Espagne : l'infante comparaîtra devant les juges

L'infante Cristina d'Espagne est renvoyée devant un tribunal pour des délits fiscaux dans une affaire de fraude et de trafic d'influence impliquant son époux et quinze autres accusés. Une première pour la famille royale, alors que le roi Felipe VI, son frère, tente de reconquérir les Espagnols.
Image
Espagne : l'infante comparaîtra devant les juges
L'infante Cristina d'Espagne, soeur du roi Felipe VI, arrive le 8 février 2014 au tribunal de Palma de Majorqueafp.com - Jaime Reina
Partager4 minutes de lecture

Tâche

Cela se complique pour la famille royale d'Espagne. La sœur de Felipe VI, Cristina de Bourbon, une grande femme blonde et sportive de 49 ans, comparaîtra au côté de son mari Iñaki Urdangarin, quatre ans après l'ouverture de l'enquête qui a secoué la monarchie, portant sur des malversations d'une société à but non lucratif, Noos, présidée par celui-ci. Le juge « a ordonné l'ouverture d'un procès oral dans l'affaire Palma Arena. Dans son ordonnance, il renvoie dix-sept personnes parmi lesquelles l'infante Cristina », a annoncé dans un communiqué le Tribunal supérieur de justice de l'archipel des Baléares, jusque-là plutôt coutumier des paparazzis couvrant les vacances royales au palais de Marivent..  Le magistrat en charge de l'affaire, Jose Castro, considère que Cristina, deuxième enfant du couple royal Juan Carlos et Sophie d'Espagne, a notamment collaboré avec son mari pour deux délits d'ordre fiscal. Il avait longuement exposé, dans l'une de ses ordonnances, les raisons pour lesquelles il considérait qu'elle devait être poursuivie, évoquant non sans humour les avantages pécuniaires tirés des affaires d'Aizoon, par exemple « un cours de salsa et de merengue au domicile de la famille, dont les liens avec les activités d'Aizoon, semblent difficiles à établir ». Ex-champion olympique de handball épousé par l'infante en 1997, Iñaki Urdangarin, 46 ans, est pour sa part inculpé depuis le 29 décembre 2011 de malversation, fraude fiscale, trafic d'influence, escroquerie et blanchiment. Il est soupçonné d'avoir utilisé sa position au sein de la famille royale pour décrocher des contrats aux îles Baléares et à Valence. Les montants incriminés pourraient atteindre 6,1 millions d'euros et le procureur a déjà requis contre lui 19 ans et six mois de réclusion.  Concernant l'infante, le parquet avait demandé un non-lieu mais l'organisation « Manos Limpias » (mains propres), qui s'est portée partie civile et a le droit de mener une "action populaire", a estimé qu'elle devait comparaître, une requête que le juge a entendue. - Manos limpias -   « S'il n'y avait pas eu d'action populaire, l'infante ne comparaîtrait pas », s'est félicité Miguel Bernad, secrétaire général de Manos Limpias, organisation créée en 1992, partie civile dans de nombreuses affaires de corruption en Espagne, saluant ce moment « d'histoire ». « Nous sommes tous égaux devant la loi », a-t-il dit à l'AFP. Jamais jusque-là aucun membre de la famille royale n'avait eu à comparaître devant la justice. Cristina, mère de quatre enfants, est sixième dans l'ordre de succession de la monarchie. Le magistrat a ordonné le dépôt d'importantes cautions : 14,9 millions d'euros pour Urdangarin et 2,9 pour Cristina de Bourbon et Grèce. Le dossier Noos était ouvert depuis le 22 juillet 2010. C'est en enquêtant sur le financement du vélodrome de Palma de Majorque que le juge est tombé sur des contrats suspects passés par Noos avec les régions des Baléares et Valence, pour l'organisation de congrès liés au sport. L'affaire a ensuite pesé comme une épée de Damoclès sur la famille royale, avec la mise en examen d'Iñaki Urdangarin puis en avril 2013 de Cristina, même si elle a toujours affirmé ignorer tout de ses activités et le croire aveuglément, « par amour ». Entretemps étaient publiés des clichés du roi chassant les éléphants au Botswana, en 2012 ou encore des mails entre Juan Carlos et son gendre, montrant qu'il soutenait ses activités d'homme d'affaires. Des scandales ayant porté un coup à la monarchie, alors que les Espagnols s'enfonçaient dans la crise. Felipe VI, intronisé le 19 juin et dont le discours de Noël, le 24 décembre au soir est très attendu, s'est engagé à promouvoir une monarchie « honnête » et « transparente ». Depuis son intronisation, à laquelle elle n'était pas invitée, Cristina n'est plus officiellement membre de la famille royale.  Pour première réaction, cette dernière a simplement indiqué lundi qu'elle respectait les décisions de la justice. Son avocat Miquel Roca a pour sa part annoncé à la presse qu'il tenterait début janvier un ultime recours contre cette décision, en principe impossible au stade du renvoi. « Aussi surprise que nous », a t-il ajouté, Cristina se sent « évidemment mal ».