Etats-Unis : le grand oral de Barack Obama

Ce mardi 20 janvier, le président américain a prononcé son discours annuel de l’état de l’Union devant un Congrès tombé aux mains des Républicains. Si le contexte économique lui est favorable, les différends politiques pourraient entraver les deux ans de mandat qu'il lui reste. Quelles annonces a fait Barack Obama ? 
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Etats-Unis : le grand oral de Barack Obama
Le président Barack Obama lors de son discours à l'université du Caire en Egypte en 2009 ©CC Chuck Kennedy (Official White House photo)
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Jour-J pour la grand-messe annuelle de la politique américaine. Ce 20 janvier à 2h TU, le président américain prononce au Capitole à Washington son traditionnel discours sur l’état de l'Union dans lequel il annonce le programme de la politique du pays pour l’année à venir.  Deux ans avant son départ de la Maison Blanche, Barack Obama se montre ambitieux face à un Congrès qui ne lui est plus acquis.  Lors de l’élection de mi-mandat du 4 novembre dernier, le parti du président a perdu la majorité au Sénat et quelques sièges à la Chambre des représentants. Le Congrès américain a donc basculé du côté des Républicains privant Barack Obama d’un relais législatif et d’une certaine latitude à conduire sa politique nationale et internationale en fin de mandat. Une défaite qui n'avait, semble-t-il, pas entamé son optimisme le lendemain : « J'ai hâte de travailler avec le nouveau Congrès pour que les deux prochaines années soient aussi constructives que possible. »  Discours ambitieux  Le temps est donc venu de mettre cette cohabitation à l’épreuve dès ce mardi soir. Barack Obama s'exprime alors que le contexte économique lui est (enfin) favorable. Le chômage des Américains est au plus bas depuis longtemps : 5,5% et la croissance (5% au dernier trimestre) est au plus haut depuis 11 ans. Aidé par ces bonnes nouvelles, le président devrait annoncer une série de propositions pour que la reprise « profite à tout le monde », a-t-il expliqué jeudi 15 janvier à Baltimore au cours d’une grande tournée qu’il a entreprise aux Etats-Unis. Il s'est d'ailleurs félicité mardi soir de l'entrée de son pays dans une nouvelle ère économique : "ce soir nous tournons la page d'une violente récession". 
Hommage
Le président américain a commencé son discours en lançant un message de solidarité à toutes les victimes du terrorisme "d'une école du Pakistan aux rue de Paris" en rappelant que la lutte contre les terroristes et leurs réseaux se poursuit. Sa déclaration a été vivement applaudie et des sénateurs ont levés leur crayon pour rendre hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo tués dans l'attentat contre leur journal le 7 janvier dernier. 

Pencils wave as Obama pays tribute to terror victims, from Pakistan to Paris. #CNNSOTUhttp://t.co/9Mxds0hNie pic.twitter.com/Cwj99AOgS2

— CNN International (@cnni) January 21, 2015
Sur le plan national… Ces derniers jours, Barack Obama a déjà laissé filtrer certaines de ses priorités qui doivent être présentées dans son discours sur l'état de l'Union : la facilitation de l’accès à la propriété, l'amélioration de l’accès à l'Internet haut-débit et la gratuité sous conditions des « community college » (cycle d'éducation court après le lycée, ndlr). 
Et surtout, le président a exhorté le Congrès américain à adopter une loi qui garantirait l'égalité salariale homme-femme.    Mais, il entend surtout mener une réforme fiscale prévoyant, notamment, la suppression de nombreuses niches et, en particulier, celle portant sur la taxation des revenus du capital. Actuellement, elle permet de payer peu voire aucun impôt sur des plus-values réalisées sur des actifs hérités. Une décision qui a déjà soulevé des critiques dans le camp républicain.  « Les 400 contribuables les plus riches ont payé en moyenne 17% d’impôt en 2012, moins que les familles de la classe moyenne », expliquait la Maison Blanche qui dénonce un code des impôts « injuste » qu'il faut changer.   Cette réforme vise ainsi augmenter la pression fiscale sur les 1% de foyers les plus aisés. 80% de l'effort à faire porterait sur 0,1% des plus riches dont les revenus excèdent 2 millions de dollars par an. 
La somme alors dégagée, évaluée à 320 milliards de dollars, pourrait financer de nouvelles aides pour la classe moyenne comme : les congés maternité et maladie payés, des crédits d’impôts pour la garde d’enfants, … Au niveau national, le président devra aussi s’assurer du maintien de l’Obamacare, sa réforme du système de santé qu’il a mise en place, et qui pourrait être à nouveau remise en question par les Républicains.
Politique étrangère… Même s’il n’est plus en position de force au Congrès, le président américain, pourra toujours utiliser son droit de veto sur les dossiers brûlants de politique intérieure mais aussi étrangère : la construction de l’oléoduc Keystone XL à laquelle Barack Obama s’oppose ou les négociations sur le nucléaire iranien dont la prochaine échéance est fixée au 1er juillet. "Il n'y a aucune assurance que les négociations soient couronnées de succès (...) mais de nouvelles sanctions vont à coup sûr saper les efforts diplomatiques. Cela n'a pas de sens, c'est pourquoi j'y opposerai mon veto", a déclaré Barack Obama. 
Concernant la lutte contre le groupe Etat islamique en Irak et la Syrie, les Républicains pourraient demander un renforcement de l’action américaine actuelle qui consiste en des frappes aériennes et un soutien aux forces irakiennes.  Au cours de son discours, Barack Obama est aussi revenu sur les relations diplomatiques rétablies avec Cuba le 18 décembre dernier après un demi-siècle de rupture. "La main de l'amitié tendue au peuple cubain" peut "permettre de tourner la page d'un héritage de défiance", a-t-il souligné. Les ambassades doivent rouvrir et l’embargo économique américain être allégé…si les Républicains coopèrent sur le dossier.  Cette annonce inattendue faite en fin d’année par Barack Obama trahit sa volonté de laisser sa marque dans l’Histoire du pays. Libéré du poids électoral et après sa défaite à l’élection de mi-mandat, il a multiplié les décisions importantes avant la prise de fonction du nouveau Congrès à majorité républicaine le 6 janvier qui pourrait les bloquer. Mi-novembre 2014, Barack Obama a conclu avec le président chinois Xi Jinping un accord qualifié d’« historique » sur la réduction des émissions de CO2. Un signe encourageant en vue de la conférence de Paris sur le climat en 2015.  Quelques jours plus tard, le président américain autorisait la régularisation « temporaire », dès le printemps 2015, d’immigrés arrivés clandestinement sur le sol américain. Quelques 5 millions de migrants sur les 11 que compte le pays, pourraient ainsi bénéficier de cette régularisation sous certaines conditions. Face à cette multiplication d'annonces progressistes d’un président que l’on disait en bout de course, quelle sera la réponse des Républicains après son discours de l’état de l’Union ? Il n’est pas certain que l’opposition parvienne à faire front commun face au président sortant porté par un second souffle.