Fil d'Ariane
M. Trump s'est indigné jeudi 15 juin 2017 après ces révélations. Il a qualifié de nouveau sur Twitter de "bidon" l'hypothèse d'une collusion entre son entourage et la Russie pendant la campagne électorale américaine.
L'enjeu est considérable pour lui. Si des preuves d'entrave à la justice étaient réunies, cela pourrait ouvrir la voie à une procédure de destitution.
"Ils ont fabriqué une collusion bidon avec l'histoire russe, ils n'ont trouvé aucune preuve, et donc maintenant ils se lancent dans l'entrave à la justice sur cette histoire bidon. Sympa", a-t-il tweeté.
Un peu plus tard, il s'en est pris à Hillary Clinton, sa rivale démocrate à la présidentielle, qui n'a pas été poursuivie au terme d'une enquête de la police fédérale (FBI) concernant son utilisation d'un serveur privé d'emails quand elle dirigeait la diplomatie.
"H la crapule a détruit des téléphones avec un marteau, +javélisé+ des emails et a fait se rencontrer son mari et la ministre de la Justice quelques jours avant d'être blanchie --et ils parlent d'entrave?" à la justice, s'est-il emporté sur Twitter.
Cette affaire russe, qui empoisonne sa présidence, constitue la "plus grande chasse aux sorcières de l'histoire politique des Etats-Unis", a-t-il estimé.
La semaine dernière, l'ex-chef du FBI James Comey, limogé par M. Trump début mai, avait fait état de pressions du président américain dans l'enquête sur la Russie.
Selon M. Comey, le chef de l'exécutif lui avait fait comprendre qu'il souhaitait l'abandon du volet de l'enquête concernant son ancien conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn. Réputé proche de la Russie et au coeur des soupçons de connivence avec Moscou, ce dernier a démissionné le 13 février, accusé d'avoir menti sur ses contacts avec l'ambassadeur russe à Washington.
Accusé personnellement par les services de renseignement américains d'avoir piloté des piratages informatiques de la campagne de Mme Clinton, le président russe Vladimir Poutine a de nouveau tourné en dérision toute l'affaire.
M. Comey pourrait obtenir "l'asile politique" en Russie, s'est-il amusé jeudi.
De son côté, le Congrès américain semble déterminé à ne pas relâcher la pression sur la Russie. Le Sénat a adopté jeudi de nouvelles sanctions ainsi qu'une proposition de loi permettant au Congrès d'empêcher le président de lever des sanctions contre Moscou.
Pour déterminer si M. Trump a tenté de peser sur l'enquête du FBI, Robert Mueller - un ancien chef du FBI - interroge actuellement de hauts responsables du renseignement, selon le Washington Post et le New York Times.
Un élargissement du champ de l'enquête à une éventuelle entrave à la justice de la part du président représente "un tournant majeur", souligne le Washington Post, affirmant que les enquêteurs recherchent également de potentiels délits financiers chez des collaborateurs du milliardaire républicain.
Le procureur Mueller aurait sollicité cinq pontes du renseignement, dont trois ont accepté d'être entendus, selon la presse: Daniel Coats, directeur du renseignement, qui chapeaute toutes les agences; Mike Rogers, directeur de l'agence de surveillance NSA et son ancien adjoint, Richard Ledgett.
Ces entretiens pourraient se tenir dès cette semaine.
D'après le Washington Post, M. Mueller s'intéresse particulièrement à un échange le 22 mars entre M. Coats et ses collaborateurs. Il leur aurait confié que le président lui avait demandé d'intervenir auprès de M. Comey pour qu'il abandonne l'enquête sur M. Flynn.
Quelques jours plus tard, M. Trump avait demandé à MM. Coats et Rogers de déclarer publiquement qu'il n'existait aucune preuve de collusion entre son entourage et la Russie, ce que les deux hommes avaient refusé de faire, selon le journal.
Sans réagir sur le fond, l'avocat du milliardaire, Marc Kasowitz, a dénoncé une "fuite d'information du FBI concernant le président (...) scandaleuse, inexcusable et illégale".
Pour "l'aider à répondre aux demandes" de M. Mueller, le vice-président Mike Pence a décidé d'embaucher un avocat personnel, a indiqué jeudi soir Jared Agen, son directeur de la communication.
Les experts jugent peu probable que le ministère de la Justice prenne l'initiative d'inculper un président en exercice, même si l'enquête de M. Mueller concluait à une entrave à la justice de la part de M. Trump.
Mais une telle éventualité pourrait mettre la pression sur le Congrès, à majorité républicaine, pour qu'il déclenche une procédure politique de destitution ("impeachment").
Les procédures d'impeachment lancées contre les présidents Bill Clinton en 1998 et Richard Nixon en 1974 se basaient toutes deux sur des accusations d'entrave à la justice.