Fil d'Ariane
"Le lobby des armes a peut-être pris le Congrès en otage mais il ne peut prendre l'Amérique en otage", a lancé le président américain mardi 5 janvier pour mieux dénoncer l'inaction de ses adversaires républicains, majoritaires dans les deux chambres, qui refusent de légiférer sur ce thème.
Principal objectif des mesures annoncées lors d'une longue allocution à la Maison Blanche: colmater les failles du système en vigueur sur le contrôle des antécédents judiciaires et psychiatriques des acheteurs d'armes. Entre foires itinérantes et ventes sur internet, nombre d'entre eux échappent aujourd'hui aux procédures fédérales imposées à un individu qui se rend dans une armurerie homologuée.
Ses adversaires républicains jugent qu'en court-circuitant le Congrès, M. Obama outrepasse ses pouvoirs et foule aux pieds le deuxième amendement de la Constitution qui stipule qu'il ne pourra être porté atteinte au "droit du peuple" de détenir et de porter des armes.
Le sujet - très sensible aux Etats-Unis où la culture du port d'armes est fortement enracinée - s'est d'ores et déjà imposé au coeur de la campagne pour l'élection présidentielle du 8 novembre.
30 000 morts par armes à feu aux Etats-Unis
Quelque 30 000 personnes trouvent la mort par armes à feu aux Etats-Unis chaque année. "Le temps des excuses pour justifier l'inaction est révolu", a lancé M. Obama en présence de nombre de familles de victimes des fusillades qui ont endeuillé le pays ces dernières années.
Parmi elles Jennifer Pinckney, veuve du pasteur Clementa Pinckney, tombé, avec huit autres noirs, sous les balles d'un jeune partisan de la suprématie blanche à Charleston (Caroline du Sud) en juin. Ou encore Mark Barden, qui a perdu son fils dans la tuerie de l'école primaire Sandy Hook en décembre 2012 (26 morts dont 20 enfants).
En évoquant vers la fin de son discours cette fusillade, l'un des pires carnages jamais commis dans un établissement scolaire, le président américain a essuyé quelques larmes: "A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère", a-t-il dit, la voix brisée.
Après cette tuerie, le débat avait semblé, un temps, prendre une tournure différente aux Etats-Unis. M. Obama avait chargé son vice-président Joe Biden, fin connaisseur des arcanes du Congrès, de s'emparer du dossier. Quatre mois plus tard pourtant, les élus sonnaient le glas d'une véritable réforme. Pointant du doigt le lobby des armes, M. Obama dénonçait "un jour de honte pour Washington".
Présentant ses mesures, M. Obama a ironisé sur les inquiétudes du lobby des armes, soulignant qu'il ne s'agissait pas d'un "complot visant à confisquer les armes de tout le monde".
La portée et l'efficacité de ces mesures seront cependant extrêmement difficiles à mesurer. Et la Maison Blanche se garde bien d'avancer la moindre prévision chiffrée sur le nombre de personnes concernées.
Afin d'assurer une meilleure application des lois existantes, M. Obama a proposé la création de 200 nouveaux postes au sein de l'Agence fédérale sur l'alcool, le tabac et les armes (ATF). Il suggère par ailleurs au Congrès un investissement de 500 millions de dollars pour améliorer la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiatriques.
Il a aussi appelé à mettre les ressources nécessaires au service de l'innovation pour plus de sécurité. "Si nous savons faire en sorte qu'un enfant ne puisse ouvrir un tube d'aspirine, nous devrions pouvoir nous assurer qu'il ne puisse appuyer sur la gâchette d'une arme", a-t-il dit.
Les candidats républicains ont rivalisé de formules pour dénoncer l'initiative présidentielle et promis, à l'unisson, d'effacer d'un trait de plume toutes les mesures annoncées mardi 5 janvier s'ils étaient élus à la présidence.
Soulignant qu'il était membre à vie de la National Rifle Association (NRA), le puissant lobby pro-armes, Jeb Bush, fils et frère de présidents, en lice pour les primaires, a dénoncé des mesures "qui imposent des contraintes inutiles" aux détenteurs d'armes respectueux de la loi.
"Barack Obama est obsédé par la destruction du deuxième amendement", a dit de son côté Marco Rubio sur Fox News. "Cela ne fera pas baisser la violence ou la criminalité, car les criminels n'achètent pas d'armes de cette façon. Ils les achètent sur le marché noir".
L'homme fort du Sénat, Mitch McConnell, a annoncé mardi que le Congrès allait examiner la légalité des nouvelles annonces du président.
L'exécutif assure que ces mesures sont en tout point conformes à la Constitution et entrent pleinement dans le cadre de ses pouvoirs présidentiels.
"Aucune des décisions (annoncées par la Maison Blanche) n'aura un impact majeur sur l'épidémie de violence par les armes en Amérique", constatait, amer, le New York Times dans son éditorial. "Mais c'est parce que M. Obama, seul, a une marge de manoeuvre limitée", ajoute le quotidien qui dénonce l'attitude des élus républicains du Congrès.