Fil d'Ariane
Le président américain Donald Trump a annoncé, samedi 1er février 2025, l’imposition de nouveaux droits de douane : 25 % sur les importations en provenance du Canada et du Mexique, ainsi qu’une hausse de 10 % des taxes existantes sur les produits chinois. Une manœuvre économique qui s’inscrit dans une stratégie de pression commerciale des États-Unis, au risque d’aggraver les tensions internationales.
Le président Donald Trump tient un décret signé sur la déréglementation dans le bureau Ovale de la Maison-Blanche, le vendredi 31 janvier 2025, à Washington.
"Chaque guerre commerciale est un jeu à somme négative, prévient l’économiste Pierre Jaillet, conseiller à l’Institut Jacques Delors et chercheur associé à l’IRIS. Dans un premier temps, tout le monde perd".
D’après le décret signé le samedi 1er février par le président américain, les États-Unis imposeront dès mardi une axe de 25 % sur l’ensemble des importations en provenance du Canada et du Mexique. Donald Trump a également annoncé une hausse de 10 % des droits de douane sur les produits chinois. Les produits énergétiques canadiens bénéficieront d’un traitement différencié puisqu’ils seront taxés à "seulement" 10 %.
En réaction à cette offensive, les trois pays visés – le Mexique, le Canada et la Chine - annoncent déjà des représailles. Sur un ton cinglant, la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum a déclaré que de nouveaux droits de douane seraient imposés sur les produits américains.
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Le Premier ministre démissionnaire du Canada Justin Trudeau a également décidé de mettre en place des droits de douane de 25 % sur des produits américains pour un total de 155 milliards de dollars canadiens. Lors d’une conférence de presse, le chef de gouvernement a déclaré "Si le président Trump veut inaugurer un nouvel âge d'or pour les États-Unis, la meilleure voie est de s'associer avec le Canada, et non de nous punir".
Le ministère chinois du Commerce promet aussi de prendre des mesures "correspondantes pour protéger résolument" ses "droits et intérêts", mais juge que "les guerres commerciales n’ont pas de vainqueur".
"Le moyen de pression est là, c'est une menace pour beaucoup de secteurs d'activité", regrette Pierre Jaillet. Près de 80 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis et l’impact économique des droits de douane pourrait faire reculer le PIB du pays de 2,6 % en 2025, jusqu’à 4,3 % en 2026. L’hydrocarbure, l’automobile, les produits de consommation courante et l’agroalimentaire seront principalement touchés.
Les conséquences seront plus importantes pour le Mexique. 84 % des exportations mexicaines sont allées aux États-Unis. L’automobile, l’électronique, la machinerie et l’agriculture seront les plus impactées. Les sanctions économiques pourraient provoquer une hausse de l’inflation, un recul de la valeur monétaire du peso et causer, par conséquent, une récession dans le pays.
Mais pour Pierre Jaillet, le coût d’adaptation des États-Unis sera également élevé : "Le système américain est très imbriqué avec le Canada et le Mexique. Il y a un risque de baisse de productivité, une hausse des coûts de production pour les industriels américains et une poussée inflationniste."
(Re)voir Canada/Mexique : Donald Trump prêt aux guerres commerciales
Le gouvernement mexicain l’a également prévenu vendredi : le consommateur américain sera aussi touché avec "des prix plus élevés, une moindre disponibilité des produits et d’éventuelles perturbations dans les chaînes d'approvisionnement."
En taxant leurs principaux fournisseurs, les États-Unis vont inévitablement "faire monter les prix" chez eux, avertit le chef économiste d'EY, Gregory Daco, qui pronostique une inflation de 0,6 % au premier trimestre de cette année. Par exemple, une voiture assemblée et vendue aux États-Unis possède 25 % de composants mexicains, selon l’agence américaine de gestion des routes.
"Le pari de Trump, c’est d’obtenir un gain net pour les États-Unis", nuance Alexandre Kateb, économiste et fondateur de Multipolarity AI. Selon le spécialiste, les consommateurs, ainsi que les secteurs économiques dépendant des importations seront les grands perdants.
Mais les secteurs américains peu compétitifs à l’échelle mondiale vont gagner, comme l’agriculture, les industries de base et l’industrie du luxe. L’État serait aussi bénéficiaire de ces mesures. "Donald Trump veut faire des droits de douane la source principale de revenus de l’État", explique Alexandre Kateb.
Les États-Unis sont le premier importateur mondial, mais cela ne représente que 15 % de leur PIB, contre plus de 30 % pour le Canada, près de 40 % pour le Mexique et environ un tiers pour l’Union européenne, elle aussi menacée par de futures sanctions américaines "C’est un pays très tourné sur lui-même, beaucoup plus fermé que ce que l’on imagine", ajoute le fondateur de Multipolarity AI.
Malgré les sanctions et les représailles "Les États-Unis resteront probablement la première puissance internationale et le principal marché d’exportation. Il est difficile de s’en passer", estime Pierre Jaillet. Le seul véritable risque pour Washington serait "une perte relative de son influence économique sur le jeu mondial."