Fil d'Ariane
"Ce fut une semaine chargée", a lancé jeudi 28 janvier Joe Biden depuis le Bureau ovale. Le nouveau président des Etats-Unis faisait ainsi référence à la cascade de décrets signés depuis son arrivée à la Maison Blanche le 20 janvier, visant à détricoter méthodiquement le bilan de Donald Trump, du climat à l'avortement.
L'avancée la plus spectaculaire de ses dix premiers jours a été de rappeler aux Américains que la Maison Blanche n'était pas nécessairement synonyme de drames quotidiens.
Pas de tweets colériques. Pas d'attaques contre les journalistes "ennemis du peuple".
Des points de presse quotidiens, rigoureux - voire ennuyeux - menés par des spécialistes, sur le Covid ou l'économie.
Un président qui multiplie les appels à l'unité et qui apparaît régulièrement en public (mais jamais pour très longtemps et de façon soigneusement orchestrée).
Un secrétaire d'Etat, Antony Blinken, qui tente de rassurer les diplomates du monde entier en leur promettant que l'Amérique qu'ils croyaient disparue est de retour.
Au total, le changement de style est spectaculaire. Mais quels enseignements tirer de cette entrée en matière ?
Tout se résume pour l'heure à un virus.
Le Covid-19 est en passe de faire un demi-million de victimes aux Etats-Unis. L'économie américaine a connu en 2020 sa pire année depuis 1946, avec une contraction du PIB de 3,5% par rapport à 2019.
La présidence Biden dépendra largement des mois à venir.
Si la campagne de vaccination s'accélère et que l'économie reprend rapidement des couleurs, Biden pourrait transformer le désastre en triomphe. Une sortie lente et incertaine de la pandémie pourrait, à l'inverse, être une tache sur son mandat.
"Le succès de tout le reste dépend de cela", souligne Mark Carl Rom, qui enseigne les sciences politiques à l'université de Georgetown.
Le président démocrate, qui a prédit une accélération très significative du rythme de vaccination d'ici l'été, sera rapidement soumis à un test très simple, estime-t-il: "Est-ce que les gens pourront aller à la plage sans la crainte de tomber malade?"
Elu sur une promesse de rassemblement après un mandat Trump qui a scindé l'Amérique en deux, Joe Biden martèle le mot "unité" en toutes occasions.
Et depuis son installation au 1600 Pennsylvania Avenue, il évite les affrontements directs avec les républicains sur la question sensible de l'impeachment de son prédécesseur par exemple.
Mais l'Amérique reste profondément divisée et déjà des voix s'élèvent pour rappeler que les incantations ne suffiront pas. Et soulignent que Joe Biden n'a nommé aucune personnalité républicaine de premier plan dans son gouvernement.
La série de décrets, qui permettent au président de trancher d'un trait de plume sans passer par la case du Congrès, ont aussi alimenté les critiques, relayées par un éditorial cinglant du New York Times.
Le premier test grandeur nature sera le plan d'urgence de 1.900 milliards de dollars pour aider la première puissance mondiale à faire face aux ravages du Covid.
L'objectif affiché de Joe Biden est de faire passer le texte avec des voix républicaines et démocrates. Mais les blocages sont réels, et il pourrait devoir se contenter in fine d'un passage au forceps avec les seuls votes de son camp.
La Maison Blanche martèle inlassablement qu'elle croit à un accord et que Joe Biden, qui a passé plus de 35 ans au Sénat, est le mieux placé pour cet exercice délicat.
Pour l'heure, au tout début de son mandat et quelques semaines seulement après le choc des violences meurtrières du Capitole, Joe Biden a le vent dans le dos.
Selon un sondage Monmouth University rendu public cette semaine, sa cote de popularité est de 54%. Au moment de son départ, celle de Donald Trump s'élevait, selon Gallup, à 34%.