Etats-Unis : Donald Trump ou le coup d'éclat permanent

Provocateur, sexiste, imprévisible, Donald Trump multiplie les outrances. Le nouveau président américain semble ignorer le sang-froid que sa nouvelle fonction exige.  "Nous sommes dans une atmosphère d'incertitude et de grand danger" affirme  Nicholas Dungan, spécialiste des Etats-Unis.
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Trump
Donald Trump, le 12 janvier 2017 à New-York
(AP Photo/Seth Wenig)
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La victoire acquise, le bouillonnant milliardaire n'a pas mis d'eau dans son sang. Avec la presse Trump tempête, Trump éructe, Trump se prend des trempes mais il persiste. Peu de  jours se passent sans qu'un nouvel épisode au fumet scandaleux ne vienne électriser l'opinion. Dernier en date : un document de 35 pages que le site Buzzfeed a révélé. Il s'agirait ( conditionnel ) d'une note rédigée par un ex-espion britannique, et qui ferait état de frasques sexuelles lors de ses voyages en Russie en 2013.  Donald Trump aurait employé des prostituées et leur aurait demander de s'uriner dessus.
Ce grand utilisateur de tweets, qui totalise 20 millions d'abonnés, a aussitôt démenti l'affaire :


"UNE FAUSSE INFO, UNE CHASSE AUX SORCIERES !"

"La Russie vient de dire qu'il s'agit d'un rapport non vérifié, payé par les opposants politiques est que cela relève d' " Une FAUSSE INFO ABSURDE"  Très injuste !"

Les scandales semblent glisser sur lui comme l'eau sur l'hippopotame.
Celui qui affirmait dans une vidéo en 2005 que les femmes, "quand on est une star, elles nous laissent faire. On peut faire tout ce qu'on veut. Les attraper par la chatte !" n'hésite pas à affirmer lors de la primaire républicaine en septembre 2015 : "Pratiquement tout ce que j'ai fait a été un succès formidable" ou encore : " Désolé, les ratés et les rageux, mais mon Qi est parmi les plus élevés. S'il vous plaît, ne vous sentez pas si bêtes ou si fébriles, ce n'est pas votre faute...".


Et son QI, parait-il si élevé, il s'en sert, par exemple, au sujet du réchauffement climatique.
En novembre 2012, il tweete : "Le concept de réchauffement de la planète a été inventé par et pour les Chinois pour empêcher l'industrie américaine d'être compétitive". 

Dilem Trump
Dessin de Dilem

Puis il en publie un autre, à faire fondre de plaisir un scientifique du GIEC : "Il gèle et il neige à New York, on a besoin du réchauffement climatique".
Imparable.

Mais ces déclarations à l'emporte-pièce ("J'adore les gens peu instruits !" affirmait-il dans le Nevada en février dernier ) datent d'une époque où le milliardaire n'était pas aux commandes du pays le plus puissant au monde.

Peut-il continuer sur le même registre et courir le risque  de multiplier fractures sociales au sein de son pays et engendrer des crises diplomatique à l'étranger ?

Nicholas Dungan
NIcholas Dungan, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)
Photo : IRIS

Nicholas Dungan  est directeur de recherche à L’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste des Etats-Unis et des relations transatlantiques.

Selon lui, Donald Trump ne changera pas : "Il a déjà dit qu'il allait continuer à tweeter comme avant. Tout ce qui concerne cette nouvelle présidence est inédit ! Il ne faut pas que nous soyons trop surpris. Nous disons tous, les médias, les experts, les politologues, et cela depuis des mois et des mois, qu'il est différent, qu'il est inexpérimenté, qu'il ne se rend pas compte des contraintes et là, l'ayant constaté tous, on ne devrait pas être étonnés d'en voir les preuves !"

Tout de même, concernant ses frasques, on a dépassé l'affaire Bill Clinton et Monica Lewinski.. Samedi  a lieu une grande marche féministe contre lui....

On est dans une situation totalement inédite et on va y rester ! Non seulement, on a dépassé Clinton et Monica Lewinski mais nous sommes dans des cas d'espèces totalement différents. Il faut s'en rendre compte le plus rapidement possible. Et Angela Merkel et François Hollande ont déjà fait des déclarations dans ce sens : la relation transatlantique va changer profondément. Donald Trump est en désaccord avec ses conseillers principaux. Dans leurs témoignages devant la commission des affaires étrangères et des commissions devant le Sénat, ils émettent des points de vue sur la valeur de l'Otan, sur la nécessité de confronter la Russie qui sont aux antipodes de ce que Trump dit lui-même. Et cela ne semble pas le gêner. La raison est assez simple : lui ne fait pas la part entre ses opinions personnelles et les politiques publiques. Il serait fantaisiste de croire qu'il va changer le 21 janvier...

Au Etats-Unis, la procédure de destitution est enclenchée pour trahison, corruption, crimes et délits graves. Une procédure d'impeachment pourrait  arriver à son terme ?

La réponse honnête est qu'on ne sait pas. Il faut savoir que depuis Georges Washington en mars 1789, il n'y a jamais eu de destitution d'un président des Etats-Unis. Le plus "proche" qu'on ait vu, c'est Richard Nixon qui a fini par donner sa démission avant d'être destitué. L'impeachment est une procédure a double détente. La mise en accusation se fait au niveau de la Chambre des représentants et c'est elle qui décide, oui ou non, de demander au Sénat de juger. Dans le système américain, et cela pour des raisons historiques, tout revient au Congrès, c'est à dire les représentants directs du peuple. Le Congrès était là AVANT la présidence, dès 1776, et la déclaration de l'indépendance alors que  la constitution n'a vu le jour qu'en 1787. Il faudrait à la fois des preuves claires et incontestables et un mouvement politique extrêmement fort sur trois niveaux : le Congrès, les médias et le peuple. Dèjà, on a le président récent le moins populaire, le moins admiré au moment de son investiture, donc tout peut arriver. C'est difficile pour les gens de l'admettre et de s'en convaincre mais nous sommes dans une situation tellement inédite que TOUT peut arriver.

Pour le spécialiste des relations transtlantiques que vous êtes, les quatre années qui vont suivre vont être passionnantes...

Non. Si le comportement de ce monsieur ne change pas, nous allons être dans une atmosphère d'incertitude et d'imprévisibilité et donc de grand danger pendant ces quatre ans. On finira par dire qu'il peut tweeter ce qu'il veut. Progressivement, s'il arrive  à rester,  s'il continue à se comporter ainsi,  si ses conseillers continuent de confondre politiques publiques fondées et opinions politiques personnelles, on va assister à un phénomène où, de plus en plus, les médias, les membres du Congrès et les observateurs internationaux diront : " mais on ne va pas prendre au sérieux ce qu'il dit...". Cela dégraderait la dignité le prestige et le pouvoir de la présidence des Etats-Unis.

Mais est-ce que ce n'est pas déjà le cas ? N'y a-t-il pas un phénomène de mythridatisation ?

Cela pourrait changer. Beaucoup de gens disent : "On attend  qu'il commence à se comporter comme un président des Etats-Unis", c'est à dire comme notre image de ce que devrait adopter comme comportement un président des Etats-Unis. Ce n'est pas encore le cas. Et rien ne prête à croire que cela le deviendra bientôt. C'est un immense point d'interrogation et qui représente des dangers.