Fil d'Ariane
Changement de cap à la Maison Blanche. Pour son premier grand discours de politique étrangère, jeudi 4 février, Joe Biden a voulu marquer la rupture avec son prédécesseur, Donald Trump. Il a notamment annoncé la fin du soutien américain dans la guerre au Yémen et promis d'accueillir 125.000 réfugiés par an, soit huit fois plus qu'en 2020.
Arabie saoudite, Russie, alliés.... Joe Biden a fixé les grands axes de sa politique étrangère : fin du soutien américain à la coalition saoudienne au Yémen, gel du retrait des troupes américaines en Allemagne, changement de ton à l'égard de la Russie.
Joe Biden a aussi confirmé la nomination d'un diplomate chevronné, Timothy Lenderking, comme émissaire pour le Yémen. "Et pour souligner notre détermination, nous mettons fin à tout soutien américain aux opérations offensives dans la guerre au Yémen, y compris aux ventes d'armes."
Concrètement, Washington va annuler la vente controversée à Ryad de "munitions de précision" décidée à la fin du mandat de l'ex-président républicain, qui a toujours soutenu, envers et contre tout, le royaume saoudien, pilier avec Israël de sa politique anti-Iran.
Ryad dirige une coalition militaire accusée de nombreuses bavures envers les civils dans son intervention auprès du gouvernement yéménite contre les rebelles Houthis, appuyés par l'Iran.
Sans mentionner la fin du soutien américain à la coalition conduite par l'Arabie, l'agence d'Etat saoudienne a indiqué que Ryad réaffirmait son soutien à "une solution politique globale" au Yémen et se félicitait "que les Etats-Unis soulignent l'importance des efforts diplomatiques" pour résoudre la crise.
Les Houthis ont eux salué l'arrêt de l'implication américaine. "Nous espérons que ce sera le début d'une décision visant à mettre fin à la guerre au Yémen", a déclaré à l'AFP Hamid Assem, responsable politique des insurgés à Sanaa.
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Cette décision pourrait aussi être interprétée comme un geste de bonne volonté par l'Iran, qui s'apprête à entrer dans des tractations complexes avec Washington pour sauver l'accord sur le nucléaire iranien dont Donald Trump avait claqué la porte.
"Les Etats-Unis sont-ils prêts à réduire les centaines de milliards de dollars d'armes qu'ils vendent dans notre région? Sont-ils prêts à mettre fin au massacre d'enfants au Yémen?", avait interrogé en début de semaine le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif sur CNN International.
Bien que le retour dans l'accord de 2015 soit considéré comme une "priorité cruciale" par la Maison Blanche, Joe Biden ne l'a pas évoqué dans son discours.
Le 46e président des Etats-Unis a par ailleurs confirmé qu'il allait "stopper" le retrait partiel des troupes américaines d'Allemagne, le temps d'un "réexamen global de la posture" des forces déployées à l'étranger confié au ministre de la Défense Lloyd Austin.
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Donald Trump avait annoncé en juin vouloir diminuer grandement, à 25.000 soldats, les forces américaines en Allemagne. Cette décision avait suscité des remous au sein de la classe politique américaine ainsi qu'en Europe, où les alliés de Washington, Berlin en particulier, ont été malmenés pendant les quatre années de mandat du milliardaire new-yorkais.
"L'Amérique est de retour, la diplomatie est de retour", a martelé Joe Biden. "Nous allons rebâtir nos alliances".
Il a défendu les valeurs classiques de la diplomatie américaine : promotion de la démocratie et des droits humains, délaissées selon lui par Donald Trump. Et pour illustrer ce "retour du leadership moral" sur la scène internationale, il a annoncé que les Etats-Unis accueilleraient dès l'an prochain 125.000 réfugiés dans le cadre du programme de réinstallation, soit une multiplication par huit par rapport aux 15.000 acceptés cette année, un plus bas historique.
Le président Biden a enfin affiché sa détermination à contrer la Chine et la Russie, accusant son prédécesseur d'avoir été faible notamment à l'égard du président russe Vladimir Poutine.
Les Etats-Unis doivent "être au rendez-vous face à l'avancée de l'autoritarisme, en particulier les ambitions croissantes de la Chine et la volonté de la Russie d'affaiblir notre démocratie", a-t-il lancé.
J'ai clairement dit au président Poutine, d'une façon très différente de mon prédécesseur, que le temps où les Etats-Unis se soumettaient face aux actes agressifs de de la Russie (...) était révolu.
Joe Biden, président des Etats-Unis
Il est toutefois resté silencieux sur les mesures concrètes promises par son conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan pour faire "rendre des comptes" à Moscou. Et n'a quasiment rien dit de sa stratégie face à Pékin, pourtant unanimement considéré comme l'adversaire stratégique numéro un de la première puissance mondiale.