces semaines de campagne.

À Ankara, Mehmet Emin Ayaz, chef d'entreprise de 64 ans, estimait "important de conserver ce qui a été acquis au cours des vingt dernières années en Turquie" sous l'ère Erdogan.

À l'opposé, Aysen Gunday, retraitée de 61 ans, voulait faire de ce scrutin "un référendum" contre le président et a choisi Kemal Kiliçdaroglu.

Faute d'accès aux grands médias et surtout aux chaînes de télévision officielles, Kemal Kiliçdaroglu a bataillé sur Twitter quand ses partisans tentaient de remobiliser les électeurs par du porte-à-porte dans les grandes villes.

TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...
 

Face à cet homme discret d'obédience alévie, une branche de l'islam jugée hérétique par les sunnites rigoristes, Recep Tayyip Erdogan a multiplié les meetings. Il s'est appuyé sur les transformations apportées au pays depuis son accession au pouvoir comme Premier ministre en 2003.

Sa réélection intervient dix ans jour pour jour après le début des grandes manifestations de "Gezi" qui s'étaient répandues dans tout le pays et avaient été sévèrement réprimées.

Réactions internationales

Plusieurs chefs d'Etat ont adressé leurs félicitations à Recep Tayyip Erdogan pour sa victoire dimanche à la présidentielle turque et son nouveau mandat de cinq ans à la tête du pays.

  • Un "résultat logique" pour Poutine 

Le président russe, qui a récemment collaboré étroitement avec son homologue turc, a estimé que la victoire de Recep Tayyip Erdogan était "le résultat logique de (son) travail dévoué" à la tête du pays et une "preuve évidente" du soutien de la population à sa politique.

Vladimir Poutine a notamment évoqué les "efforts" déployés, selon lui, par Erdogan "pour renforcer la souveraineté de l'Etat et mener une politique étrangère indépendante".

Membre de l'Otan, la Turquie possède une influence dans des zones stratégiques cruciales pour Moscou, telles que la Syrie, et a joué un rôle de médiateur dans le conflit ukrainien.

  • Joe Biden : "alliés au sein de l'Otan" 

J'ai hâte de continuer à travailler ensemble en tant qu'alliés au sein de l'Otan sur des questions bilatérales et des défis mondiaux. 

Joe Biden, président américain

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a lui aussi exprimé sa "hâte de continuer à travailler avec le gouvernement choisi par le peuple turc".

  • Londres : "faire face aux menaces ensemble au sein de l'Otan" 

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a exprimé "sa hâte de poursuivre l'étroite collaboration" entre le Royaume-Uni et la Turquie.

Tweet URL

"Félicitations à @RTErdogan", a tweeté Rishi Sunak : "J'ai hâte de poursuivre l'étroite collaboration entre nos pays, qu'il s'agisse de développer le commerce ou de faire face aux menaces en matière de sécurité en tant qu'alliés au sein de l'Otan".

  • "D'immenses défis" à venir, estime Emmanuel Macron 

Emmanuel Macron a été un des premiers dirigeants européens à adresser publiquement ses félicitations à l'homme fort de Turquie, en estimant que leurs deux pays avaient "d'immenses défis à relever ensemble".

Parmi ces "défis", le président français a cité, sur Twitter, le "retour de la paix en Europe, l'avenir de notre Alliance euro-atlantique, la mer Méditerranée". "Avec le président Erdogan, que je félicite, nous continuerons à avancer", a-t-il certifié.

  • Volodymyr Zelensky espère "renforcer" les liens avec Ankara 

En adressant ses félicitations, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit espérer un "renforcement" des liens entre Kiev et Ankara, notamment pour assurer "la sécurité" en Europe.

"Nous espérons un renforcement supplémentaire du partenariat stratégique pour le bien de nos deux pays ainsi que le renforcement de notre coopération pour la sécurité et la stabilité de l'Europe", a-t-il déclaré sur Twitter.

La Turquie avait joué un rôle crucial dans le renouvellement de l'accord aux termes duquel Moscou avait accepté de laisser Kiev exporter ses céréales pendant une période limitée.

  • Olaf Scholz espère un "nouvel élan" 

Le chancelier allemand Olaf Scholz a dit espérer que la réélection de Recep Tayyip Erdogan donnera "un nouvel élan" aux relations entre les deux pays pour "faire avancer leur agenda commun".

Sur Twitter, le dirigeant a qualifié les deux pays "de partenaires étroits et d'alliés" et rappelé que "leurs populations et leurs économies étaient profondément entremêlées".

Tweet URL
  • L'ONU veut renforcer sa coopération 

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a félicité Erdogan et "se réjouit à l'idée de renforcer encore la coopération entre la Türkiye et les Nations unies", a déclaré son porte-parole Stéphane Dujarric, en employant l'orthographe du nom officiel de la Turquie.

  • La Suède invoque la "sécurité commune" 

Le Premier ministre suédois Ulf Kristersson a salué cette réélection : "notre sécurité commune est une priorité pour l'avenir ". La Suède, candidate à une entrée dans l'Otan, est toujours confrontée au veto de la Turquie, qui accuse le pays d'être un refuge pour les "terroristes", en particulier les membres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

  • UE: "développer les relations" avec la Turquie 

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel se sont "réjouis" dans des messages sur Twitter de "poursuivre le développement des relations entre l'UE et la Turquie".

Tweet URL

La Turquie est officiellement candidate à l'UE mais les négociations d'adhésion entamées en 2005 sont au point mort depuis plusieurs années.
L'UE entretient des relations difficiles avec Ankara, qui reste un partenaire incontournable, notamment en matière de migration.

  • "Sincères félicitations" de MBS 

Le prince héritier d'Arabie Saoudite Mohammed ben Salmane a envoyé ses "sincères félicitations et meilleurs voeux de succès" à Recep Tayyip Erdogan, dans un communiqué de l'agence de presse SPA.

Les relations entre Ryad et Ankara ont été gelées pendant plus de trois ans après l'assassinat fin 2018 à Istanbul du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. A l'époque, le président Erdogan avait accusé les plus hauts niveaux du gouvernement saoudien d'avoir commandité l'assassinat. La clôture l'an dernier par la justice turque du procès de l'assassinat a ouvert la voie au rapprochement entre les deux puissances régionales.

  • Pékin félicite Erdogan pour sa réélection

La Chine a félicité Recep Tayyip Erdogan pour sa victoire dimanche à la présidentielle turque et son nouveau mandat de cinq ans à la tête du pays.
"La Chine adresse ses félicitations au président Erdogan pour sa réélection", a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Mao Ning.