Etats-Unis : la candidate démocrate Elizabeth Warren veut démanteler les GAFAM

La sénatrice et candidate à la primaire démocrate, Elizabeth Warren, a annoncé dans une tribune récente qu'elle démantèlerait les entreprises géantes du Net si elle est élue contre Donald Trump en 2020. Pour la première fois une véritable régulation des GAFAM accompagnée par les lois anti-trust est mise sur la table aux Etats-Unis. 
Image
Elizabeth Warren
La sénatrice et candidate à la primaire démocrate, Elizabeth Warren, le 8 mars 2019, lors d'un meeting dans le quartier du Queen à New-York (Photo : AP/Frank Franklin II)
Partager 5 minutes de lecture

Elizabeth Warren n'a pas froid aux yeux et le fait savoir dans une tribune intitulée "Voici comment nous pouvons démanteler les entreprises technologiques géantes". Selon la candidate démocrate, il faut réguler drastiquement les grands groupes Internet pour protéger les utilisateurs de leur domination sans partage qui leur permet de piller les données à des fins d'influence, empêche le libre choix de services Internet pour les consommateurs et écrase les petits entrepreneurs. Warren propose dans un premier temps de démanteler partiellement Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft (GAFAM) si elle est élue en 2020. 

Il serait interdit à ces sociétés de posséder à la fois l'utilitaire de plate-forme et tout participant sur cette plate-forme.

Elizabeth Warren, dans sa tribune du 8 mars 2019 : "Voici comment nous pouvons démanteler les entreprises technologiques géantes"

"Détacher" les utilisateurs et faire respecter des règles strictes

La première partie de la proposition dévoilée par la candidate  démocrate consiste en une législation désignant les entreprises du Net comme "utilitaires de plate-forme", ce qui permettrait séparer les membres inscrits de l'entreprise la détenant : 


"Les entreprises dont le chiffre d’affaires mondial annuel est supérieur ou égal à 25 milliards de dollars et qui offrent au public un marché en ligne, une bourse ou une plate-forme de connexion avec des tiers seraient désignées comme «utilitaires de plate-forme». Il serait interdit à ces sociétés de posséder à la fois l'utilitaire de plate-forme et tout participant sur cette plate-forme. Les utilitaires de plate-forme seraient tenus de respecter une norme de traitement équitable, raisonnable et non discriminatoire avec les utilisateurs. Les utilitaires de plate-forme ne seraient pas autorisés à transférer ou partager des données avec des tiers."

Dans une deuxième partie, la sénatrice explique que cette règle de "traitement équitable" devrait aussi s'appliquer aux entreprises moins importantes, même si elles ne sont pas touchées par le démantèlement : 

"Pour les petites entreprises (dont le chiffre d’affaires mondial oscille entre 90 millions et 25 milliards de dollars), leurs utilitaires de plate-forme seraient tenus de respecter le même standard de traitement équitable, raisonnable et non discriminatoire avec les utilisateurs, mais ils ne seraient pas obligés de se séparer structurellement des utilisateurs de leur plateforme. Pour faire respecter ces nouvelles exigences, les autorités de réglementation fédérales, les procureurs d’État ou les parties privées lésées auraient le droit de poursuivre un utilitaire de plateforme afin d’interdire tout comportement contraire à ces exigences, de récupérer les gains mal acquis et d’être dédommagés pour les pertes ou dégâts subis. Une entreprise reconnue coupable de violation de ces exigences devrait également payer une amende de 5% du chiffre d'affaires annuel."

Démantèlement des "géants" : la loi antitrust à la rescousse

Si cette loi qu'Elizabeth Warren propose dans sa tribune était adoptée par le Congrès américain après son élection en 2020, l'activité de moteur de recherche de Google devrait être séparée par exemple de celle de la vente d'annonces, et il en serait ainsi de la même manière pour une partie des... 228 produits et services de Google sur Internet ! Amazon serait aussi scindée en autant d'entités commerciales indépendantes qu'elle comporte de services distincts : 

Amazon services

 


Ces entreprises ont utilisé leurs ressources et la domination d'Internet pour écraser les petites entreprises et l'innovation, et substituer leurs propres intérêts financiers à ceux du peuple américain.

Cette proposition de démantèlement et de scission de services, si elle peut sembler incongrue ne l'est pas, en réalité. Ce que la sénatrice rappelle avec les "lois anti-trust" en vigueur aux Etats-Unis et qui devraient s'appliquer selon elle pour annuler, par exemple, les "fusions anticoncurrentielles", telles que les rachats de Whole Foods et de Zappos par Amazon, les rachats de WhatsApp et de Instagram par Facebook ou encore ceux de Waze, Nest et DoubleClick par Google.

Pour la candidate démocrate, la suppression de ces fusions favoriserait une concurrence saine sur le marché qui inciterait les grandes entreprises du secteur des technologies à "mieux répondre aux préoccupations des utilisateurs, notamment en matière de confidentialité". 

La loi fédérale antitrust utilisée en 1998 contre Microsoft - avec une plainte pour monopole dont le jugement a été rendu en 2001 - a donné raison au géant du logiciel.  Ce qui fait dire à Elizabeth Warren que cette décision de justice a démontré aux entreprises du secteur que les trusts technologiques ne risquaient rien : "L'affaire antitrust contre Microsoft a permis de faire émerger des sociétés Internet telles que Google et Facebook" explique la sénatrice dans sa tribune...

Avec cette loi, les entrepreneurs technologiques auraient alors une chance de se battre contre les géants de la technologie.

Si des groupes de défense des consommateurs applaudissent le plan de Warren, d'autres structures comme la "Fondation pour les technologies de l'information et l'innovation" pensent qu'une telle loi de démantèlement des grandes entreprises technologiques "nuirait aux consommateurs en réduisant leur confort", arguant que Warren ne tient pas compte du fait que de nombreux services fournis par les grandes entreprises de technologie offrent la gratuité aux consommateurs".

Elizabeth Warren répond à ces critiques en faisant valoir que sa législation ne priverait pas les consommateurs des avantages d'Amazon, de Google et de Facebook. Ce qui va changer, répond-t-elle, est que "les petites entreprises auront la possibilité de vendre leurs produits sur Amazon sans craindre d'être abandonnées par Amazon. Que Google ne pourra plus étouffer ses concurrents en rétrogradant leurs produits sur Google Search. Que Facebook sera forcée d'améliorer l’expérience utilisateur et mieux protéger notre vie privée sous les pressions d'Instagram et WhatsApp."

En conclusion, la candidate démocrate Elizabeth Warren estime qu'avec sa loi, "les entrepreneurs technologiques auraient alors une chance de se battre contre les géants de la technologie." Et plus encore : "Une concurrence saine peut résoudre beaucoup de problèmes. Les mesures que je propose aujourd’hui permettront aux grandes entreprises de technologie existantes de continuer à offrir des services conviviaux, tout en favorisant la concurrence, en stimulant l’innovation dans le secteur des technologies et en garantissant que l’Amérique continue à dominer le monde en produisant des entreprises de pointe. C’est ainsi que nous protégeons l’avenir d’Internet."