Fil d'Ariane
Six États américains sont sous "surveillance militaire" grâce à des ballons se déplaçant à haute altitude, depuis la mi-juillet. Une autorisation spéciale pour les fréquences d'émission radio des appareils de communication a été donnée par la Commission fédérale des communications (FCC) à l'entreprise Sierra Nevada Corporation, œuvrant pour le compte de Southcom, une division spécialisée du ministère de la Défense.
Cette autorisation, dévoilée par le quotidien britannique The Guardian, devrait durer jusqu'en septembre voire davantage, en fonction des résultats. L'objectif est "d'effectuer des tests de réseaux maillés en haute altitude sur le Dakota du Sud afin de fournir un système de surveillance pour localiser et décourager le trafic de stupéfiants et les menaces à la sécurité intérieure".
Lorsqu’un événement se produit quelque part dans la zone surveillée, vous pouvez potentiellement rembobiner la bande pour voir exactement ce qui s’est passé.Arthur Holland Miche, spécialiste de la surveillance par drone
La surveillance de la population américaine — depuis les airs — n'a encore jamais été mise en œuvre à cette échelle. Cet essai pose donc de nombreuses questions éthiques et juridiques en termes de libertés individuelles et de respect de la vie privée.
Vingt-cinq ballons de surveillance ont donc été lancés par la division Southcom depuis les zones rurales du Dakota du Sud, et doivent dériver sur 250 km pour couvrir une zone englobant des parties des États du Minnesota, de l’Iowa, du Wisconsin et du Missouri, pour terminer leur course dans le centre de l’Illinois. Ces tests surviennent à la suite d'autres vols déjà autorisés en 2018 selon le Guardian, qui n'a pour autant pas pu consulter de rapports à leur sujet.
Gorgon Stare est un système de surveillance à grande distance qui comprend neuf caméras capables d’enregistrer simultanément des images panoramiques sur une ville entière.Arthur Holland Michel, spécialiste de la surveillance par drone
Pour effectuer leur surveillance, les ballons sont équipés de radars dernier cri, conçus pour suivre simultanément de nombreux véhicules, de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météo. Tous les équipements sont alimentés par des panneaux solaires. Un spécialiste de la surveillance par drone (co-directeur du centre d'étude des drones au Bard College de New-York), Arthur Holland Michel explique au Guardian la nouveauté — en termes de performances — de ces dispositifs : "Ce que cette nouvelle technologie propose, c'est de tout regarder en même temps (…) lorsqu’un événement se produit quelque part dans la zone surveillée, vous pouvez potentiellement rembobiner la bande pour voir exactement ce qui s’est passé, et même, voir qui a été impliqué et d'où il arrivait."
Cette technologie est aussi très économique. Les ballons de l'entreprise Raven Aerostar peuvent circuler des semaines, grâce aux déplacements de masse d'air de l'atmosphère, le tout sans carburant ni pilotes.
Les ballons de surveillance de Southcom sont équipés d'antennes réseaux longue portée pour communiquer entre eux et partager des données, mais aussi pour transmettre ou recevoir des données avec le sol.
Même lors des tests, ils collectent beaucoup de données sur les Américains : qui se rend à son syndicat, à l'église, à la mosquée, à la clinique Alzheimer.Jay Stanley, représentant de l'Union américaine de défense des libertés civiles
Il pourrait y avoir aussi des caméras haute définition embarquées dans les ballons de l'armée. Selon Arthur Holland Michel, un système de surveillance video embarqué a déjà été utilisé par l'État de Sierra Nevada, nommé Gorgon Stare : "Ce système de surveillance à grande distance comprend neuf caméras capables d’enregistrer simultanément des images panoramiques sur une ville entière. "Gorgon Stare est généralement déployé sur des drones, et le chercheur d'expliquer que "l'armée américaine a déjà utilisé des dirigeables espions en Afghanistan, tout comme les services américains de douane et de protection des frontières, avec des ballons basse altitude, le long de la frontière mexicaine".