Fil d'Ariane
Après des négociations difficiles, le nouvel accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC) a finalement été signé le 30 septembre. Un accord de libre-échange qui vient remplacer le traité ALENA signé en 1994. Que dit-il des relations qu'entretiennent Donald Trump et Justin Trudeau ?
C’est l'accord commercial "le plus important de l'histoire des Etats-Unis", a conclu le président américain, Donald Trump, lundi 1er octobre, après la signature du nouvel accord (AEUMC) entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. Depuis le début de sa campagne présidentielle, il en avait fait l’une de ses promesses électorales. Du côté canadien, le Premier ministre Justin Trudeau a lui aussi souligné que c’était, “un bon jour pour le Canada.”
Si les deux responsables politiques se félicitent c’est parce que l’accord a été difficile à trouver et qu'il doit encore être voté par les parlements respectifs.
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Pourquoi revêt-il une telle importance ? “Une modernisation de l’ALENA était nécessaire car il y a une forte interdépendance des deux économies surtout du Canada”, explique le chercheur Guy-Philippe Wells.
Selon l’EDC, l’organisme de crédit à l’exportation du Canada, les Etats-Unis achètent 72% des exportations canadiennes et sont le premier partenaire commercial du pays. A l’inverse, le Canada est le principal marché de 32 des 50 Etats américains.
Les deux pays ont des économies complémentaires, "au Canada, nous avons beaucoup de ressources naturelles, c’est un territoire immense avec une petite population, il y a beaucoup de ressources qui peuvent être exportées. A côté, le marché américain est immense, avec plusieurs centaines de millions de personnes, avec le marché le plus riche au monde", souligne le chercheur de l’UQAM.
Le Canada reste économiquement plus dépendant de son voisin puisque les ⅔ de l’économie nationale dépendent de ses exportations.
"Même s’il y a un discours de diversification économique depuis 30, 40 ans pour être moins dépendant des Américains, il n’y a pas d’évolution claire. La complémentarité entre les deux pays est tellement évidente que c’est difficile de s’en défaire ou de l’amenuiser", explique Guy-Philippe Wells.
Le premier accord commercial canado-américain (ALE) a été conclu en 1987 et ratifié en janvier 1988, “c'est un accord important pour l’histoire car les accords suivants s’en sont beaucoup inspirés”, décrit l’économiste de l’UQAM.
C’est le premier traité qui instaure une libéralisation des échanges entre des pays. Il a ensuite été remplacé par l’ALENA, entré en vigueur en 1994.
L’accord comprenait des échanges de services, une suppression des droits de douane, une réduction des barrières non tarifaires et une instance permettant de régler les différends entre les deux pays.
En mai et juin dernier, le Premier ministre canadien avait dû essuyer de nombreuses critiques et insultes de la part du Président américain qui l’accusait de diriger des politiques commerciales défavorables aux Etats-Unis.
Fair Trade is now to be called Fool Trade if it is not Reciprocal. According to a Canada release, they make almost 100 Billion Dollars in Trade with U.S. (guess they were bragging and got caught!). Minimum is 17B. Tax Dairy from us at 270%. Then Justin acts hurt when called out!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 11 juin 2018
Le Président américain avait alors imposé de lourds tarifs douaniers sur l’acier et l'aluminium, importés depuis l’Union Européenne.
Réputé hésitant sur les questions politiques, Justin Trudeau avait très vite réagi, en imposant des taxes sur les produits américains à hauteur de 16.6 milliards de dollars canadiens.
Un scénario similaire à l’année 2017 lorsque les Etats-Unis avaient alourdi leurs droits de douane sur le bois de construction canadien, en dépit des accords commerciaux entre les deux pays.
“C’est une période un peu unique actuellement, où il y a des expressions de conflits claires. C’est normal que deux États comme le Canada et les Etats-Unis ne s’entendent pas toujours sur tout mais avoir des conflits diplomatiques comme ceux de cet été, c’est très particulier”, ajoute-t-il.
Les relations entre les deux pays n’ont donc pas toujours été au beau fixe. Pierre Elliott Trudeau - le père de Justin Trudeau - avait des rapports compliqués avec le gouvernement américain notamment à cause des relations qu’il entretenait avec Cuba, dans les années 70.
Par ailleurs, les relations politiques des décennies suivantes ont été globalement positives, “les relations entre Brian Mulroney et Ronald Reagan étaient très bonnes. C’était aussi le cas par la suite entre Bill Clinton et Jean Chrétien”, décrit Guy-Philippe Wells.
Les relations américano-canadiennes ne semblent pas pour autant compromises pour la suite. Selon l’économiste Guy-Philippe Wells, “elles sont beaucoup plus profondes que les relations qui existent actuellement entre les deux Présidents, Donald Trump et Justin Trudeau.”