Fil d'Ariane
Un pays paralysé par une crise électorale et institutionnelle après l'élection du 5 novembre : tel était le cauchemar des États-Unis. La victoire nette et claire de Trump l'a évité, pour l'instant. Il faut s'en réjouir, estime Richard Werly, envoyé spécial en Amérique.
Un cordon de police devant le bâtiment du Capitole à Washington, 4 novembre 2024.
Donald Trump n’a désormais plus aucune excuse pour semer la division et fracturer le pays qui vient de le porter à nouveau à sa tête : les Etats-Unis d’Amérique.
Confortablement élu face à Kamala Harris, avec une nette majorité de grands électeurs et plus de quatre millions de voix d’avance pour le vote populaire, le 45e président peut devenir le 47e sans passer par une phase de chaos et de contestation généralisée des urnes qu’il aurait à coup sûr déclenché s’il avait été battu. Tant mieux. Trump est un président élu dont la légitimité démocratique est incontestable. Et il faut s’en féliciter!
Que Kamala Harris ait tardé à reconnaître sa défaite, laissant dans le désarroi ses partisans réunis le soir du scrutin sur le campus de l’université d’Howard, à Washington, démontre que la vice-présidente sortante n’a pas été transformée par cette campagne. L’ex candidate démocrate demeure une juriste mal à l’aise lorsque le script déraille, et qu’elle doit répondre dans l’urgence.
L’intervention de Joe Biden ce jeudi en revanche, et sa main tendue à son prédécesseur et successeur, honore ce président dont le mandat s’achève sur la tragédie personnelle de l’âge et (sans doute) de la maladie. Ainsi donc, Washington – qui s’était barricadée – ne sera pas le théâtre d’un nouvel assaut comme celui mené contre le Capitole le 6 janvier 2021.
Les institutions américaines, opérations électorales incluses, ont fonctionné et sont respectées. Au vu des tensions de ces dernières semaines, et de l’anxiété généralisée à travers le pays, cela ne peut que rassurer.
La conséquence de cette large victoire trumpiste, parachevée par la victoire des républicains au Sénat et leur possible contrôle de la Chambre des Représentants, est que le milliardaire a les mains libres pour mettre en œuvre sans retenue son programme.
Est-ce inquiétant ? Tout dépend du point de vue politique que l’on défend sur des sujets comme les migrants, les droits de l’Ukraine agressée par la Russie ou le rôle de l’État comme amortisseur des inégalités dans les pays riches. Tout dépendra, surtout, et il faut le redire haut et fort à ses électeurs, de l’attitude de Donald Trump vis-à-vis des deux pouvoirs susceptibles d’entraver son action : la justice indépendante d’une part, et le «quatrième pouvoir» que représente une presse libre.
Le 47e président des Etats-Unis doit surtout tirer les conséquences de ce succès politique historique. A 78 ans, et en sachant qu’il ne peut pas constitutionnellement se représenter en 2028, Donald Trump a encore plus le devoir de démontrer qu’il n’est pas le chef d’une partie de l’Amérique contre l’autre.
La vengeance brutale, l’instrumentalisation permanente des colères, le flirt avec les méthodes autoritaires, la discrimination d’un groupe n’ont pas leur place dans une démocratie solide. Que le chaos américain ait été évité après le 5 novembre est une excellente nouvelle. À Trump, l’homme qui promet de «réparer l’Amérique» de veiller à ne pas le raviver, et à ne pas jeter ses compatriotes les uns contre les autres.
Retrouvez les chroniques de Richard Werly aux États-Unis dans Blick
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