Fil d'Ariane
Voici quelques jours encore, l'Alena était donné pour mort. Selon les médias américains, le décret présidentiel le condamnant était finalisé et prêt à signer, jusqu'à cette conversation téléphonique, ce mercredi 26 avril, entre le Premier ministre canadien Justin Trudeau, Donald Trump et le président mexicain Enrique Peña Nieto. Un entretien qui, finalement, a fait pencher la balance en faveur d'une renégociation de l'Alena.
Il est de mon pouvoir de remettre le traité de l'Alena à jour, via la renégociation... mais si je ne suis pas en mesure de conclure un accord équitable, j'y mettrai un terme.
Donald Trump
Dès les premières flèches décochées par Donald Trump, le Premier ministre du Canada Justin Trudeau s'est dit ouvert au dialogue. Mais pas de panique côté canadien pour deux raisons : d'une part, Donald Trump aurait besoin de l’approbation du Congrès pour dénoncer l'accord de libre-échange, ce qui serait compliqué à obtenir.
D'autre part, le gouvernement Trudeau suppose que le président américain n'est pas forcément prêt à renoncer aux avantages mutuels que représente cet accord commercial, l'un des plus importants au monde. Comme le rappelle avec insistance Justin Trudeau, le Canada reste le premier marché pour les exportateurs américains et il est le premier client de 35 États américains. Au cours de son entretien avec Donald Trump, il a "fait valoir que franchement (...) un très grand nombre d'emplois et bon nombre d'industries avaient été créés grâce à l'Aléna".
Résumé de mon entretien téléphonique avec le président des États-Unis, Donald Trump : https://t.co/AGzS89VVXb
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) 26 avril 2017
Si le président des Etats-Unis brandit la menace de l'annulation de l'Alena, selon certains experts, c'est aussi pour faire peser cet argument face au Congrès, tel un levier qu'il peut actionner pour faire ployer certains représentants sur d'autres dossiers.
Après un premier appel mardi pour défendre ses exportations de bois de construction, que Donald Trump a décidé de taxer, Justin Trudeau a repris son téléphone 24 heures plus tard pour rappeler la Maison-Blanche. "Nous avons eu une bonne conversation et en effet (Trump) a dit qu'il pensait annuler" cet accord, a confié Justin Trudeau en déplacement en Sasktawhewan ce jeudi 27 avril.
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Pour un président comme Donald Trump, qui a fait campagne en clamant qu'il voulait privilégier les emplois américains, un trait de plume pur et simple sur cet accord n'est pas forcément une habile manoeuvre. Ce ne serait pas non plus du goût des exportateurs américains, pour qui le Canada reste le premier marché, notamment dans les secteurs de l'automobile et de l'agro-alimentaire. "Le Mexique et le Canada sont parmi nos plus importants marchés à l'exportation", ont rappelé les céréaliers américains en se disant "choqués et très inquiets" que l'Alena puisse être mis en danger.
L'aéronautique, les produits pharmaceutiques, le transport par camion, l’aluminium et la pâte à papier sont autant d'autres secteurs marqués par l'imbrication commerciale entre le Canada et les Etats-Unis. Le New York Times serait même encore imprimé avec du papier québécois…
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Les milieux d'affaires canadiens, eux aussi, ont les nerfs à vif, après les attaques successives contre le Canada - les taxes sur le bois canadien, les éventuelles rétorsions américaines contre les producteurs laitiers le lendemain et un allégement fiscal pour les entreprises américaines. Contre les Etats-Unis, "le Canada a ses propres griefs et le temps est venu pour Justin Trudeau de défendre nos intérêts", estime Maude Barlow, présidente du Conseil des Canadiens, un centre de réflexion de gauche.
La renégociation de l'Alena est un moindre mal pour le président Trump et les Etats-Unis. Sa dénonciation aurait soulevé "un tollé au Congrès, mis un coup d'arrêt à l'activité des entreprises compte tenu de l'imbrication des chaînes d'approvisionnements, pénalisé l'économie et enfin aurait déclencher une vague de procès", estime Angelo Katsoras, économiste de la Banque Nationale.