Etats-Unis : des services de moins en moins secrets...
La démission du chef de la CIA, David Petraeus a déchaîné les foudres de la presse et des politiques. Démis de ses fonctions, l'affaire d'adultère du plus connu des officiers américains a pris une dimension politique deux jours après l'élection de Barack Obama. Cette histoire révèle aussi la part d'ombre d'un certain nombre de hauts gradés américains...
De gauche à droite : le président Barack Obama, le directeur de la CIA Leon Panetta, le général David Petraeus et le général John Allen, le 28 avril 2011 à Washington / Photo AFP_Archives - Saul Loeb
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Les révélations fracassantes de cette relation adultérine n'ont porté "aucune atteinte à la sécurité nationale". Les propos sont de la présidente de la commission du renseignement du Sénat américain, Dianne Feinstein, sur le plateau de Fox news dimanche 11 novembre. Des propos qui illustrent bien l'ampleur du scandale aux Etats-Unis. L'affaire pourrait simplement relever de la vie privée des militaires mais si elle fait tant de bruit et entraîne tant de démission - le général Petraeus n'est pas le seul, voir ci-dessous- c'est que l'adultère est pris très au sérieux par l'article 134 du code de justice militaire. Si ces actes sont considérés comme nuisibles à l'image de l'armée, les sanctions pour "conduite déshonorante" peuvent aller de la confiscation de salaires ou d'indemnités au confinement pendant un an.
David Petraeus avec Paula Broadwell en 2011
Scandale politique
Cette "banale" histoire d'adultère prend en outre une importante dimension politique du fait des personnes impliquées essentielles de l'Administration Obama. David Petraeus, 60 ans, s'illustre comme l'officier quatre étoiles le plus célèbre. Il a eu en charge les troupes américaines en Afghanistan avant d'être nommé en 2007 à la tête des forces de la Coalition en Irak. En 2010, il remplace le général Stanley McCrystal alors en charge des forces internationales en Afghanistan (ISAF). A chaque fois, il dirige dans un esprit de changement et d'innovation les corps de l'armée. Après un an de service, il prend la tête de la Central Intelligence Agency (CIA), les services secrets américains. C'est à la surprise générale qu'il demande sa démission seulement deux jours après l'élection de Barack Obama, alors que la relation extraconjugale du général est connue du directeur du FBI dès l'été 2012. Les renseignements américains ont déjà mené leur enquête mais tu l'affaire. Calendrier Les Républicains ainsi que les membres du Congrès s'interrogent sur ce calendrier suspect. Est-ce que l'annonce aurait été retardée par le FBI pour ne pas mettre en péril la réélection du président ? Les Républicains en profitent pour critiquer la morale de l'Administration Obama. L'opinion s'en émeut aussi alors que des militaires de hauts-rangs sont impliqués et tombent de leur piédestal pour autant de trivialité. L'affaire tombe aussi alors qu'une audition est prévue dans quelques jours par la commission du renseignement du Sénat et de la Chambre des représentants sur l’attaque le 11 septembre dernier au consulat américain de Benghazi en Libye. L'attaque avait coûté la vie à l'ambassadeur américain Chris Stevens. Petraeus témoignera devant la commission jeudi et sera entendu sur ce que la CIA savait et ne savait pas. Petraeus
Part d'ombre
Cette affaire à tiroirs implique aussi un autre responsables militaire : John Allen, chef de la coalition en Afghanistan. Mais avant ce scandale, des généraux et officiers de hauts rangs sont tombés pour mauvais comportement et agressions sexuelles. Exemptés de toutes critiques après dix ans de guerre, le milieu des officiers américains montre sa part d'ombre.
Qui sont ces hauts gradés déjà tombés ? Galerie...
John Allen
Même si le président Barack Obama et le secrétaire de la Défense Léon Panetta ont maintenu leur confiance au général John Allen, le poste du chef de la coalition en Afghanistan est en péril et sa nomination au poste de commandant suprême des forces de l'Otan est suspendu. Avant d'être en charge de l'Afghanistan, John Allen était le numéro deux du Commandement américain chargé du Moyen Orient et du Sud Ouest asiatique. John Allen, 59 ans, aurait flirté par correspondance de mails avec Jill Kelley, une amie du couple Petraeus. Le général a nié toute relation extraconjugale. Mais cela n'a pas empêché l'Inspection générale du Pentagone de mener une enquête sur lui et de d'analyser près de 30 000 emails échangés entre John Allen et Jill Kelley. Cette dernière est apparue dans l'affaire du général Petraeus.
William Ward
Ancien patron du commandement pour l'Afrique, il a été récemment rétrogradé au rang de lieutenant-général pour avoir indûment utilisé des fonds publics à des fins personnelles. Un rapport de l'inspection générale du Pentagone publié en juin lui reproche notamment d'avoir utilisé pour des déplacements privés l'avion mis à sa disposition ou alors d'avoir prolonger des voyages professionnels. Il est contraint de rembourser 82 000 dollars au gouvernement.
Jeffrey Sinclair
Cette année, ce général de brigade, adjoint au commandant de la 82e division aéroportée a été démis de ces fonctions en Afghanistan. Il a été accusé d'agressions sexuelles et de menaces de mort contre quatre femmes officiers et une civile. Alors qu'il était interrogé sur ses agissements, le général aurait répondu "Je suis général, je fais ce que je veux".
Luis Walker
En juillet 2012, un jury militaire a condamné un instructeur de la base aérienne de Lackland au Texas pour avoir violé une jeune recrue et en avoir agressé sexuellement plusieurs autres. Le sergent Luis Walker a été reconnu coupable de 28 chefs d'accusation dont l'adultère, agressions sexuelles, violation de la règlementation.
“Un comportement inacceptable“
"Après plus de 37 ans de mariage, j'ai fait preuve d'un énorme manque de jugement en m'engageant dans une relation extraconjugale. Un tel comportement est inacceptable à la fois comme mari et comme dirigeant d'une organisation comme la nôtre". Les mots sont du Général David Petraeus dans un message envoyé aux employés de la CIA. Une démission surprise entraînée par les révélations d'une affaire d'adultère impliquant le patron de l'Agence et l'auteure de sa biographie : Paula Broadwell démasquée par la presse américaine. Ancienne militaire, elle avait passé un an en Afghanistan pour rédiger une biographie du général intitulée "All in : The Education of General Petraeus". L'affaire a éclaté à cause de courriels menaçants envoyés par Paula Broadwell à une femme qu'elle considérait comme sa rivale : Jill Kelley. Cette dernière était une amie très proche du couple Petraeus et vivait en Floride. Elle a demandé la protection du FBI qui a ouvert une enquête en mai 2012 et découvert les liens remontants jusqu'au général Petraeus.