Le vent tourne et la parole se libère
"Même si un éclatement de la zone euro n'est pas notre scénario de base, nous élevons notre estimation de 25% à 35%, et réduisons la durée de ce passage de cinq ans à 12-18 mois." :
voici ce que renvoyaient les analystes de Morgan Stanley, l'une de plus grandes banques d'investissement au monde, au printemps dernier.
David Cameron, son ministre des Finances, George Osborne et le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mervyn King, se sont réunis en urgence le 28 mai dernier. Personne n'a vraiment su ce qu'il en était ressorti, mais le premier ministre britannique avait fait la déclaration suivante, des plus inquiétantes, deux semaines auparavant : "la zone Euro est à la croisée des chemins. Elle doit se ressaisir ou elle fait face à un possible éclatement".
En France, le 30 mai 2012, le PDG du groupe AXA affirmait qu'"une sortie ordonnée de la zone euro par la Grèce, dans la concertation, aurait probablement un impact moindre qu'une sortie désordonnée avec des effets de contagion sur les autres pays et à la fin une rupture totale de la zone euro".
Georges Soros, le milliardaire, quant à lui, confiait à la presse en juin dernier : "à mon avis les autorités disposent d'une fenêtre de trois mois pendant laquelle elles peuvent encore corriger leurs erreurs et inverser les tendances actuelles".
Mais qu'ont-ils tous à envisager un éclatement de la zone euro ?
Les scénarios catastrophe de sortie...sans la sortie
"Prenons l'exemple d'un possible éclatement de la zone euro, caractérisée par de fortes divergences mais aussi pas un degré très élevé d'interdépendance. Les conséquences en seraient d'abord catastrophiques à court terme pour les Etats les plus fragiles qui seraient contraints à la faillite et devraient sortir de la zone euro. La sortie de celle-ci entraînerait inévitablement une dépréciation massive de leur monnaie nationale retrouvée : ceci leur permettrait sans doute de redynamiser leurs exportations, mais il faudrait de nombreuses années avant de retrouver le même niveau de richesse. Par ailleurs, la faillite imposerait des ajustements sociaux extrêmement douloureux dans la mesure où ces Etats devraient revenir à l'équilibre budgétaire brutalement, n'ayant plus accès aux financements des marchés ou de leurs partenaires européens. Le coût politique de ce qui serait perçu comme un abandon serait immense. Par ailleurs, pour les Etats moins fragiles, y compris ceux hors de la zone euro, il est illusoire de penser qu'ils ne seraient pas touchés s'ils laissaient à leur sort les Etats en faillite. L'ensemble du système bancaire serait affaibli avec le risque d'une nouvelle crise bancaire, et leurs exportations vers les pays en faillite reculeraient sensiblement."
Le problème actuel est que le scénario décrit par ces deux analystes, il y a 8 mois est celui qui s'est déroulé depuis, sans avoir "besoin" de sortir de l'euro : la nouvelle crise bancaire a eu lieu, avec les deux plans de sauvetage des banques espagnoles, l'ensemble du système bancaire est affaibli, les "ajustements sociaux douloureux" ont bien eu lieu pour revenir à l'équilibre budgétaire "brutalement" (Grèce, Espagne, Italie, Portugal, Irlande), l'accès au financement des marchés est très difficile : les taux d'emprunts des trois premiers pays cités ont explosé.
Les effets négatifs d'une sortie de la zone euro sont donc presque tous présents aujourd'hui...sans sortie de la monnaie unique. Mais les effets positifs, comme la relance à l'exportation n'ont pas lieu d'être puisqu'une dévaluation ne peut être effectuée. Alors, la question qui arrive aujourd'hui pourrait se résumer à la phrase suivante : "à quoi bon conserver la monnaie unique si c'est pour simplement en subir les inconvénients sans les avantages de ne plus l'avoir ?"