Une quarantaine de porte-paroles se relayent sur la place de la Puerta del Sol depuis le le 15 mai 2011, début du mouvement " des indignés ". Juan, 30 ans, au chômage depuis 6 mois est l'un d'eux. Interview.
« Il n'y a pas de leader, notre leader c'est l'assemblée générale »
Comment s'est créé ce mouvement des indignés ?
J'avoue que c'est très bizarre de dire ça, mais le mouvement s'est créé de façon spontanée. Il y a eu cette manifestation le 15 mai à la Puerta del sol et l'intention c'était d'avoir une influence sur les élections, de faire connaître le ras-le-bol envers les deux grands partis qui se partagent le pouvoir en Espagne. Il y a 30 jeunes qui sont restés sur place à la suite de cette manifestation. Ils ont commencé à s'organiser, et puis d'autres sont venus en disant, " on reste aussi " il y a eu alors
300 personnes en permanence. La police est venue, mais les gens se sont défendus, sont restés, puis les réseaux sociaux, le web 2.0 dans son ensemble a commencé à faire circuler l'information. Il y a eu alors plus de mille personnes qui se sont retrouvées sur la place de la Puerta del Sol.
Ce mouvement est apolitique ?
Non, nous sommes très politiques, mais nous ne sommes pas partisans des partis politiques et nous ne sommes pas membres des associations qui ont lancé le mouvement du 15 mai. Nous sommes un mouvement citoyen spontané.
Mais les politiques peuvent-ils répondre à vos demandes de démocratie réelle et participative ?
Oui, oui, bien sur ils peuvent tout à fait changer la loi pour que l'on ait une démocratie beaucoup plus participative, une société plus juste. Mais il n'y a pas besoin de changer la constitution pour ça. Ce qu'il faut, déjà, c'est respecter la constitution, pour que les droits de tous les espagnols soient pris en compte: il y a le droit à dignité, à la démocratie, à avoir un endroit digne pour vivre, et ces droits ne sont pas respectés aujourd'hui, loin de là ! L'une des revendications les plus fortes que nous avons est de changer la loi électorale, parce que celle qui est en place vole la démocratie au peuple. Il faut une part de proportionnelle pour que les partis moins importants [que les deux principaux], soient représentés au parlement, qu'il y ait des listes ouvertes (avoir la possibilité de voter pour qui l'on veut sur la liste, pas seulement pour la tête de liste, NDLR), que les parlementaires ne soient plus aux ordres, dans une discipline de vote qui les force à voter comme leur parti le demande.
Est-ce qu'on peut parler de révolution ?
Ah oui, tout à fait, c'est une révolution. Une révolution pacifique, mais une révolution, parce qu'on demande un changement maintenant. C'est la première fois que les gens font ça : jusque là ils étaient chez eux, ils attendaient. On est très très bien organisés, il y a les réseaux sociaux, on est soutenus par de nombreux citoyens : il n'y a pas de leader, notre leader c'est l'assemblée générale. C'est incroyable ce qu'il se passe ici avec ces assemblée générales quotidiennes, il faut être présent sur place pour comprendre que c'est quelque chose de très important, d'unique. Il y a des gens de toutes conditions qui participent et les forces de l'ordre ne nous délogent pas pour l'instant : il y a même un syndicat de police qui a publié un tract indiquant qu'il soutenait le mouvement !
La crise économique est un facteur déclenchant du mouvement de contestation mais si vos demandes étaient satisfaites, cela changerait-il quelque chose à la situation : chômage, précarité, rigueur économique ?
La chose la plus importante, c'est qu'on soit tous ensemble. Ce qui est indispensable c'est que les citoyens soient impliqués dans les décisions pour sortir de la crise. Si on a une démocratie qui fonctionne mieux, qui écoute le peuple, ça change complètement la donne. Il faut que les pratiques politiques actuelles cessent : aujourd'hui si des parlementaires ne votent pas comme leur parti l'indique, ils sont sanctionnés !
La droite vient de remporter massivement les élections régionales et cantonales le 22 mai, le mouvement " los indignados " est accusé par des responsables politiques de gauche d'en être responsable...
Si la gauche avait fait correctement son travail, tout le monde serait allé voter. Les partis politiques ne prennent pas leurs responsabilités. Les gens étaient mécontents depuis longtemps de la politique de Zapaterro. Nous aimerions voir ces politiques admettre qu'ils se sont trompés, n'ont pas agi dans le bons sens, au lieu de toujours reporter la faute ailleurs. Personnellement, les politiques capables de reconnaître leur erreurs auraient mon vote à vie !
Le mouvement peut-il s'exporter à l'étranger à votre avis ?
Ah oui, ça a déjà commencé en Italie et puis il y avait beaucoup d'Allemands présents sur la place il y a quelques jours. Ils se demandaient ce qu'ils allaient faire, disant " on est en train de s'endormir". En France aussi avec la situation actuelle que vous avez, c'est possible que quelque chose de similaire se passe. On a une commission internationale, et par Internet on est complètement débordés avec beaucoup de demandes de personnes à l'étranger qui veulent savoir comment on est organisés pour s'en inspirer et faire la même chose, parce que ça fonctionne très bien.
On vous sent plein d'espoir de parvenir à déboucher sur quelque chose...
La société espagnole a complètement changé et ça n'était jamais arrivé, nous n'étions jamais sortis dans la rue, et on recommencera. On a rapproché les gens les uns des autres, le changement est déjà là. Tout ce qui pourra survenir ensuite en mieux dans le futur, ce sera un extra.
Les indignés : notre dossier
Le manifeste
Le manifeste des “ indignés de la place de la Puerta del Sol “
Qui sommes-nous?
Nous sommes des personnes venues de manière libre et volontairement, et qui avons décidé après la manifestation de continuer à nous réunir pour revendiquer la dignité et la conscience politique et sociale.
Nous ne représentons aucun parti ni association.
Ce qui nous unit, c’est une vocation de changement.
Nous sommes ici par dignité et solidarité avec ceux qui ne peuvent pas être présents.
Pourquoi sommes-nous ici?
Nous sommes ici car nous voulons une société nouvelle qui donne la priorité à la vie au-delà des intérêts économiques et politiques.
Nous plaidons pour un changement de la société et de la conscience sociale.
Démontrer que la société ne s’est pas endormie et que nous continuerons à lutter de manière pacifique pour ce que nous méritons.
Nous soutenons nos compagnons arrêtés après la manifestation et nous demandons leur mise en liberté sans charge.
Nous voulons tout, nous le voulons maintenant, si tu es d’accord avec nous: REJOINS-NOUS!
“C’est mieux prendre des risques et perdre que perdre sans avoir rien risqué”